Quand le goût du Vietnam s’enracine en Beauce

NOTRE-DAME-DES-PINS Native du Vietnam, Win Le Phan doit sa venue en sol québécois au contexte difficile qui sévissait dans son pays d’origine. De la même façon, le Domaine La Vieille Grange a connu un nouveau départ durant la pandémie. Dans la vie de la productrice, les périodes de crise ont créé un contexte… providentiel.

Fiche technique

Nom des ferme
Domaine La Vieille Grange

Spécialités
légumes et service de traiteur

Année de fondation
2019

Nom de la propriétaire
Win Le Phan

Nombre de générations
1

Superficie en culture
1,5 hectare 

Cheptel
6 vaches Highland, 15 cochons, 2 chèvres, 1 poney et 100 poules

Spontanément, Win Le Phan décrit sa philosophie : gérer une entreprise maraîchère et un service de traiteur – très bientôt un vignoble aussi – en misant sur le modèle « de la terre à la table » et l’autosuffisance. Établie à Notre-Dame-des-Pins depuis 2015 et entrepreneure-née, son engagement est teinté d’un désir de « retour aux sources », elle qui se distingue par son parcours.     

« À huit ans, j’ai quitté le Vietnam avec mes parents à bord d’un boat people. Après trois mois en mer, nous nous sommes retrouvés en Chine. J’ai vécu à Hong Kong et aux Philippines avant d’immigrer dans la ville de Québec deux années plus tard. Mon oncle, qui y demeurait déjà, a parrainé ma famille. Marchands de vélos dans leur pays, mes parents sont devenus restaurateurs », raconte sommairement Win.

De la cueillette à la restauration

Tous les étés, dans sa jeunesse, celle qui détient aujourd’hui un baccalauréat en administration (concentration gestion urbaine et immobilière) de l’Université Laval cueillait des fruits et légumes sur l’île d’Orléans et à Saint-Henri. Dans l’entreprise familiale, à l’adolescence, elle a agi comme cuisinière, plongeuse et serveuse et a ouvert elle-même des restaurants dans la capitale et à Saint-Georges, en Beauce.

« Dans mon deuxième commerce, à Québec, j’ai rencontré mon conjoint actuel; il avait été embauché comme entrepreneur en construction pour faire des travaux, note Win. Jimmy [Baillargeon] habitait à Lac-Poulin et je l’ai suivi. Les légumes qui entraient dans les menus du restaurant de Saint-Georges, que j’ai fermé en 2017, provenaient de mon potager. Dans mon existence, j’ai d’ailleurs toujours jardiné. »

Pousser l’expérience plus loin

Il y a trois ans, la productrice maraîchère autodidacte a lancé Les Paniers du Chef.

La maraîchère et ses fils Liam, Zack et Gabriel cultivent différentes variétés de tomates ancestrales et de piments. L’entreprise se spécialise d’ailleurs dans les fines herbes et les légumes asiatiques.
La maraîchère et ses fils Liam, Zack et Gabriel cultivent différentes variétés de tomates ancestrales et de piments. L’entreprise se spécialise d’ailleurs dans les fines herbes et les légumes asiatiques.

Proposant déjà des corbeilles de légumes vendues à sa ferme et dans les marchés publics, elle a poussé l’expérience culinaire plus loin en offrant un service de traiteur fixe ou ambulant. Présente lors d’événements, elle a créé le kiosque Buvette Mobile. Les mets préparés par Win sont typiquement vietnamiens et visent la découverte.

« Depuis l’an dernier, en pleine COVID-19, des bœufs Highland, des cochons et des poules se sont ajoutés. Et ce n’est pas tout, enchaîne-t-elle. Grande amatrice de sirop d’érable, j’ai fait plusieurs foires alimentaires en Asie qui m’ont amenée à m’intéresser à l’alcool et à me former afin de devenir sommelière. Le Domaine La Vieille Grange se dotera d’un vignoble; je m’apprête à mettre les plants en terre! »

Avant la récolte initiale, au moins trois années devront s’écouler. Les sept cépages de rouge et de blanc donneront donc au mieux leurs premières bouteilles en 2025. La Notredamoise, qui apparaît dans le documentaire La vigne est belle, diffusé ce printemps à Télé-Québec, a appris les bases du métier au Vignoble de l’Orpailleur, à Dunham. Win souhaite se rendre dans d’autres vignobles plus tard cette année.

Mère de trois enfants – Gabriel (13 ans), Liam (11 ans) et Zack (10 ans) –, la cheffe d’entreprise occupe également un poste de courtière hypothécaire. En novembre dernier, elle a en outre été élue conseillère municipale à Notre-Dame-des-Pins, un poste pour lequel elle verse sa rémunération à des organismes communautaires. Ses enfants participent aux tâches de la ferme.

« On tente de les intégrer depuis qu’ils sont petits. Ils vont chercher les oeufs, aident à la récolte et font des menus travaux », raconte leur mère. 

Le troupeau de vaches et de cochons de la ferme est appelé à croître, pour le plus grand bonheur de Zack, qui participe à certaines tâches.
Le troupeau de vaches et de cochons de la ferme est appelé à croître, pour le plus grand bonheur de Zack, qui participe à certaines tâches.

Le bon coup de l’entreprise

Depuis l’automne, le Domaine La Vieille Grange collabore avec l’épicier, traiteur et restaurateur Les Pères Nature dans le but de réduire le gaspillage alimentaire. « On a soumissionné et notre entreprise a été choisie, exprime fièrement Win Le Phan. Les retailles, ce qui n’est plus bon pour la consommation humaine, nous le récupérons pour les cochons. Chaque semaine, c’est l’équivalent d’une tonne que nous allons chercher. Ces résidus de fruits et légumes sont bons pour la santé des animaux, nous font réaliser des économies et aident à protéger l’environnement. » 


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Suivre sa passion

« Dans mon cas, je n’ai pas l’impression de travailler. Je me lève le matin et j’ai hâte d’accomplir mes tâches. Bien avant l’argent, je veux avoir une entreprise à échelle familiale, qui correspond à mes valeurs profondes, comme de n’utiliser aucun produit chimique et de rester artisanale », explique Win.

Apprendre à dire non

La maraîchère mentionne : « Je choisis mes propres projets parce que la vie de famille occupe une place importante. J’ai décidé de ne pas me surcharger de travail, car j’ai la volonté de bien faire ce que j’ai à réaliser. À la ferme, je mise d’abord et avant tout sur la variété, et non pas sur la quantité. »

Ne pas avoir peur et ne jamais éprouver de regret

La productrice précise qu’elle prend les choses par petites bouchées. « J’aime mieux mourir d’un plaisir que d’un désir! Ambitieuse, je mets mes rêves à exécution. Le pire qu’il puisse arriver, c’est de se faire dire non, mais on continue d’avancer, de foncer sans baisser les bras. »

 

Depuis l’an dernier, en pleine COVID-19, des bœufs Highland, des cochons et des poules se sont ajoutés à la ferme.
Depuis l’an dernier, en pleine COVID-19, des bœufs Highland, des cochons et des poules se sont ajoutés à la ferme.