Actualités 18 janvier 2022

Les promesses du drone

Outil prometteur, le drone apporte de nouvelles opportunités aux producteurs en recherche d’innovations. Avec une planification stratégique et un bon accompagnement, son intégration peut être payante. Survol des bénéfices du drone au service de l’agriculture.

Depuis cinq ans, l’entreprise Drone Des Champs a pour mission d’intégrer la technologie au monde de l’agriculture et de l’environnement.
Depuis cinq ans, l’entreprise Drone Des Champs a pour mission d’intégrer la technologie au monde de l’agriculture et de l’environnement.

« La première question qu’il faut se poser c’est : qu’est-ce qui va rentabiliser mon investissement? » précise d’emblée le coordonnateur aux ventes chez DroneXperts, Mathieu André Falardeau. Précis, efficaces, automatisés : les drones à la fine pointe de la technologie peuvent soutenir les producteurs dans leur travail de plusieurs façons.

Gagner du temps au champ

Une fois le drone bien maîtrisé par son opérateur, les missions de vols deviennent rapides à exécuter. Parce qu’il peut voler à tous moments de la saison sans jamais perturber la production en cours, le drone permet l’accès au champ lorsqu’il est impossible de s’y rendre avec la machinerie.

« Au Québec, l’érosion des sols est un problème préoccupant au printemps. L’arrivée des beaux jours ouvre la porte aux semis, mais la fragilité des terres rend la tâche compliquée avec la machinerie, remarque le fondateur de l’entreprise Drone Des Champs, Nicolas Deschamps. Les semis par drone deviennent une solution de rechange très intéressante. C’est une méthode non destructrice qui permet de prendre un peu d’avance sur la saison. »
Les drones munis d’une caméra multispectrale permettent aux producteurs de détecter des problèmes comme l’attaque d’une maladie ou un stress hydrique avant même que la plante en témoigne des signes physiques. « En analysant les données captées par la caméra multispectrale, on peut rapidement constater l’origine du problème et établir une stratégie d’intervention avant qu’il soit trop tard », ajoute Mathieu André Falardeau.

Plus de précision, moins de gaspillage

En mode pilotage automatique, l’appareil effectue un vol selon les coordonnées GPS programmées par l’opérateur. Les opérations professionnelles sont souvent réalisées de cette façon, puisqu’elles offrent une précision chirurgicale que le pilotage manuel ne peut atteindre.

« La beauté des vols automatisés, c’est qu’ils permettent un monitorage constant et très précis, mentionne le fondateur de Drone Action 360, Stéphane Laurin. Il est tout à fait possible de programmer un drone pour qu’il parte en mission chaque semaine pour refaire les mêmes passages. »
Résultat : les producteurs peuvent bâtir une banque de données et y accéder à un niveau de précision jamais vu auparavant. « Le niveau de définition des données change complètement la donne, renchérit l’expert de Drone Des Champs. Les marges de profits sur des productions comme les grandes cultures de maïs ou soya sont de plus en plus difficiles à aller chercher. Un gain de main-d’œuvre ou un gain sur l’utilisation des produits deviennent des avenues intéressantes pour augmenter sa rentabilité. »

Une stratégie d’intervention ciblée, combinée à une carte de culture hautement détaillée, permettrait par exemple de limiter l’épandage aux zones nécessaires pour une meilleure utilisation des produits.

« À ce jour, peu de produits sont homologués pour l’épandage par drone, mais il s’agit certainement d’une technologie à surveiller au cours des prochaines années », explique M. Deschamps.

Que le drone soit piloté par une firme spécialisée ou par le producteur lui-même, il peut s’avérer une solution intéressante pour pallier le manque de personnel. « Au lieu d’arpenter de grands champs de long en large, à pied, il suffit d’envoyer le drone, puis de récupérer les images enregistrées », souligne Mathieu André Falardeau. 


Contrairement à l’Europe et aux États-Unis qui produisent douze mois par année, au Québec, les drones doivent être rentabilisés sur six mois. Photo : Gracieuseté de Microdrones
Contrairement à l’Europe et aux États-Unis qui produisent douze mois par année, au Québec, les drones doivent être rentabilisés sur six mois. Photo : Gracieuseté de Microdrones

Une technologie qui demande de la patience

Malgré tout le potentiel que le drone peut apporter au champ, son intégration à la ferme nécessite encore quelques mises au point.

Selon le directeur du Créneau d’excellence sur les drones civils et commerciaux, William De Keiser, la valeur ajoutée des drones en agriculture se trouve dans la précision et la quantité de données que l’on peut récolter. Encore faut-il être en mesure de les traiter et d’en faire un usage pertinent par la suite.

« Le fossé à combler entre les connaissances technologiques et les compétences nécessaires pour travailler avec ce genre de données est parfois trop grand. On sent de la réticence de la part de certains producteurs », ajoute le fondateur de Drone Des Champs, Nicolas Deschamps.

C’est qu’avant d’obtenir une carte détaillée d’un champ et d’y appliquer une stratégie d’intervention, le producteur qui travaille avec un drone doit d’abord récolter les données, les extraire et ensuite les traiter à l’aide d’un logiciel spécialisé. Une succession d’étapes qui peuvent être complexes à intégrer dans les activités quotidiennes de la ferme. « L’autre problématique que l’on observe, c’est qu’on a beau accéder à des cartes précises au centimètre près, il faut ensuite avoir accès à des machines qui ont le même niveau de précision, mentionne M. Deschamps. Dans 90 % des cas, les producteurs ne possèdent pas ce genre d’appareils. »


La ferme Delfland se spécialise dans la production d’échalotes françaises, de laitues,  d’oignons et de carottes. Photo : Gracieuseté de Delfand
La ferme Delfland se spécialise dans la production d’échalotes françaises, de laitues, d’oignons et de carottes. Photo : Gracieuseté de Delfand

Expérience maraîchère

Le copropriétaire de la ferme Delfland, Guillaume Cloutier, expérimente chaque année de nouvelles technologies innovantes.

« On est avant tout à la recherche d’outils qui peuvent nous aider à réduire notre besoin en main-d’œuvre », explique-t-il. Opérations de comptage, de dénombrement et de dépistage : c’est par l’entremise de spécialistes que divers tests ont été menés sur les parcelles de la ferme Delfland depuis quelques années. Guillaume Cloutier relève toutefois un problème qui, à ce jour, fait encore trop d’ombre au tableau. « Le délai entre le premier jour de la mission et les résultats finaux est trop long. En production maraîchère, tout va vite. Il faut pouvoir agir dans les 24 h. On était plus dans l’ordre des cinq à six jours de travail », déplore-t-il.

Le producteur ne tire toutefois pas un trait sur l’utilisation des drones sur sa ferme. Malgré les quelques lacunes rencontrées, il dit croire en leur potentiel. D’ailleurs, des tests de comptage et d’échantillonnage par drone sont déjà prévus en 2022 à la ferme Delfand.

Une question de temps

Déjà bien répandus en Europe et aux États-Unis, les drones peinent encore à percer le marché québécois. « Comparativement à nos voisins du Sud qui, dans certains États, sont en activité douze mois par année, ici, il faut que ce soit rentable sur six mois », précise le coordonnateur aux ventes chez DroneXperts, Mathieu André Falardeau.

Bien que le marché ne soit pas aussi établi qu’ailleurs dans le monde, l’industrie agricole québécoise montre de plus en plus d’intérêt pour l’utilisation des drones. Pour William De Keiser, le drone est un des outils de l’agriculture de précision qu’il faut intégrer en combinaison avec d’autres technologies. « Je ne crois pas que ce soit dans l’intérêt des producteurs que chacun possède son propre appareil. C’est par les entreprises en génie agricole, les coopératives et même les compagnies d’assurances que les drones arriveront à pénétrer le marché », souligne-t-il.

Encore quelques années de développement doivent s’écouler avant que l’on observe des myriades de drones survoler nos champs. Les experts invitent toutefois les producteurs à rester à l’affût, car la technologie n’en est qu’à ses balbutiements. 

Noémie Ferland, collaboration spéciale


Ce texte a été publié dans notre cahier L’UtiliTerre du mois de février 2022.