Page conseils 21 mars 2022

Les servitudes réelles

Plusieurs d’entre vous ont déjà entendu parler de servitudes. Peut-être bénéficiez-vous d’une servitude de passage qui vous permet de marcher ou de passer en véhicule sur le terrain de votre voisin. Peut-être devez-vous respecter une servitude qui vous interdit de construire à un certain endroit, notamment près d’une ligne électrique. Mais que connaissez-vous vraiment de cet outil juridique?

La servitude est une charge imposée sur un lot, appelé le fonds servant, en faveur d’un autre lot, appelé le fonds dominant, qui appartient à un propriétaire différent. La charge oblige le propriétaire du lot servant à supporter, de la part du propriétaire du fonds dominant, certains actes d’usage, par exemple de lui permettre le passage, ou à s’abstenir lui-même d’exercer certains droits ­inhérents à la propriété, par exemple de construire à un certain endroit.

La servitude peut être établie par effet de la loi, par ­destination du propriétaire, par testament, par contrat ou par jugement. Dans les trois derniers cas, on parle alors d’un acte constitutif. Dès sa constitution, les propriétaires du fonds dominant et du fonds servant sont assujettis à des droits et obligations qui découlent principalement de l’acte constitutif et du Code civil du Québec.

Droits et obligations du propriétaire du fonds servant

Si l’acte constitutif le prévoit, le propriétaire du fonds servant a le droit de percevoir du propriétaire du fonds dominant une somme d’argent pour le dédommager des inconvénients de la servitude. Bien entendu, il reste propriétaire de son fonds et peut poser tout acte de propriété, notamment la vente de son fonds, pour autant qu’il n’entrave pas l’exercice de la servitude. En effet, le propriétaire du fonds servant ne peut rien faire qui tende à diminuer l’exercice de la servitude ou à le rendre moins commode. S’il veut déplacer l’assiette de la servitude, c’est-à-dire l’endroit où elle s’exerce, il doit s’entendre avec le propriétaire du fonds dominant ou encore obtenir l’autorisation du Tribunal. Il doit alors assumer les frais de déplacement, le cas échéant. S’il s’est engagé à cet effet dans l’acte ­constitutif de la servitude, le propriétaire du fonds servant peut devoir veiller à l’entretien et exécuter les travaux nécessaires à l’exercice de la servitude.

Droits et obligations du propriétaire du fonds dominant

Le propriétaire du fonds dominant doit avant tout respecter l’usage prévu dans l’acte constitutif ou dans la loi. Cela veut dire que, s’il s’agit d’une servitude de passage en voiture sur un chemin, par exemple, il ne sera pas possible pour le propriétaire du fonds dominant d’y stationner son véhicule. Par ailleurs, le Code civil du Québec prévoit que le propriétaire du fonds dominant a droit à tout ce qui est nécessaire pour l’exercice de la servitude. À titre d’exemple, ce dernier aura, dans le cas d’une servitude de puisage, le droit accessoire de passage pour se rendre au puits. Le propriétaire du fonds dominant a aussi le droit d’effectuer tous les travaux requis pour exercer la servitude et la conserver. Toutefois, il demeure dans l’obligation d’aviser le propriétaire du fonds servant avant de procéder auxdits travaux. Enfin, il doit assumer les coûts d’entretien et de réparation pour l’exercice de la servitude. Dans tous les cas, le propriétaire du fonds dominant ne peut faire de changements qui aggravent la situation du fonds servant. Ces droits et obligations sont ceux ­prévus au Code civil du Québec et peuvent être modulés dans l’acte constitutif.

Fin de la servitude

La servitude s’éteint quand une même personne devient à la fois propriétaire du fonds servant et du fonds dominant. Si la servitude était assujettie à une durée déterminée, elle s’éteint à l’arrivée du terme pour lequel elle a été constituée. Un propriétaire de fonds servant peut également racheter la servitude dans certaines circonstances, ce qui y met fin. Enfin, la servitude peut également s’éteindre par le non-usage pendant 10 ans. 

Me Raphaële St-Amand-Valente, avocate spécialisée en droit agricole et détentrice d’un diplôme en Common Law et droit transnational
Me Carolyne Fauteux-Filion, avocate spécialisée en litige et détentrice d’un baccalauréat en urbanisme


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La chronique juridique est une vulgarisation de l’état du droit en vigueur et ne constitue pas une opinion, un conseil ou un avis juridique. Nous vous invitons à consulter un avocat ou un notaire pour connaître les règles particulières applicables à une situation donnée.