Économie 22 septembre 2021

Des pistes de solutions anti-gaspillage

Ici et là au Québec surgissent des initiatives visant à diminuer les volumes de fruits et légumes laissés à l’abandon aux champs, mais selon plusieurs intervenants contactés par La Terre, de plus vastes mesures pourraient être mises en place pour réduire davantage le gaspillage.

Éric Ménard
Éric Ménard

Pour Éric Ménard, conférencier qui se spécialise en gaspillage alimentaire, il faudrait d’abord ajouter des maillons à la chaîne d’approvisionnement et lui « donner plus de plans B » en cas d’imprévus. « Là, on a juste des plans A. Il faudrait miser davantage sur la transformation et la congélation ou trouver des façons de rendre le système moins rigide et mieux adapté à la réalité de la production maraîchère, qui, elle, est très imprévisible », croit le chercheur indépendant, qui reconnaît néanmoins que ce qu’il propose n’est pas simple à mettre en application.

Denise Proulx, qui enseigne les grands enjeux des systèmes alimentaires à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM, croit de son côté qu’une législation politique obligeant les firmes de distribution à prioriser les légumes québécois lorsqu’il y a des volumes devrait être instaurée. Avec une baisse de la concurrence internationale, les producteurs locaux obtiendraient de meilleurs prix pour leurs cultures, indique-t-elle, ce qui rendrait la récolte plus profitable pour eux que l’abandon dans les champs. 

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Quant à Roland Joannin, président de Jardins solidaires, qui récupère les fruits et légumes invendus de fermes, il estime que les producteurs seraient plus enclins à entrer en communication avec les organismes communautaires en cas de surplus si les pouvoirs publics mettaient en place une formule de financement ou d’incitatifs pour les dons. Sa fille, Sandrine Contant-Joannin, qui a elle-même travaillé à récupérer des légumes aux champs, ajoute que le soutien des municipalités et la mobilisation citoyenne sont primordiaux pour permettre de recruter une masse critique de bénévoles qui récupéreront et distribueront efficacement les invendus de la ferme.

Vaudrait-il mieux mettre en place une structure provinciale qui gérerait les surplus de récolte? Sandrine Contant-Joannin ne le croit pas. Elle assure que la formule la plus efficace est celle des petites initiatives locales qui bénéficient d’un contact direct avec le milieu.

Meilleure communication avec les agriculteurs

Annie Bélanger, de Moisson Laurentides, aimerait entretenir une meilleure communication avec les producteurs pour être au fait de leurs besoins lorsqu’ils ont des surplus, et ainsi éviter le gaspillage. Mais ceux-ci, dit-elle, sont parfois durs à joindre, ce qui complique les choses. De son côté, Suzie Paquin, agente de développement pour le projet Maski récolte, souligne avoir dû laisser du maïs au champ cette année parce que les volumes étaient très élevés et parfois aussi en raison d’un manque de coordination. « Ce qu’on suggère aux producteurs, c’est de ne pas nous appeler le vendredi, car la fin de semaine, on a moins de ressources. En début de semaine, c’est mieux pour qu’on puisse s’organiser vite », indique-t-elle. 

Plus de surplus cette année

Une pénurie de main-d’œuvre « sans précédent » dans les secteurs de la distribution et du détail s’ajoute à un « concours de circonstances exceptionnelles » cette année pour expliquer les grandes quantités de légumes laissés dans les champs, confirme Francis Mailly, du Conseil canadien du commerce de détail.

Sébastien Bigras, des Fermes Serbi dans les Laurentides, raconte à titre d’exemple que ses commandes de tomates destinées aux grandes chaînes ont parfois été annulées à la dernière minute, parce qu’il n’y avait pas d’employés en entrepôt pour les traiter. Cette situation, mixée aux forts volumes aux champs dus à la canicule du mois d’août, a généré d’importants surplus à sa ferme.

Avec la collaboration de Martin Ménard


Cet article fait partie d’un dossier complet sur le gaspillage aux champs paru dans La Terre de chez nous, le 22 septembre 2021.
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