Bio 8 juin 2022

Une grosse ferme maraîchère se lance dans le bio

NAPIERVILLE – La ferme Delfland, à Napierville, prend le virage biologique et produira 91 000 kilos d’oignons bio cette année. Elle cultivera aussi des carottes bio et lancera cet automne une échalote bio sous la marque Attitude Fraîche, de son partenaire Vegpro international. Deux autres fermes de la famille Vegco emboîteront aussi le pas dans cette voie.

Guillaume Cloutier, troisième génération de copropriétaires de Delfland, a doublé la superficie bio cette année, et avec ses champs en transition, il s’attend à ce que dans deux ans, son entreprise cultive 40 hectares d’oignons, de carottes et d’échalotes bio. « On rentre dans le bio. La principale raison, c’est la demande de nos clients. Les consommateurs veulent manger avec le moins de pesticides. Aussi, il n’y a pas beaucoup d’entreprises [agricoles] qui se sont lancées dans ces cultures en bio à grande échelle. On voulait occuper le marché en premier », souligne le producteur de Napierville, en Montérégie. L’agriculteur demeure cependant prudent et surtout réaliste face aux soubresauts potentiels du marché, qui l’incitent à avancer dans le bio un pas à la fois. Nulle question, donc, de convertir pour l’instant l’ensemble des 403 ha en production maraîchère que possède Delfland. « On ne sait pas à quel point le marché du bio est grand et à quel point l’inflation et peut-être la récession auront un impact sur la décision du consommateur d’acheter bio. Trop de volumes peuvent faire plonger les prix rapidement. Et la superficie que nous cultivons en bio actuellement paraît très peu, mais c’est très gros, car cela demande beaucoup plus de main-d’œuvre », précise-t-il.

Des techniques issues du conventionnel

Delfland ne s’est pas lancé dans le bio sur un coup de tête ni sans expérience. « Ce qu’on fait en conventionnel, c’est près du bio. On a adopté beaucoup de pratiques de réduction des pesticides. Les mouches stériles, les capteurs de spores, les biofongicides, les biopesticides, l’utilisation des sarcleurs : on commence à être très bons », affirme M. Cloutier. Mais le défi des mauvaises herbes dans les terres noires et la lutte contre le principal insecte ravageur de l’oignon, les thrips, exigent beaucoup d’efforts et de recherches, lesquelles sont également financées par les Producteurs d’oignons du Québec et Agriculture Canada. 

Guillaume Cloutier se désole de ne pas avoir accès à des biopesticides vendus aux États-Unis et non homologués par le gouvernement canadien. « Le gouvernement veut du bio, mais n’homologue pas des biopesticides, c’est un peu incohérent. »

Au bout du compte, les oignons et échalotes bio sont-ils plus payants qu’en conventionnel? « On entendait dire que c’était doublement plus payant. Pour l’instant, c’est bien, mais en termes de rendements, on est encore loin de ce qu’on fait dans le conventionnel. On a encore du travail à faire pour être très rentables dans le bio », répond le producteur. 

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Des ventes difficiles à grande échelle

La ferme Agri-Fusion, qui cultive 3 000 hectares sous régie biologique, abandonne cette année la majorité de ses cultures de légumes destinés au marché du frais. « On a essayé le marché du frais pendant près de trois ans pour conclure que c’est un marché très difficile, un marché de charognes, de coupe-gorge. C’est la politique d’achat des chaînes que je qualifierais d’un peu débile; ils disent vouloir du local et du bio, mais ne veulent pas payer le prix. Ce n’est pas le genre de relation d’affaires que tu as le goût d’avoir », résume avec déception Gilles Audette, copropriétaire de la ferme.

Il ajoute que les timides commandes « de quelques palettes » font grimper le coût de production. « On faisait trois ou quatre hectares de haricots pour le marché du frais, ce qui nous obligeait à sortir le tracteur pour seulement 15 minutes de sarclage… C’est moins rentable. Et avec la mise en marché, ça nous cause plus de problèmes que de faire 200 ha de haricots pour Bonduelle », compare l’agriculteur de Saint-Polycarpe, en Montérégie.

Sans fermer la porte, il évalue que les perspectives de développement du maïs sucré, des carottes et des autres légumes bio pour le marché du frais ne sont « pas bonnes ».

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