Page conseils 2 mai 2022

Réduire les antibiotiques sans compromettre la santé de ses animaux

En 2017, une formation sur l’usage judicieux des antibiotiques pour les producteurs laitiers québécois a été mise sur pied par l’Association des médecins praticiens du Québec en collaboration avec la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal. Des milliers de producteurs laitiers l’ont suivie. Grâce à ce travail, plusieurs solutions ont été proposées. À titre d’éleveur en production laitière, ce que nous faisons peut influencer la santé des animaux, mais aussi celle des êtres humains et de l’environnement. L’enjeu est important. Plusieurs gestes peuvent aider à ralentir l’apparition de résistance bactérienne aux antibiotiques.

Agir en prévention

Mieux vaut prévenir que guérir! Au lieu d’investir dans le traitement des animaux malades à l’aide d’antibiotiques, il est plus efficace d’investir en prévention. En effet, offrir un environnement propre, sec et confortable est un moyen de prévention efficace pour plusieurs maladies (problèmes respiratoires, mammite, diarrhée néonatale, problèmes locomoteurs).

Ne pas y aller à l’aveuglette

Les traitements devraient être basés sur les résultats de cultures bactériologiques. Par exemple, prendre un échantillon de lait sur tous les cas de mammites cliniques et subcliniques AVANT la mise en place d’un traitement antibiotique devrait être un automatisme. Utiliser le bon médicament selon le bon agent pathogène est la clé. L’administration d’un antibiotique s’il n’y a plus d’infection ne constitue pas un usage judicieux et peut contribuer à l’antibiorésistance.

La tenue de dossier, un allié!

Il est important d’avoir une bonne tenue de dossier des maladies et des traitements, c’est-à-dire de noter la raison du traitement, sa durée, les doses offertes et les animaux traités. La compilation de toutes ces données permet non seulement de calculer l’incidence de ces différentes maladies, mais aussi d’établir s’il y a un problème en se comparant aux objectifs définis et de mettre en place une régie adéquate selon les agents pathogènes présents et l’efficacité des traitements administrés par le passé. La tenue de dossier, c’est la vue globale de la santé du troupeau pour ajuster le « plan de match ». Elle permet également de noter les taux de mortalité des veaux, par exemple. Ainsi, chaque troupeau devrait avoir un protocole écrit (procédure normalisée) établi en collaboration avec le médecin vétérinaire pour le traitement de maladies communes, dont la mammite clinique, la pneumonie, la diarrhée chez le veau et la métrite.

Le médicament approprié

Il est important de respecter la durée du traitement (étiquette ou protocole établi) et de ne pas changer d’antibiotique avant la période de réévaluation prévue. Un antibiotique homologué pour la condition traitée devrait toujours être le premier choix de traitement. Depuis février 2019, il est obligatoire d’utiliser des antibiotiques de moindre importance en médecine humaine (classes 2, 3 et 4 plutôt que classe 1 de très haute importance) tout en protégeant la santé et la sécurité des animaux. Et ce, même si l’antibiotique de classe 1 n’a pas de temps de retrait et serait plus rentable à utiliser à court terme. En effet, les considérations économiques ne doivent pas peser dans la balance.

Se fier au pronostic

Malheureusement, on ne devrait pas traiter les cas présentant peu de chances de succès. Les animaux infectés de manière chronique ou infectés par un agent pathogène virulent avec peu de chances de guérison ne devraient pas recevoir d’antibiotique. En effet, cette pratique augmente le risque de développement d’antibiorésistance, en plus de maintenir dans le troupeau un animal malade qui dissémine l’agent pathogène potentiellement résistant dans son environnement. Par exemple, des veaux infectés par Salmonella Dublin auront peu de chances de guérison, car cette bactérie est souvent résistante à de multiples antibiotiques. Un autre exemple est celui des génisses affectées par des pneumonies chroniques, qui ont malheureusement un mauvais pronostic et de faibles chances de guérison. La réforme de l’animal est parmi les options à discuter avec votre médecin vétérinaire pour assurer la santé globale du troupeau.

En suivant ces cinq conseils, vous favorisez la santé de votre troupeau et posez un geste concret pour freiner l’antibiorésistance. Chacun doit faire son bout de chemin afin de lutter contre l’apparition et la propagation de résistance aux ­antimicrobiens.

Dre ALIX SERAPIGLIA, m.v., Ordre des médecins vétérinaires du Québec


Adapté d’un article paru en avril 2019 dans Le producteur de lait québécois.