Ma famille agricole 24 avril 2022

La famille qui réinvente la cabane à sucre

SAINT-WENCESLAS — La famille Richard est propriétaire de l’une des premières érablières certifiées carboneutres et biologiques. Les propriétaires veulent se démarquer par un processus de fabrication du sirop qui épouse leurs valeurs environnementales, mais aussi en mettant sur le marché des produits de l’érable goûteux qui offrent différentes expériences gustatives aux consommateurs.

Fiche technique

Nom de la ferme
La Griffe d’Érable

Spécialité
Acériculture

Année de fondation
1995

Noms des propriétaires
Gabriel et Samuel Richard

Nombre de générations
2

Nombre d’entailles
28 000 

En ouvrant la porte de la cabane, on se rend rapidement compte que cette érablière est différente; à gauche, l’évaporateur embaume les lieux avec sa vapeur d’érable, tandis qu’à droite, le mur blanc décoré d’images colorées est ceinturé d’un grand bar en bois où Guillaume Allison sert, avec le sourire, un verre de réduit, alcoolisé ou non, aux visiteurs. « Bienvenue à la Griffe d’Érable », dit ce Montréalais maintenant établi à Saint-Wenceslas pour propulser la commercialisation des produits de l’érablière appartenant à ses deux cousins Gabriel et Samuel Richard. Ces jeunes hommes dans la trentaine ont acheté l’érablière de 28 000 entailles de leur père Sylvain en 2020.

L’érablière située dans le Centre-du-Québec produit aujourd’hui du beurre d’érable, du pain de sucre à l’érable, de la tire, du sirop de différentes couleurs, etc. Le goût du sirop guide constamment la stratégie de l’entreprise. « À La Griffe, on recherche le goût riche et ambré de l’érable. Par exemple, on fait deux beurres d’érable, l’un avec du sirop délicat et l’autre, ambré. C’est une façon de se démarquer. On veut pousser la dégustation en ayant différents choix », explique Guillaume Allison. Ce dernier a travaillé sur le site Web de l’érablière et innove sur tout le développement commercial. « On voulait se faire une espèce de bar boutique pour bonifier l’expérience client. Offrir un moment à la cabane à sucre réinventée. On voulait que les gens puissent s’asseoir et regarder travailler les gars [à l’évaporateur]. Car auparavant, chaque personne connaissait quelqu’un qui avait une cabane. Maintenant ce n’est plus le cas, alors on voulait trouver une façon d’inviter les orphelins de la cabane à sucre », explique M. Allison. Le concept mise aussi sur des soirées spéciales où de petits groupes peuvent venir à la cabane et prendre même part à la production de sirop. Les enfants n’ont pas été oubliés, avec la création d’une série de balados mettant en vedette un écureuil, illustrés par une artiste locale, qui explique de façon ludique la vie à la cabane à sucre et la façon de produire le sirop.

Gabriel se concentre pour produire un sirop particulièrement goûteux.
Gabriel se concentre pour produire un sirop particulièrement goûteux.

Le palais de tante Jacinthe

Aux commandes de l’évaporateur, le copropriétaire Gabriel Richard raconte sa passion pour l’érable, lui qui goûte tout le sirop produit, sélectionnant au passage le ou les meilleurs de l’année, pour ensuite les embouteiller de façon distincte. « Il faut en goûter beaucoup pour découvrir les subtilités. J’ai beaucoup appris, mais c’est encore quelque chose que je travaille », exprime M. Richard.

Sa tante Jacinthe, qui a été copropriétaire de l’entreprise, était réputée pour son palais qui reconnaissait les plus fins nectars. C’est elle qui a trouvé le nom, La Griffe, qui se veut une signature, un hommage au goût de qualité du sirop.

Les propriétaires doivent une partie de leur succès à leur main-d’œuvre diversifiée, compétente et assidue, dont fait partie Jérémie Bergeron (à gauche).
Les propriétaires doivent une partie de leur succès à leur main-d’œuvre diversifiée, compétente et assidue, dont fait partie Jérémie Bergeron (à gauche).

Bio et carboneutre

Au-delà du goût, l’érablière des Richard veut se démarquer par son processus de production. L’entreprise est certifiée biologique, en vertu d’une conscience écologique qui vient également de leur ferme de cultures de pommes de terre.     

« La manipulation des pesticides, ça nous a toujours écœurés, pour notre santé et celle de nos employés. C’était naturel qu’on s’en aille vers le bio, autant dans l’érable que les pommes de terre », indique Gabriel Richard.

La certification biologique de l’érablière demeure aussi un avantage de commercialisation. « Il y a moins de producteurs qui font des produits transformés bio. On met le bio de l’avant, c’est une façon de se démarquer », dit l’acériculteur. Corollairement, l’érablière des Richard est l’une des premières à être certifiée carboneutre. L’entreprise a réalisé un plan pour diminuer ses émissions de gaz à effet de serre, en plus de devoir compenser financièrement ses émissions. Ce côté vert vient en partie du patriarche, Sylvain Richard, qui regarde le parcours de ses fils avec fierté. « Voir une continuité, avec des valeurs comme le bio, comme la nature, c’est une belle réussite », glisse-t-il en contemplant l’érablière.

 L’érablière identifie son meilleur sirop de l’année dans une bouteille spéciale afin de le faire découvrir à sa clientèle.
L’érablière identifie son meilleur sirop de l’année dans une bouteille spéciale afin de le faire découvrir à sa clientèle.

Le bon coup de l’entreprise

La cabane à sucre familiale avait de l’âge et les installations se faisaient vétustes. Plutôt que d’investir dans un vieux bâtiment, Gabriel Richard et son frère ont sauté sur une occasion : mettre la main sur une érablière à vendre dans une municipalité voisine. Cette dernière incluait une cabane à sucre récente et bien équipée. Les volumes d’eau de l’érablière familiale et ceux des érablières louées, représentant un total de 18 000 entailles, sont transportés par camion vers la nouvelle érablière. Les installations plus spacieuses ont permis d’aménager un bar à sucre et de vendre sur place les nombreux produits. Plusieurs clients, même ceux commandant par Internet, apprécient de pouvoir se rendre sur les lieux de production chercher leur commande. Fait intéressant, des clients de l’ancien propriétaire sont des amateurs de sirop clair au goût délicat, alors que les nouveaux propriétaires se spécialisent dans le sirop ambré au goût plus défini. Ces clients peuvent continuer à acheter un sirop clair ou découvrir de nouveaux goûts, notamment celui du sirop de l’année.

L’évaporateur au bois à haute efficacité permet  de diminuer les coûts de production comparativement à des modèles à l’huile.
L’évaporateur au bois à haute efficacité permet de diminuer les coûts de production comparativement à des modèles à l’huile.

Équipement techno

Les propriétaires ont opté pour un évaporateur au bois à haute efficacité. La configuration de cet évaporateur mise sur un plus grand ratio de casseroles à fond plat leur permettant de développer davantage la saveur du sirop. Sans oublier les importantes économies qu’ils réalisent, eux qui employaient précédemment un évaporateur au mazout. « Avec le prix de l’huile, c’est sûr que ça fait une différence aujourd’hui. Alors oui, on l’adore, mais ce fut un gros apprentissage. Car passer de l’huile au bois, c’est un autre monde. On commence à maîtriser la bête! » dit Gabriel Richard.