Actualités 15 avril 2022

Mouche du chou – La technique de l’insecte stérile arrive en renfort

Après avoir fait ses preuves dans le contrôle de la mouche de l’oignon, le relâcher d’insectes stériles pourrait servir contre Delia radicum, un autre ravageur des cultures maraîchères qui donne du fil à retordre aux producteurs. Les premiers essais menés en Montérégie s’annoncent très prometteurs.

Anne-Marie Fortier, entomologiste et directrice scientifique adjointe chez Phytodata
Anne-Marie Fortier, entomologiste et directrice scientifique adjointe chez Phytodata

La mouche du chou (D. radicum) est l’un des principaux ravageurs des cultures du genre Brassica dans l’hémisphère nord. Au Québec, cet insecte hiberne au stade de pupe et produit trois générations dont les larves causent des dommages ou des retards de croissance chez les légumes fleurs et les crucifères à divers degrés, décrit Anne-Marie Fortier, entomologiste et directrice scientifique adjointe chez Phytodata.

Actuellement, aucune solution bio ou chimique efficace n’est offerte pour assurer le contrôle de ce ravageur, hormis un insecticide comme le chlorpyrifos, qui en revanche contamine l’eau de surface dans les zones maraîchères. Dans un contexte où la technique de l’insecte stérile a démontré son efficacité au cours de la dernière décennie contre la mouche de l’oignon en Montérégie – les producteurs participants n’utilisent plus d’insecticides foliaires ou le chlorpyrifos aux semis contre ce ravageur grâce à cette technologie –, l’équipe de Phytodata et ses partenaires ont voulu déterminer s’ils rencontreraient le même succès contre D. radicum.

« Cette technique consiste à produire une grande quantité de l’insecte qu’on veut contrôler, de le stériliser et de le relâcher au champ pendant l’activité des populations naturelles. Les femelles naturelles qui s’accouplent avec mâles stériles vont pondre des œufs stériles et aucune larve n’en sortira », explique Anne-Marie Fortier, qui a abordé la question dans le cadre des Vendredis horticoles de la Montérégie.

Essais dans le radis chinois

L’équipe de Phytodata a pu réaliser en 2015 des premiers lâchers de D. radicum stériles sur des sites d’un hectare de radis chinois dans une ferme de la Montérégie. Les taux de lâchers variaient de 300 000 à 800 000 mouches à l’hectare. À la suite de premiers résultats encourageants, la ferme a élargi l’utilisation de la ­technique à l’ensemble de ces superficies sous radis chinois dès 2017.

En raison d’une réduction importante des populations naturelles, la ferme a diminué de 90 % le nombre de mouches stériles relâchées en moins de cinq ans. « Pour vous donner une idée de la pression qu’exerçait le ravageur, les dommages moyens qui étaient observés pour l’ensemble de la saison oscillaient entre 30 et 50 % de 2013 à 2015 malgré l’utilisation de plusieurs insecticides », mentionne l’entomologiste.

Deux ans seulement après l’introduction des mouches stériles, les dommages moyens ont diminué de moitié environ. Depuis 2018, les dommages sont limités à moins de 3 %. « Le succès du contrôle s’explique en partie par la situation géographique isolée de la ferme, ce qui limite la migration potentielle des populations de mouches de champs à proximité, et aussi par l’utilisation de filets en début de saison », nuance Anne-Marie Fortier.

Ainsi, la ferme a pu réduire ses applications d’insecticides à une moyenne de 6,8 en 2016 à 1,1 en 2019 lors de la période couverte par la première génération de D. radicum. Aucune application n’avait été requise lors des deux dernières saisons.

Des défis

Malgré ces résultats, l’utilisation à plus large échelle de cette technique se bute à certains obstacles. « Notre capacité de production est limitée, car nous n’avons pas encore trouvé la manière de faire passer la mouche du chou en hibernation et ainsi la conserver un mois au frigo avant de la relâcher », mentionne Anne-Marie Fortier, qui travaille en étroite collaboration avec le chercheur François Fournier.

Le développement d’une diète artificielle en remplacement du rutabaga fait également partie des objectifs pour optimiser la méthode. « Cela limiterait les risques d’infections, de champignons et de parasitoïdes qui menaceraient la santé des élevages, en plus de faciliter la logistique », ajoute-t-elle.

En attendant de surmonter ces obstacles, deux autres projets sont en cours au Québec et en Nouvelle-Écosse avec des essais notamment dans le chou-fleur, le brocoli, le chou chinois et le radis rouge.  ­