Forêts 18 octobre 2021

Terres publiques : « Le gouvernement se tire dans le pied » – Simon Trépanier

Malgré de multiples interventions dans les médias pour dénoncer la Stratégie nationale de production de bois, les Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ) n’ont toujours pas réussi à infléchir la volonté du gouvernement du Québec.

Près d’un an après le dévoilement de la nouvelle politique et à quelques semaines du début de sa mise en œuvre, le directeur général des PPAQ s’impatiente. « Malgré notre sortie publique au mois d’août au chantier Désiré, dans les Hautes-Laurentides, rien n’a bougé, désespère Simon Trépanier. Le seul élément nouveau, ce sont les sept millions de nouvelles entailles qu’on a annoncées pour la prochaine saison. Ça vient concrétiser encore plus le besoin de réserver des terres publiques pour les futures érablières. »

Après de multiples représentations, les PPAQ ont finalement obtenu une rencontre le 22 octobre prochain avec le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP), Pierre Dufour. En donnant priorité à l’abattage de feuillus de plus de 44 centimètres, les plus intéressants à entailler, la Stratégie nationale de production de bois met en péril le développement acéricole au Québec, dénonce Simon Trépanier. 

Le gouvernement prévoit notamment réserver 30 000 hectares à l’industrie alors que ses besoins sont estimés à 200 000 hectares pour atteindre l’objectif de 168 millions d’entailles d’ici 2080, dont 36 millions sur les terres de la Couronne. Actuellement, près de 20 % des 48 millions d’entailles au Québec sont localisés sur des terres propriétés de l’État.

En Estrie, la région au Québec qui compte le plus d’entailles dans les forêts publiques avec 1 267 164, le président régional des PPAQ, Jonathan Blais, est l’un de ceux qui s’activent le plus pour combattre la nouvelle politique du MFFP. « Un ministère à la botte de l’industrie forestière », n’hésite pas à dénoncer l’acériculteur de La Patrie, dans le Haut-Saint-François.

Lui-même convoitait une terre publique jouxtant son érablière pour augmenter sa production qu’il entend laisser à son fils aîné. Embauché par le président régional, un ingénieur forestier venu évaluer le site l’estimait en mesure de recevoir 250 entailles à l’hectare pour 10 000 au total. Or, après des coupes autorisées par le ministère, le boisé n’offre plus qu’un potentiel de quelque 5000 entailles ­réparties sur 52 hectares.

« Ça devient pas mal moins intéressant, déplore Jonathan Blais. Ils ont écrémé le peuplement en plus d’aménager deux chemins où on pourrait faire atterrir un Boeing. Le ministère des Forêts n’a tout simplement pas de stratégie pour développer l’acériculture au Québec », critique-t-il. Jonathan Blais dénonce également le fait que le ministère trouve toutes sortes de raison pour que les acériculteurs ne mettent pas les pieds sur les terres publiques. « Ils ont enlevé l’érable rouge en Estrie dans les critères pour identifier une érablière. Ici, tu as des couverts d’érables rouges qui atteignent 65 % des forêts. Je connais des gars au Centre-du-Québec qui ne produisent qu’avec ça. »

Même s’il a finalement obtenu un rendez-vous avec le ministre Dufour, le directeur général des PPAQ estime qu’il arrive bien tardivement. « Le gouvernement se tire dans le pied avec cette politique », déclare Simon Trépanier en ajoutant que les ventes de sirop d’érable sur les marchés étrangers sont constantes ces dernières années, avec un sommet de 430 millions $ en 2020.

Cet article a été publié dans notre cahier spécial acéricole, publié le 6 octobre 2021