Actualités 27 novembre 2021

Cryptosporidiose chez le veau : une maladie intestinale sans traitement, mais contrôlable

Maladie infectieuse ayant la capacité de terrasser brusquement un troupeau, la cryptosporidiose chez le veau doit être prise très au sérieux par les producteurs.

La Dre Nicole Ruest connaît bien les conséquences que peut avoir la cryptosporidiose chez le veau, elle qui en avait fait son sujet de maîtrise en 1995.
La Dre Nicole Ruest connaît bien les conséquences que peut avoir la cryptosporidiose chez le veau, elle qui en avait fait son sujet de maîtrise en 1995.

Basée à la Clinique vétérinaire du Centre-du-Québec, à ­Notre-Dame-du-Bon-Conseil, la Dre Nicole Ruest connaît bien les conséquences que peut avoir cette maladie causée par un parasite protozoaire de l’intestin grêle qui engendre chez le veau pendant 4 à 15 jours des diarrhées verdâtres, nauséabondes, ­collantes et glaireuses pouvant entraîner la mort.

« C’était mon sujet de maîtrise en 1995 et j’avais analysé plus de 400 échantillons provenant de fermes d’un peu partout au ­Québec. Quatre-vingt-huit pour cent d’entre elles avaient au moins un cas positif », se rappelle la vétérinaire. Puisqu’il n’existe aucun vaccin pour combattre ce parasite qui loge dans le fumier, des règles d’hygiène rigoureuses demeurent à ce jour la ­meilleure façon de contrôler sa propagation.

Si autant d’élevages peuvent héberger ce parasite sans qu’il cause automatiquement une hécatombe, c’est que son évolution dépend de plusieurs facteurs. « Il y a tout d’abord plusieurs souches, dont certaines plus pathogènes que d’autres. Certains veaux vont donc l’avoir sans développer de symptômes tandis que d’autres seront gravement affectés. J’ai déjà vu un troupeau de vaches-veaux avec 70 % de mortalité », explique la Dre Ruest.

Des veaux avec un système immunitaire fragile, ceux n’ayant pas reçu leur colostrum après la naissance par exemple, sont plus ­susceptibles d’être perturbés sérieusement par la cryptosporidiose. « Le parasite va causer plus de ravages parce que l’animal n’est pas en mesure de se défendre », souligne-t-elle. 

Puisqu’il n’existe aucun vaccin pour combattre la cryptosporidiose, des règles d’hygiène rigoureuses demeurent à ce jour la meilleure façon de contrôler sa propagation. Photo : Archives/TCN
Puisqu’il n’existe aucun vaccin pour combattre la cryptosporidiose, des règles d’hygiène rigoureuses demeurent à ce jour la meilleure façon de contrôler sa propagation. Photo : Archives/TCN

L’hygiène comme prévention

C’est toute la régie à la ferme qui doit être passée en revue pour prévenir la maladie. « Au départ, c’est la mère qui peut infecter le veau. Il est donc important de le sortir immédiatement du parc après la naissance. Certains vont même jusqu’à mettre une toile en arrière de la vache à l’accouchement pour que le veau ne s’infecte pas. »

Ensuite, l’environnement dans lequel est dirigé le veau doit être lavé et désinfecté entre chaque bête qui y transite. « Chaque animal doit avoir son propre biberon, sa propre tétine, sa propre chaudière. La logette doit être nettoyée entre chaque veau qui y passe », recommande la vétérinaire. L’utilisation de gants et le nettoyage des bottes entre chaque parc font aussi partie des règles d’hygiène de base à mettre en pratique.

Séparer les veaux les uns des autres au moins durant le premier mois est également une mesure de contrôle efficace. « Comme ailleurs, il y a aussi des modes en agriculture. À une époque, c’était de mettre les animaux chacun dans leur logette jusqu’au sevrage. Ça aidait beaucoup à éviter la propagation des maladies. Puis est arrivé le bien-être animal où on regroupe les animaux parce que c’est plus naturel. Ils vont socialiser, se faire des amis, être moins stressés, sauf que là, tu partages aussi les microbes. »

À ce jour, l’Halocur est le seul médicament mis au point dans le contrôle de la cryptosporidiose. « C’est un produit liquide développé en Europe qu’on donne par la bouche pendant la première semaine de naissance. Ça n’empêche pas le veau d’attraper le parasite, mais ça empêche celui-ci de se reproduire. La maladie peut donc se développer après, mais à une semaine de vie, l’animal est déjà un peu plus fort et mieux en mesure de réagir par rapport aux parasites », explique la Dre Ruest.

L’Halocur n’est cependant pas une panacée, ajoute-t-elle. « Personnellement, je le donne à environ 10 % des troupeaux que je traite. C’est un produit irritant pour le système digestif et à double dose, il peut entraîner la mort. Je ne le recommande pas pour des veaux plus petits comme les Jersey parce qu’il va leur causer des maux de ventre. »

Vendus par certains fabricants comme un remède, les extraits botaniques ajoutés au lait ont suscité l’intérêt de la Dre Ruest qui a mené une expérience en 2019 sur un troupeau atteint par la maladie, mais avec une souche pathogène faible. « J’avais un groupe contrôle et un autre traité avec le produit. Les résultats n’ont jamais été suffisamment probants pour que je le recommande à mes clients. »

Reconnue comme une zoonose, la cryptosporidiose doit enfin être également prise au sérieux par les humains. « Quand un cas est trouvé à la ferme, je dis toujours au producteur d’éviter que les enfants ne viennent jouer avec les veaux. Même chose pour les personnes âgées ou les personnes immunodéficientes qui ne doivent pas venir à l’étable. Il y a des cas diagnostiqués de gens qui souffraient du sida et qui ont développé des problèmes pulmonaires avec cette maladie avant d’en mourir », conclut Nicole Ruest.