Politique 5 mai 2022

L’ITAQ veut retrouver sa notoriété

L’Institut de technologie agroalimentaire du Québec (ITAQ), qui a joui d’une grande notoriété dans le milieu agricole pendant des décennies, a vécu des moments difficiles ces dernières années, alors que des professeurs et des étudiants, notamment du campus de Saint-Hyacinthe, se sont plaints d’un climat toxique et d’installations vétustes. Une situation que la nouvelle directrice Aisha Issa s’affaire à renverser depuis son arrivée en poste le 30 juin dernier.

« On veut redonner la fierté », affirme-t-elle en entrevue avec La Terre. La directrice a fait le tour des campus de Saint-Hyacinthe et de La Pocatière pour rencontrer le personnel, les enseignants et des élèves. « Je demandais à chacun ‘‘c’est quoi votre rêve’’, et qu’est-ce qu’on doit changer individuellement et collectivement. Leur rêve était souvent [de voir l’ITAQ] en avant de la parade », explique Mme Issa, dont la nomination comme directrice a coïncidé avec un changement organisationnel majeur puisque l’Institut, anciennement connu sous l’acronyme ITA, est devenu l’ITAQ, une entité administrative qui n’est plus sous le joug du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ).

L’ITAQ compte désormais son propre conseil d’administration et une nouvelle direction. Le changement est réel, assure l’enseignant Patrick Leduc, président du syndicat des professeurs de l’ITAQ. « Ce n’est pas encore le monde parfait, mais on voit du positif. Les communications sont ouvertes avec la nouvelle direction et ça fait du bien », commente-t-il.

L’enseignant dit cependant qu’il faut réparer les pots cassés. « Beaucoup de professeurs ont vécu de grosses séquelles dans le temps qu’on relevait du MAPAQ. Il y avait une guerre de clochers entre les profs et la direction. L’ambiance était toxique, des profs sont tombés en arrêt de travail, d’autres ont quitté, car ce n’était pas vivable […] On a perdu notre titre de vaisseau amiral [de l’enseignement agricole]. Il y a des programmes avec des baisses d’inscription phénoménales. Mais tout l’organigramme a changé, la direction a changé. On essaie de mettre un trait sur le passé », indique celui qui est motivé à aller rechercher de la clientèle.

La ferme laitière Maskita doit être mise à jour en matière de bien-être animal, notamment. Photo : Archives/TCN
La ferme laitière Maskita doit être mise à jour en matière de bien-être animal, notamment. Photo : Archives/TCN

Chantiers

L’un des premiers chantiers de la nouvelle directrice Aisha Issa est de réconcilier les deux campus, Saint-Hyacinthe et La Pocatière, en établissant le contact entre les personnels et en formant des groupes associés aux programmes scolaires communs. L’autre chantier consiste à mettre en place des actions et de mesurer leurs avancements. « C’est là que le travail commence », dit-elle.

Son équipe et elle préparent la prochaine rentrée scolaire en travaillant sur des parcours qui plairont davantage aux étudiants. « Je l’ai entendu. Des programmes ont besoin d’amour », nomme-t-elle, spécifiant qu’elle veut renforcer la formation sur l’agriculture de précision, l’optimisation de la production, l’utilisation des pratiques régénératives des sols, etc.

La directrice tient aussi à rencontrer les intervenants de l’industrie agricole et agroalimentaire afin de répondre à leurs besoins de formation de la future main-d’œuvre. Sans cachette, elle veut accroître le nombre d’étudiants de 10 à 20 %.

Tous ces objectifs sonnent bien aux oreilles de Gabriel Dusablon, président jusqu’en mars de l’association étudiante. « On sent que notre voix est plus entendue. La direction travaille fort pour faire bouger les choses. Il y a une ouverture du côté de l’école à vouloir s’améliorer », se réjouit-il. Le vice-président de l’association, Jolin Van Winden, descendant d’une famille réputée de maraîchers du sud du Québec, remarque aussi qu’« un vent de renouveau » souffle sur l’ITAQ.

Des infrastructures à moderniser

L’étudiant ajoute que des investissements doivent être apportés aux infrastructures si l’établissement veut reprendre ses lettres de noblesse. Il donne l’exemple des centres d’élevage et des serres qui ne sont plus adaptés à la réalité d’aujourd’hui. « Dans le végétal, on apprend un peu à la dure, car les équipements ne sont pas à jour. Les systèmes de chauffage et d’exploitation boguent et plantent souvent; c’est dur de faire pousser les légumes. On travaille avec des équipements qui ne sont pas nécessairement ce qu’on retrouvera dans l’industrie », indique-t-il.

La directrice le sait et veut agir rapidement pour améliorer des infrastructures, dont la ferme laitière Maskita, qui doit être mise à jour en matière de bien-être animal, notamment.  Le campus de La Pocatière aussi devrait bientôt être visé par des annonces portant sur l’amélioration des infrastructures. Deux enseignants du campus de La Pocatière avaient d’ailleurs confié à La Terre en 2017 que la lenteur des dirigeants pour prendre des décisions sur des projets d’avenir, comme la construction d’un bâtiment d’élevage pour les animaux monogastriques et polygastriques sous régie biologique, empêchait l’ITA de se démarquer à l’échelle de l’enseignement agricole québécois.

Pour le reste, il faudra travailler sur la notoriété de l’ITAQ, atteste Mme Issa. « On s’est fait moins voir; on va se faire voir plus », promet-elle.