Actualités 21 août 2022

La famille d’abord et avant tout

COMPTON – Malgré ses 110 ans ou à peu près d’existence, la Ferme Stéronest de Compton ne fait absolument pas son âge. Les bâtiments neufs se trouvent sur un vaste terrain pensé pour accueillir de nouvelles installations le moment venu. C’est une entreprise agricole où se côtoient chaque jour la troisième, la quatrième et la cinquième génération de propriétaires dont un des points communs tient à leur volonté de poursuivre leur croissance.

Fiche technique :

Nom de la ferme :
Ferme Stéronest

Spécialités :
Production laitière
et grandes cultures
(blé, maïs, luzerne et mils)

Année de fondation :
1913

Noms des propriétaires :
Roger, Stéphane, Sébastien et
Daniel Vaillancourt

Nombre de générations :
4

Superficie en culture :
1 012 hectares 

Cheptel :
310 vaches en lactation

Une quantité impressionnante de silos à grains longe la route de gravier qui mène au site principal de la Ferme Stéronest, sur le chemin Dion. On dirait un immense bouquet métallique, aussi gros qu’inattendu à cet endroit tout en vallons où on imaginerait croiser davantage de ces granges de bois typiques, construites à une autre époque.

Les copropriétaires de la Ferme Stéronest, Stéphane Vaillancourt, son père Roger, son frère Sébastien et son cousin Daniel, forment la troisième et quatrième génération de Vaillancourt à cultiver les terres familiales. Le fils de Stéphane, Philippe, diplôme d’agriculture et de mécanique agricole en poche, poursuivra l’aventure amorcée au début des années 1910 par l’aïeul, Achille.

« On dispose de 8 000 tonnes de capacité d’entreposage de grains et de 10 000 tonnes pour le séchage du maïs », indique Stéphane Vaillancourt. Le grain représente une partie seulement des activités de l’entreprise. Stéronest, c’est d’abord et avant tout, et depuis toujours, une ferme laitière.

« Au début, c’est sûr que c’était une ferme de subsistance, mais ça fait quand même pas loin de 50 ans qu’on trait 100 vaches », signale Roger Vaillancourt. « On est passé au feu en 1988. C’est à partir de là qu’on a commencé à grossir davantage et à se donner de meilleurs bâtiments », ajoute l’entrepreneur de 70 ans, manifestement aussi passionné qu’à ses débuts à la ferme, en 1973.

D’une centaine de vaches en lactation au début des années 1980, la ferme est passée à 150, puis à 225 avant d’atteindre un peu plus de 300 vaches aujourd’hui. « Si tu ne grossis pas, tu recules et tu fermes les portes », soutient Roger qui semble avoir transmis son sens de l’entrepreneuriat à la relève. « Si on a construit l’étable où on est en 2017, c’est que l’ancien bâtiment était en fin de vie, le système de traite était fatigué, alors on s’est mis au goût du jour avec un carrousel de traite de 32 places et des animaux détachés pour respecter le bien-être animal », poursuit Stéphane.

 La Ferme Stéronest possède une capacité d’entreposage de 8 000 tonnes de grains. Les céréales servent essentiellement à répondre aux besoins de la ferme. Photo : Claude Fortin
La Ferme Stéronest possède une capacité d’entreposage de 8 000 tonnes de grains. Les céréales servent essentiellement à répondre aux besoins de la ferme. Photo : Claude Fortin

Technologie en béton

Roger Vaillancourt a pris la relève de son père en 1973. Photo : Claude Fortin
Roger Vaillancourt a pris la relève de son père en 1973. Photo : Claude Fortin

Une chose frappe le regard en pénétrant dans l’immense étable où se déplace librement le troupeau de Holsteins « de haute génétique » ‒ selon les mots de Roger ‒ et c’est l’aire de vie des animaux qui s’incline vers le centre du bâtiment. « On est un des rares au Québec et au Canada à être installé comme ça », indique Sébastien, 41 ans, qui se joint à la conversation après avoir inséminé quatre vaches. « C’est nous qui l’avons imaginée comme ça à partir de ce qu’on a vu lors d’un voyage en Europe », dit-il.

Les avantages d’une pareille installation sont nombreux, selon les producteurs. Un premier : la simplicité des installations et son faible coût d’entretien. « C’est à peu près juste du béton », explique Sébastien. « Il y a quelques barrières qu’on peut changer de place au besoin et ça se fait en 10 minutes. Le restant, c’est que de l’équipement de base », précise-t-il. Un second avantage : la litière composée de mousse de sphaigne et de paille reste pratiquement toujours sèche. « L’urine des vaches descend en bas dans la rigole », indique Roger selon qui l’idée d’aménager l’étable principale en plan incliné s’est imposée presque d’elle-même. « Nos taures étaient déjà installées dans un bâtiment comme ça et on voyait qu’elles étaient bien mieux que nos vaches », ajoute-t-il. « La Holstein vient de l’Angleterre [NDLR : l’origine de la Holstein serait plutôt les Pays-Bas], où c’est humide avec des côtes », renchérit Sébastien.

« Ce n’est pas compliqué, lorsque tu passes dans les champs, dans ces régions-là, les animaux sont sur le dessus. C’est dans leurs gènes, ils sont toujours en haut de la côte. Et regarde où elles sont en ce moment. En haut! » signale l’agriculteur en pointant du doigt une partie du troupeau. En plus de respecter les habitudes des animaux, la litière accumulée réduirait les risques de blessure pour les vaches et contribuerait à les maintenir en santé.

« On a vu un gros changement sur le plan de la qualité des jambes », soutient Sébastien. « On a des animaux qui ont huit, neuf, dix ans et je te garantis que tu ne les trouveras pas dans le bâtiment », ajoute-t-il, convaincu. « Les animaux n’ont pas de bosses, pas de membres endommagés. Quand on vend une bête à la réforme, y en a pas une partie qui est rejetée », assure l’entrepreneur.

Tout ça, sans compter l’amélioration des rendements aux champs générée par la litière à base de tourbe. « Le rendement des champs a augmenté depuis cinq ans, c’est hallucinant! » s’exclame Sébastien, sous le regard approbateur de Roger et de Stéphane. « On a pris deux champs voisins l’an passé, un qui a une application solide en mousse de tourbe, puis l’autre pas, et on a vu une différence d’une tonne à l’âcre pour le maïs. » 

Quatre personnes, dont Sébastien (sur la photo), et Daniel, pratiquent l’insémination du troupeau. Photo : Claude Fortin
Quatre personnes, dont Sébastien (sur la photo), et Daniel, pratiquent l’insémination du troupeau. Photo : Claude Fortin

Le bon coup de l’entreprise

« Notre meilleur coup, c’est d’avoir séparé nos effectifs avec leurs talents naturels », affirme Sébastien Vaillancourt. « Chacune des personnes ici est orientée vers sa passion et ce qui est plus facile pour elle. Daniel et moi, ce sont les animaux. Mon père, ce sont les champs et Stéphane, le centre de grains et la machinerie », énumère l’entrepreneur. « Chacun possède son créneau avec l’idée de pousser toujours plus loin l’efficacité de nos secteurs », ajoute-t-il.

Lorsque nous parlons avec les Vaillancourt, on se rend cependant compte que le meilleur coup de l’entreprise dépasse les considérations techniques comme la division du travail et la recherche de rendement. Le meilleur coup de l’entreprise se trouve visiblement ancré dans les liens profonds qui unissent les membres du clan, de leur conviction qu’ils participent à un projet plus grand qu’eux.

« Si on est encore là, raconte Sébastien, c’est parce que depuis 1913, chaque décision qui a été prise a été pour la prochaine génération. L’agriculture, c’est sur la longévité. Celle des générations, des familles, de l’installation, c’est tout ça. » 

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Claude Fortin, collaboration spéciale

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