Politique 23 septembre 2021

Les trucs d’un expert en lobbyisme pour en obtenir plus des politiciens

OTTAWA – Rencontré à Ottawa en marge d’un débat de la campagne électorale fédérale, l’expert en lobbyisme Peter Seemann a accepté de partager avec La Terre ses secrets permettant aux agriculteurs de rallier les élus à leur cause.

D’entrée de jeu, Peter Seemann assure qu’il ne faut pas sous-estimer le rôle que peuvent jouer les politiciens pour accroître le développement de l’agriculture. Il donne l’exemple des Pays-Bas qui, même avec de modestes superficies cultivables, sont parvenus à se hisser au deuxième rang des exportateurs mondiaux de produits agroalimentaires grâce à la décision du gouvernement de faire du pays un meneur en agroalimentaire. « C’est quelque chose qu’on pourrait faire ici. Il suffit de convaincre nos politiciens », spécifie M. Seemann. Une bonne approche auprès des élus améliore aussi les chances d’obtenir des investissements en infrastructures, de meilleurs programmes de subvention pour faire face à la concurrence internationale, etc. « Et il n’y a personne de meilleur pour parler de l’industrie agricole que ceux qui y vivent, c’est-à-dire les agriculteurs. Je sais que ce n’est pas dans leur nature d’aimer parler avec les politiciens, mais les agriculteurs doivent se faire entendre davantage et prendre le temps d’éduquer les politiciens à leur réalité », dit le fondateur et principal analyste de l’entreprise Grassroots Public Affairs, basée à Toronto.

Pour ce faire, voici quatre trucs qu’il donne aux producteurs :

1. Ne pas attendre. Peter Seemann conseille de prendre contact rapidement avec l’élu de son secteur après une élection. « N’attendez pas, envoyez une lettre de félicitations au candidat local dès qu’il est élu et invitez-le à la ferme. Rappelez-lui les chiffres (le nombre d’emplois en agriculture, l’incidence des fermes sur le PIB et sur l’économie de la région, les bonnes choses que fait l’agriculture pour l’environnement, etc.), et rappelez-lui les engagements de son parti envers l’agriculture », indique M. Seemann. Une petite recherche sur l’élu local est de mise. Il faut se demander entre autres s’il est plus facile de le joindre par les moyens traditionnels ou par les médias sociaux.

2. Formuler un message clair. Les agriculteurs doivent se concerter pour présenter le même message au politicien ou à la politicienne en place et le lui répéter au fil de son mandat. L’association locale de producteurs peut coordonner le tout et structurer les messages, mais il est nécessaire de ne pas laisser à l’association l’entière responsabilité de contacter l’élu local. Quelques agriculteurs doivent le faire aussi. « Le message doit être clair, constant et orienté sur les solutions, car les politiciens entendent des problèmes tous les jours. Si on veut capter leur intérêt, il est préférable de leur présenter les façons d’aider le milieu agricole et de leur montrer les bénéfices que cela représentera pour la société et pour… le politicien », détaille M. Seemann.

3. Bâtir une relation. « Entrer dans le bureau de son député, frapper un coup sur son bureau pour dire qu’il doit se réveiller et changer la situation, parfois ça marche, mais l’approche qu’on préconise est plutôt de bâtir une relation avec lui ou elle », partage l’expert en lobby. Il importe d’être persévérant, d’aller rencontrer l’élu.  Si le politicien organise un événement, il faut passer lui serrer la main et lui apporter un fromage ou un panier de légumes pour qu’il goûte ce que les agriculteurs font dans son secteur. Certains politiciens refusent les cadeaux. Dans ce cas, il s’agit de contribuer à une cause pour la communauté qu’il appuie. Le spécialiste ajoute qu’un député local et même un ministre fait partie d’un grand cabinet. Il importe de lui demander : « Qu’est-ce qu’on peut faire pour t’aider à convaincre les autres membres de ton parti pour qu’ils supportent davantage l’agriculture? »

4. Porter attention aux détails. L’image et les détails sont importants. Le choix des fermes où on invite l’élu est décisif. Il faut s’assurer que la ferme est propre, qu’il s’agit d’une entreprise bien gérée qui présente idéalement des éléments d’innovation qui intéresseront le politicien. Éviter de choisir une ferme dont les propriétaires ont soulevé la controverse. « La majorité de la population, et donc des politiciens, n’a jamais visité une ferme moderne. Plusieurs entretiennent la perception que les fermiers ne sont pas des gens sophistiqués, même si c’est l’inverse, et il faut tout faire pour ne pas ajouter à cette perception. Il faut montrer les meilleurs agriculteurs des meilleurs », insiste M. Seemann. Les producteurs doivent porter attention à la façon dont ils s’habillent et à ce qu’ils disent. « Lors d’une visite à la ferme, l’agriculteur doit éviter de trop parler continuellement au politicien et lui poser des questions à l’occasion pour maintenir son intérêt. Qu’est-ce qu’il aimerait mieux connaître de l’agriculture? Qu’est-ce qui l’intéresse? », propose M. Seemann. Il importe de respecter son temps; le politicien ne passera pas toute la journée à la ferme. Autre élément : un politicien travaille toujours pour se faire réélire. Il importe de lui montrer que l’agriculture implique un plus grand nombre de personne que les fermes. Des entreprises de produits et d’équipements, des conseillers professionnels, des chercheurs et plusieurs autres emplois dans la région dépendent de l’agriculture, recommande-t-il de faire valoir.