Grandes cultures 12 avril 2022

Un outil qui pourrait changer la donne dans la protection du soya

Les efforts de contrôle de Phytophthora sojae vont vraisemblablement prendre une tournure plus avantageuse dans un proche avenir. Une importante découverte réalisée par une équipe de l’Université Laval a permis la création d’un outil de diagnostic capable de détecter les différents variants de la pourriture phytophthoréenne du soya et de recommander au producteur les variétés résistantes à utiliser, et ce, avec un haut degré de précision.

Geneviève Arseneault-Labrecque, présidente d’Ayos diagnostic
Geneviève Arseneault-Labrecque, présidente d’Ayos diagnostic

L’expansion formidable de la culture du soya au Canada (3e en importance après le canola et le blé) ces dernières années s’est accompagnée de l’augmentation de la pourriture phytophthoréenne, une maladie causée par P. sojae. Sa présence dans les sols entraîne des pertes économiques évaluées à 50 M$ par année.

Depuis les années 1950, la principale méthode pour contrer cet agent pathogène est l’utilisation de gènes de résistance (Rps) trouvés dans le bagage génétique d’autres variétés de soya et introduits dans les variétés commerciales par un travail de sélection. Or, cette méthode est mal employée, explique Richard Bélanger, professeur titulaire à la Chaire de recherche du Canada en phytoprotection, de l’Université Laval.

« L’utilisation massive et successive des gènes Rps a créé une pression de sélection qui a favorisé l’apparition de souches de P. sojae pouvant contourner cette résistance. » À ce phénomène s’ajoute le manque de données pour bien choisir une variété résistante appropriée. « On estime que 85 % des producteurs canadiens utilisent le mauvais gène Rps contre P. sojae », précise le chercheur.

Une première

Pour arriver à surmonter ce problème, l’équipe de Richard Bélanger a procédé au séquençage du génome de différents « variants » de P. sojae. Les travaux ont été réalisés dans le cadre du projet SoyaGen, qui a réuni les efforts de plusieurs partenaires publics et privés. « Pour la première fois, on a pu comparer le génome complet de 31 souches de P. sojae, ce qui représente l’étude de 50 millions de bases chacune », poursuit-il en qualifiant l’exercice de « vrai travail de moine ».En comparant les variants entre eux, les chercheurs ont pu en identifier les particularités et discerner ceux qui pouvaient contourner un gène Rps – et si oui, lequel – de ceux qui ne le pouvaient pas. « Du moment où on a pu connaître leurs caractéristiques spécifiques, on a été capables de déterminer quels gènes Rps seraient efficaces », résume-t-il.

Richard Bélanger, professeur titulaire à la Chaire de recherche du Canada de phytoprotection de l’Université Laval
Richard Bélanger, professeur titulaire à la Chaire de recherche du Canada de phytoprotection de l’Université Laval

Mise en application

Au cœur du projet depuis des années, Geneviève Arseneault-Labrecque, stagiaire postdoctorale au Centre de recherche et d’innovation sur les végétaux, a fondé une entreprise dérivée dénommée Ayos diagnostic afin que les producteurs puissent bénéficier des retombées de cette importante découverte brevetée par l’Université Laval.

À la demande du producteur, l’équipe d’Ayos peut mener un test PCR multiple sur des échantillons de sol ou de plantes pour détecter rapidement l’ensemble des variants de P. sojae présents dans un champ. À partir des résultats, Ayos est capable d’identifier les gènes Rps qui seront efficaces pour la saison suivante avec un degré de précision de 98 %.

Les résultats d’un essai terrain mené l’année dernière en Ontario sont particulièrement éloquents. Le diagnostic des échantillons de sol ayant détecté les pathotypes 1a, 1c et 1k dans un champ situé à Orléans, l’équipe d’Ayos a recommandé l’utilisation d’un cultivar avec le gène Rps3a. Dans une parcelle témoin, la ferme a continué d’employer un cultivar Rps1c. Résultat : le cultivar avec le gène Rps approprié a permis un rendement supérieur de 450 kg par hectare. « Sur une seule décision, le rendement a été nettement amélioré », constate le chercheur.

« La beauté de ce test, c’est que le producteur n’a pas besoin d’investir des milliers de dollars avec un traitement. Il lui suffit d’appeler son semencier et de lui commander un cultivar avec un gène Rps précis, commente Richard Bélanger. On peut même envisager une rotation des gènes de résistance pour diminuer la pression de sélection chez P. sojae. »


L’outil de diagnostic est déjà offert aux producteurs et aux clubs-conseils.
ayosdiagnostic.com