Actualités 29 septembre 2021

Le potentiel des engrais verts dans la pomme de terre

SAINT-LÉONARD-D’ASTON — Signe de l’intérêt croissant pour les pratiques durables, quelques dizaines de participants étaient présents à la ferme Proculteur, le 13 août dernier, pour une journée consacrée aux cultures de couverture et aux engrais verts dans la pomme de terre. L’événement a été l’occasion de témoigner du chemin parcouru et de présenter les essais en cours.

Le copropriétaire de la ferme Proculteur, Samuel Richard, et l’expert du CÉTAB+ Denis La France.
Le copropriétaire de la ferme Proculteur, Samuel Richard, et l’expert du CÉTAB+ Denis La France.

L’utilisation d’engrais verts répond à un besoin bien réel pour cette ferme qui cultive 400 hectares de pommes de terre, dont 100 seront récoltés en régie biologique l’année prochaine. « En conventionnel, nous avons toujours eu la volonté de diminuer les engrais de synthèse. Quand le volet biologique s’est ajouté à la ferme, les engrais verts devenaient un incontournable, d’où l’intérêt d’étudier leurs possibilités pour couvrir le sol, mais surtout pour avoir des sols plus résilients », expose Samuel Richard, copropriétaire de la ferme.

La ferme Proculteur a donc fait appel au CÉTAB+ pour mener un projet qui s’étend de 2019 à 2023, financé par le ministère de l’Agriculture du Québec dans le cadre du programme Prime-Vert. « Ce projet vise trois périodes nécessitant une couverture dans une rotation de pommes de terre : l’automne et l’hiver suivant la récolte, la période chaude pendant la culture et l’année précédant la culture », résume Sophie Rivest-Auger, l’agronome responsable du projet.

Les participants ont pu voir de près le chisel combiné au semoir servant à l’implantation des engrais verts après la récolte.
Les participants ont pu voir de près le chisel combiné au semoir servant à l’implantation des engrais verts après la récolte.

1er essai – À la dérobée

Le premier essai consistait à semer à la dérobée des engrais verts pour couvrir les sols après la récolte en testant plusieurs mélanges de céréales et de légumineuses, et ce, à différentes dates (15 septembre, 30 septembre et 15 octobre). Le potentiel des céréales d’automne et de printemps avait été préalablement évalué.

« En raison du sol découvert, j’avais un gros problème d’érosion éolienne. Le défi est d’implanter les engrais verts rapidement. Avant, je les semais à la volée, mais c’était trop long. On est arrivé à coupler un chisel et un semoir. La machine est attachée de façon à ce que le seigle d’automne soit semé la journée même. Avec cet équipement, je peux aller à 12-15 km/h », détaille Samuel Richard. 

De façon générale, le producteur a assisté à une belle repousse du seigle – celui semé le 15 septembre a donné les meilleurs résultats à ce jour – et de la vesce. Quant à l’orge et aux céréales de printemps, ils couvrent bien le sol, mais leur impact est moins important.

Fort de ces observations, le producteur s’est mis à couvrir systématiquement ses sols après la récolte. « Comme premier résultat, on a pu stopper l’érosion hydrique et éolienne qui sévissait depuis 30 ans sur la terre, ce qui a amélioré les rapports avec les voisins », relève pour sa part Denis La France, expert en cultures biologiques au CÉTAB +, aussi présent à la journée.

Cette année, le producteur mettra à l’essai un mélange de triticale d’automne et d’épeautre d’automne.

L’essai sur les intercalaires pour couvrir le button n’a pas encore porté ses fruits.
L’essai sur les intercalaires pour couvrir le button n’a pas encore porté ses fruits.

2e essai – Intercalaires

Le deuxième essai du projet visait à implanter des parcelles intercalaires afin de réduire la chaleur sur le button en août, qui peut entraîner des dommages aux cultures par temps de canicule. Les implantations étaient réalisées à différentes profondeurs dans le sillon à la plantation des pommes de terre et au dernier peigne.

« Pour l’instant, il n’y a rien de concluant. Quand on a semé à la volée au dernier coup de peigne, seulement 20 % des graines se sont implantées, ce qui est très peu, probablement parce que le button était renchaussé trois fois, signale Sophie Rivest-Auger, mais on sait que certaines espèces se sont mieux comportées. Pour l’année prochaine, on va opter pour des mélanges plutôt que des espèces individuelles et on va encore travailler notre méthode. »

Si Denis La France se montre plutôt sceptique quant à cet essai, Samuel Richard mentionne avoir fait quelques observations intéressantes cette année sur les doryphores qui attaquaient moins les pommes de terre pour s’en prendre à ­certains intercalaires et sur la santé générale des tubercules dans le sarrasin.

Les engrais verts étaient déjà utilisés à la ferme Proculteur, mais leurs pratiques évoluent à grande vitesse avec les essais menés avec le CÉTAB+, sans compter les essais en plein champ.
Les engrais verts étaient déjà utilisés à la ferme Proculteur, mais leurs pratiques évoluent à grande vitesse avec les essais menés avec le CÉTAB+, sans compter les essais en plein champ.

3e essai – Pleine saison

Enfin, le troisième essai portait sur l’implantation d’engrais vert pleine saison l’année précédant la culture de pommes de terre. « Cette méthode a plusieurs objectifs : apporter un mélange de matière organique stable et labile, augmenter l’humus du sol, stimuler l’activité biologique, enrichir le sol en azote et réduire la pression des mauvaises herbes », énumère Denis La France.

De tous les traitements évalués, c’est le mélange de vesce commune et de millet qui a obtenu les meilleurs résultats. « La présence de la vesce commune, de par son énorme biomasse (6 t/hectare à l’automne), a sûrement joué un rôle important parce que le sol part avec 5 kilos d’azote, analyse Sophie Rivest-Auger. ­Est-ce la vesce va toujours fournir autant? Pas nécessairement, d’où l’importance de continuer à tester de nouveaux mélanges. »

Une chose est certaine, la rotation pleine saison avec engrais verts a fait ses preuves, souligne Samuel Richard. « Les comparatifs d’un précédent d’engrais vert pleine saison versus un précédent de maïs ou de soya ont déjà montré une augmentation suffisante des rendements et de meilleurs résultats économiques sur l’ensemble de la rotation. Il s’agit maintenant de tester différents mélanges entre eux pour favoriser à la fois le gain de rendement dans les pommes de terre, mais aussi la santé des sols à long terme. » 

Ce texte a été publié dans l’édition d’octobre 2021 de notre cahier L’UtiliTerre.