Actualités 11 avril 2022

Vitrine de régie à moindres risques : des gains presque sous tous les fronts

Responsable du projet de vitrine de régie à moindres risques pour la pomme de terre, le Carrefour industriel et expérimental de Lanaudière (CIEL) souhaite doubler le nombre de producteurs pour la dernière année du projet en 2022, en le faisant passer de 6 à 12.

Sébastien Martinez, agronome au Carrefour industriel et expérimental de Lanaudière
Sébastien Martinez, agronome au Carrefour industriel et expérimental de Lanaudière

C’est en raison des résultats prometteurs compilés lors des trois dernières saisons que l’agronome Sébastien ­Martinez souhaite élargir le projet et même le poursuivre si le financement du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) suit. « On a démontré qu’on peut appliquer moins de traitements et remplacer les produits les plus dangereux par d’autres, moins toxiques, mais tout aussi efficaces. Et cela, tout en contrôlant les coûts et conservant les rendements et la qualité de la récolte », se félicite le chercheur.

Que ce soit sur les herbicides, ­fongicides et insecticides traditionnellement utilisés par les producteurs de pommes de terre au Québec, le CIEL a réussi à trouver des produits de substitution efficaces, mais moins nocifs pour la santé et l’environnement.

Après trois ans d’essais, seuls les traitements avec le Titan (clothianidine) ou l’Actara 240 SC (thiaméthoxame), deux insecticides de la famille des néonicotinoïdes, ont dû être conservés lors de la plantation pour lutter contre le doryphore. « Il existe un seul produit de remplacement sur le marché, le Verimark, mais il coûte deux fois et demie plus cher et il n’a pas d’efficacité sur la ­cicadelle de la pomme de terre », plaide ­Sébastien Martinez.

En revanche, le chercheur ne cache pas sa fierté de proposer une solution de rechange à l’utilisation de l’herbicide Lorox (linuron) qui figure parmi les produits les plus toxiques homologués au Canada. « Les pesticides les plus dangereux au pays ont un IRS [indice de risque pour la santé] de 2 000 et celui-là est noté à 1 475. L’Europe en interdit l’utilisation depuis l’an dernier. » Comme substitut, le CIEL a testé le Boundary et le Squadron, qui se sont montrés tout aussi efficaces tout en permettant de réduire l’IRS de 80 %.

Réduction des pesticides et gain de temps

Du côté des fongicides, des gains importants ont aussi été enregistrés avec des produits moins nocifs et nécessitant la moitié moins d’applications. « Au lieu de traiter aux 5 à 7 jours, on le fait aux 10 à 14. C’est aussi un gain au niveau de la qualité de vie du producteur qui peut consacrer ce temps à d’autres tâches, explique l’agronome. Chez un de nos producteurs, on a réduit les IRS de 62 % et les IRE [indice de risque pour l’environnement] de 54 %. »

Sébastien Martinez souligne que les étiquettes des produits recommandent souvent de traiter en prévention alors que les études démontrent que ce n’est pas nécessaire. « Seulement en arrêtant de traiter de façon précoce, on a été capable de réduire de deux le nombre d’applications. » Les fongicides de remplacement sont parfois plus onéreux, mais en appliquant à moins de reprises, on économise sur le coût de main-d’œuvre, le carburant et l’usure du matériel, indique-t-il.

Des résultats concluants

À la Ferme MVG, de Saint-Thomas-de-Joliette, l’une des six entreprises agricoles participant à la vitrine, l’agronome Patricia Masse explique qu’il y avait un peu de réticence au début, mais que les résultats obtenus jusqu’ici ont fait virer le vent de bord. « Nous avons été agréablement surpris. On nous a proposé des produits moins toxiques qu’on n’avait pas tendance à utiliser. Ils coûtaient plus cher, mais on passait moins souvent et les résultats étaient équivalents. Il y en a qu’on est en train d’intégrer dans notre routine », souligne-t-elle, ajoutant que certains de ces produits sont parfois plus difficiles à trouver.

« C’est un projet auquel on est très contents de participer. Les pesticides coûtent de plus en plus cher et ce n’est pas vrai que les producteurs veulent traiter à tout prix. Si on est capables de faire une agriculture durable, on va le faire. C’est le but recherché chez nous », conclut Patricia Masse.