Actualités 18 décembre 2021

Plaidoyer pour la richesse des produits forestiers non ligneux

Le Salon des modes alternatifs d’établissement a tenu en novembre, à Victoriaville, une conférence sur la diversification de la production avec les produits forestiers non ligneux (PFNL). Les PFNL englobent tout ce qui provient de la forêt hormis le bois : plantes comestibles, fruits sauvages, champignons sauvages, noix nordiques, herbes médicinales, etc.

Samir Chaib, coordonnateur de l’Association pour la commercialisation des produits forestiers non ligneux, voit l’exploitation des PFNL comme s’inscrivant dans un changement de mode de vie où jardin maraîcher, zone de pâturage, protéines animales, vergers, et forêt forment un tout cohérent quant à l’occupation du territoire. « Il y a des lieux géographiques qui s’inscrivent naturellement pour le maraîchage biologique, mais le reste du territoire québécois peut bénéficier de ce portfolio de plantes utiles à l’humain ayant un cumul de services écologiques », explique-t-il.

La cueillette sauvage est encore une activité émergente et un domaine en construction. Jadis un moyen de subsistance, la cueillette fournit aujourd’hui des aliments et des épices souvent reliés à la haute gastronomie et aux produits du terroir. Il y a donc, selon Samir Chaib, un créneau à développer auprès des brasseries et distilleries ou par la commercialisation de petits produits « luxueux ». La plus grande difficulté, note-t-il, serait plutôt la transition vers des cultures qu’il qualifie de « rationnelles », dont la productivité pourrait être calculée et projetée dans le futur. « Ça prend du temps de domestiquer et d’améliorer les espèces », explique-t-il. Par exemple, un arbre à noix met huit à dix ans avant de fournir des premiers résultats rentables.

Le manque de subventions et d’aide financière est aussi un obstacle à l’expansion de cette pratique. C’est pourquoi l’association travaille présentement à démontrer au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec que c’est un secteur d’avenir bioalimentaire, qui s’appuie sur la résilience et le long terme et s’éloigne de l’utilisation énergétique accrue de la production industrielle.

Tirer avantage du territoire

Yvan Perreault a consacré sa vie à la découverte des produits comestibles de nos forêts. Copropriétaire de la ferme forestière Au Jardin des noix, à Saint-Ambroise-de-Kildare, dans Lanaudière, il considère qu’il connaît aujourd’hui « à peu près tout ce qui se mange dans la nature du Québec ». Il recommande aux jeunes de la relève agricole de sortir des cadres financiers, de démarrer leur ferme forestière et de planter et reproduire eux-mêmes, à la main, leurs plants.

Malgré les défis financiers, le conférencier indique que de plus en plus de ressources sont disponibles pour aider à se lancer en permaculture. Avec l’aide des réseaux sociaux, les échanges de trucs et de conseils sont plus faciles d’accès. De plus, certains organismes ou experts, comme lui, offrent des évaluations de terrain où l’on peut déterminer quels produits sont déjà présents et quelles espèces planter.

Pour les deux conférenciers, il faut un changement de paradigme : la réconciliation de l’humain avec la nature qui l’entoure. Leur objectif est que les Québécois connaissent leur territoire et en tirent, en accord avec la nature, les ressources alimentaires disponibles. « La gelée de sureau rouge, on est trois au Québec à en faire. Pourtant, tout le monde devrait manger ça. Quand est-ce qu’on mange des choses assaisonnées avec nos conifères ? Montrez-moi une ferme qui fait du genévrier », demande Yvan Perreault.

Il déplore surtout que le marché bioalimentaire manque l’occasion d’offrir un grand nombre de produits pourtant abondants. « On est un pays fertile avec des ressources originales, savoureuses et nourrissantes. On les dédaigne, déplore M. Perreault. Ça ne peut pas continuer comme ça. On va être punis pour notre mépris par rapport à nos propres trésors gourmands, à nos forêts. »

Par Lylou Nicastro

Cet article a été produit en association avec le cours Quête de sens journalistique, animé par Jean-François Gazaille à l’Université du Québec à Montréal