Ma famille agricole 15 janvier 2023

Un entrepreneur agricole a réalisé son rêve

SAINT-BARNABÉ-SUD — Le flair et le sens des affaires d’un individu peuvent assurer l’avenir financier de quelques générations de descendants. C’est le cas de Roger Leblanc, qui a acquis et transféré 20 poulaillers avec le quota et 550 hectares de terre à ses trois enfants.

Fiche technique

Nom de la ferme :
Ferme Rojoie

Spécialités :
Volaille et grandes cultures

Année de fondation :
1968

Noms des propriétaires :
Joël, Jocelyne et Roger Leblanc

Nombre de générations :
2

Superficie en culture :
480 hectares

Cheptel :
1,2 million de poulets et
50 000 dindes à griller par année

Le destin de Roger Leblanc a changé à la fin des années soixante quand il a décidé de délaisser l’excavation pour se lancer dans l’agriculture, plus précisément dans l’élevage de volailles.

En entrevue avec La Terre, par une journée de décembre au cours de laquelle la neige tombait tranquillement sur sa ferme, M. Leblanc, assis dans le bureau de son atelier mécanique, raconte le déroulement de sa carrière. Il lance cette phrase qui résume tout : « J’ai réalisé mon rêve. »

Son rêve était de prospérer en agriculture et d’assurer l’avenir de ses trois enfants en leur léguant chacun une ferme. Son fils Dany est ainsi propriétaire, aujourd’hui, de la Ferme Poulet Blanc, avec quatre poulaillers, en plus de la bleuetière Joualbleu. Luc est le propriétaire de la Ferme du dindon avec six bâtiments d’élevage et Joël possède la Ferme Rojoie comptant 10 poulaillers. Sans oublier les quelque 550 hectares de la famille qui, dans la région de Saint-Hyacinthe, valent près de 30 M$.

Du bulldozer aux poulets

En 1968, Roger Leblanc conduit des bouteurs, des bulls dans le jargon, pour creuser des fossés dans les champs des agriculteurs. Cette pratique est subventionnée à l’époque. Il travaille ainsi presque jour et nuit avec son père. «

 Mais mes oncles, qui avaient des poulaillers, me disaient de lâcher les bulls et de me partir des poulaillers. Ce serait plus payant. J’ai été emprunté à l’Office du crédit agricole. J’ai bâti un poulailler, et j’en ai rebâti un autre en 69 », raconte M. Leblanc, qui a effectivement constaté que la volaille était un secteur rentable, à l’exception de la première année, qui ne lui aurait pas permis de faire d’argent avec l’élevage. « J’ai même mangé 500 $. Il faut dire que je ne connaissais rien! » rigole-t-il.

L’année 1973 marque un tournant alors qu’il fonde la compagnie Ferme Leblanc et Therrien. « M. Therrien était un représentant d’une compagnie d’alimentation animale. Il a été un excellent associé. On a passé une annonce dans La Terre de chez nous pour acheter des poulaillers. En trois ou quatre ans, on en avait acheté sept. Dans ce temps-là, on barguinait. Et on payait le quota 10 cennes du pied… » Les deux associés ont acheté 15 poulaillers ensemble.

Mais il ne suffisait pas d’acheter des poulaillers; il fallait bien sûr s’en occuper. « Il n’y avait pas d’heure pour m’appeler. Si un dimanche soir, on avait un problème dans un poulailler à 40 minutes de route, je montais, et vite. L’ouvrage était bien différent d’aujourd’hui, car juste nettoyer, on faisait tout ça à la pelle et ça nous prenait une semaine. Pour les soigner, on remplissait les mangeoires… à la brouette. Et c’est nous qui les attrapions pour les mettre dans les cages. Il n’y avait pas d’attrapeurs. »

Sur une base personnelle, Roger Leblanc achète aussi des terres au rythme d’une par année. En 1990, sa femme et lui conviennent toutefois qu’il serait plus facile de transférer des actifs aux enfants en vendant sa participation avec M. Therrien. Les liquidités reçues lui permettent de se remettre à acheter d’autres poulaillers! Graduellement, il met la main sur une vingtaine de bâtiments de production de volailles, y compris de dindons. « Après, je me suis calmé, car en 2000, ça commençait à être pas mal gros. C’est là que j’ai transféré ça à mes gars. »

Son sens de l’entrepreneuriat, il le doit à sa mère. « Elle était d’affaires, se souvient-il. C’est elle qui poussait mon père dans sa compagnie de bulls. Moi aussi, j’avais ça en moi, faut croire. J’ai vu qu’il y avait de l’argent à faire dans les poulaillers et je voulais. »

Le fils de Joël, Alexandre, semble une relève intéressée par la ferme et la petite érablière, lui qui a la dent sucrée! Photo : Martin Ménard/TCN
Le fils de Joël, Alexandre, semble une relève intéressée par la ferme et la petite érablière, lui qui a la dent sucrée! Photo : Martin Ménard/TCN

La relève

Dany Leblanc, qui a fait un baccalauréat en design graphique, ne serait probablement pas agriculteur aujourd’hui sans son père. « J’ai travaillé en infographie quelques années, mais la compétition est forte et ça faisait des petits salaires. Quand mon père m’a offert la ferme, j’ai dit oui. [Sans être l’emploi rêvé], tu te dis que tu es bien à la ferme, pas de boss, pas tout le stress, et un bon salaire », indique Dany.

Son frère Joël, qui a étudié en agroéconomie à l’Université McGill, est reconnaissant envers ses parents. « Ma mère, Jocelyne, une enseignante de formation, m’a transmis l’importance de faire des rapports d’élevage afin d’améliorer nos résultats financiers. Mon père, lui, m’a tracé une belle voie. Sans ça, je n’aurais pas l’entreprise que j’ai là », mentionne-t-il. 

Des engrais verts pour remplacer l’atrazine

Les Leblanc sèment systématiquement des radis fourragers dans les champs qui sont récoltés tôt. Photo : Martin Ménard/TCN
Les Leblanc sèment systématiquement des radis fourragers dans les champs qui sont récoltés tôt. Photo : Martin Ménard/TCN

Après avoir essayé différentes techniques culturales, Joël Leblanc mise maintenant sur un travail réduit du sol couplé à un passage de vibro au printemps et à l’utilisation d’engrais verts comme recette à succès. « On a essayé le semis direct, mais les rendements étaient moins élevés et le semis direct avait l’inconvénient d’augmenter l’utilisation d’herbicides », décrit l’agriculteur. Il sème du ray-grass entre les rangs de son maïs-grain. « Ça agit comme un résiduel. Ça remplace l’atrazine [un herbicide qui pose un plus grand risque environnemental] », précise-t-il. Après la récolte du maïs sucré, des fèves de conserverie et du blé, il sème du radis fourrager qui aide à améliorer le sol et la percolation de l’eau. « Au printemps, les champs avec les radis sont les premiers prêts », constate-t-il. 


Améliorer l’élevage sans trop pousser

Quand Roger Leblanc a commencé, il fallait 10 semaines de croissance pour qu’un poulet à griller soit envoyé à l’abattoir. Aujourd’hui, c’est 5 semaines. Joël Leblanc, qui a informatisé et automatisé la production, croit qu’il faut continuer à améliorer l’élevage, mais sans trop pousser. Le producteur veut même diminuer le rythme de croissance des poulets. La cadence de croissance trop rapide entraîne des tumeurs ou des os qui se désagrègent chez plus d’oiseaux qu’avant. « Je veux ralentir. J’aime mieux perdre en efficacité et avoir plus d’oiseaux en santé », explique-t-il.

Son frère Dany, qui vient de construire deux nouveaux poulaillers, a d’ailleurs délaissé le traditionnel concept de bâtiment à deux ou trois étages. Ses nouveaux poulaillers n’ont qu’un seul étage, mais les dimensions sont énormes, faisant 18 mètres par 122. Ce concept permet d’être prêt à recevoir la technologie d’attrapage mécanique des oiseaux.

La Ferme Rojoie mise sur un système à la biomasse pour chauffer tous les poulaillers, les bâtiments et même la piscine! Photo : Gracieuseté de la Ferme Rojoie
La Ferme Rojoie mise sur un système à la biomasse pour chauffer tous les poulaillers, les bâtiments et même la piscine! Photo : Gracieuseté de la Ferme Rojoie

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