Fertilisation 26 mars 2022

Fertilisation végétale : un potentiel à explorer

Les engrais végétaux pourraient-ils un jour combler en partie les besoins en fertilisation des fermes maraîchères biologiques? C’est fort probable, mais du travail reste à accomplir pour y parvenir, explique l’agronome Charlotte Giard-Laliberté, qui s’est penchée sur la question.

Deux méthodes se présentent à un producteur bio qui souhaite amender le sol grâce aux végétaux. La première est de cultiver des engrais verts sur les parcelles à fertiliser, ce qui engendre d’autres bénéfices en améliorant la santé des sols et en brisant le cycle des maladies. La seconde consiste à importer des engrais verts sur les parcelles à fertiliser, notamment sous forme fraîche, ensilée, séchée ou compostée.

La méthode des engrais verts déplacés présente certains avantages, expose la chargée de projet en recherche au Centre d’expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité (CETAB+). « Elle permet entre autres de concentrer la quantité d’engrais verts appliqués et de contrôler le moment d’application. Cependant, il faut réussir ses engrais verts, et leur récolte requiert de l’équipement adapté. On doit également tenir compte que la première fauche a lieu autour de la Saint-Jean, ce qui est déjà tard pour les cultures maraîchères, à moins de pouvoir sécher ou ensiler ses engrais verts. »

Engrais verts déplacés

Afin d’établir une stratégie d’utilisation des engrais verts déplacés, l’équipe du CETAB+ a évalué de 2020 à 2021 le rendement d’une culture de chou-fleur avec différentes applications de ­biomasse fraîche de trèfle rouge, de biomasse fraîche de prairie mixte et d’ensilage de prairie mixte. Une analyse de santé globale des sols a également été faite pour les différents traitements. « Les premiers résultats montrent que cette méthode offre un potentiel très intéressant en termes de fertilisation et d’ajouts à la santé des sols », a résumé Charlotte Giard-Laliberté, qui présentait les analyses préliminaires du projet dans le cadre des Vendredis horticoles de la Montérégie en janvier. 

En contrepartie, certains obstacles freinent l’application de cette méthode en contexte commercial. Elle implique le fait d’incorporer des quantités impressionnantes de biomasse, soit d’un à six hectares d’engrais verts pour fertiliser un hectare de ­chou-fleur. « Aussi, nous avons utilisé différentes machines comme une buteuse à disques, une machine à bécher et une rotobuteuse, mais on cherche toujours l’outil parfait pour bien enfouir les ­résidus », note l’agronome.

Selon elle, l’ensilage ou le séchage des engrais verts serait une avenue à explorer. « Cela nous permettrait de valoriser la deuxième et la troisième coupe en vue de l’entreposage et de choisir le moment d’application. »

En rotation

L’équipe du CETAB+ a également mené un projet en collaboration avec la Ferme Croque-Saisons de Lingwick. Celui-ci devait mesurer les impacts agronomiques et la faisabilité économique de l’implantation d’une prairie et d’engrais verts dans une rotation en comparaison avec des cultures légumières biologiques en continu. « Autrement dit : est-ce que ça vaut la peine de sacrifier pendant un an ou deux une parcelle de culture pour faire pousser des engrais verts? » résume Mme Giard-Laliberté.

Différents traitements avec 0 %, 50 % et 100 % des besoins en azote ont été réalisés. Parmi les premiers constats, on remarque que même en comblant 100 % des besoins en azote, le poids unitaire des brocolis était moins élevé dans les parcelles de légumes en continu que dans les autres traitements avec les engrais verts. Des analyses métagénomiques réalisées par l’Institut de recherche et développement en agroenvironnement (IRDA) ont par ailleurs révélé une grande ­activité des microorganismes même pendant la croissance des brocolis pour les parcelles en rotation d’engrais verts. 

À noter que la faisabilité économique est toujours en cours d’étude et viendra nuancer le résultat et le potentiel d’adoption de cette pratique, précise l’agronome.

Un autre défi à l’utilisation des engrais verts demeure le besoin d’amélioration génétique. « Au Québec, la plupart des semences d’engrais verts disponibles sont des mélanges de différentes lignées génétiques. Il est donc difficile de prédire le potentiel de ­rendement et d’apport en azote total. Il y aurait un besoin de sélection pour des critères d’intérêt des producteurs », souligne-t-elle.

Les rapports finaux sur les projets de fertilisation végétale seront ­disponibles sur le site du CETAB+.