Actualités 17 août 2021

Une production encore en émergence et remplie de défis

Un peu moins de trois ans après la légalisation du ­cannabis au pays, la production reste un défi pour ceux qui s’y lancent. La production étant encore jeune, ­certains obstacles subsistent.

Ayant reçu sa licence de production en 2018, Stéphane Bertrand, des Serres Vert Cannabis, à Mirabel dans les Laurentides, tente toujours de trouver le meilleur cultivar pour les conditions de sa serre. « Les plants ne sont pas conçus pour être cultivés en serre. Les plantes ne sont pas adaptées à la chaleur et la luminosité », indique-t-il. Le producteur de cannabis qualifie son produit actuel de B+ et souhaite en faire du A+, puis développer une saveur particulière à Mirabel. « C’est complexe et pas si facile d’augmenter notre qualité », avance le producteur. Il souligne toutefois que cette réalité existait aussi pour les tomates au début de sa carrière de producteur, 30 ans avant de se lancer dans la culture de cannabis avec Canopy Growth. L’agriculteur ne regrette d’ailleurs pas son choix d’avoir délaissé la culture de tomates, que sa nièce a reprise.

Stéphane Bertrand
Stéphane Bertrand

Bien qu’il emploie 230 personnes, Stéphane Bertrand n’arrive pas à produire 60 000 kg de cannabis annuellement comme il le voudrait. Pour y arriver, il estime que davantage de machinerie automatisée sera nécessaire. De son côté, Joël Lalancette, directeur des opérations à l’entreprise 5 points cannabis, située à Pierreville dans le Centre-du-Québec, ne recommande pas à n’importe qui de se lancer dans ce type de production. « Si tu ne connais rien à l’agriculture, c’est un marché qui est dur. Certains voient juste les profits, mais ne voient pas l’ouvrage. C’est 24 heures, 7 jours. Moi, ça fait 20 ans que je suis en agriculture, alors je sais où je m’en vais », souligne-t-il. Selon lui, les nombreuses barrières permettent toutefois de se démarquer et d’éloigner les moins bons joueurs. Son entreprise vient d’obtenir sa licence pour transformer et vendre ses produits après avoir obtenu une licence de production en novembre 2019.

Restrictions québécoises

Les restrictions émises par le gouvernement du Québec limitent la production de cannabis dans la province, estime Michel Timperio, président de l’Association québécoise de l’industrie du cannabis (AQIC). « On a beaucoup de défis versus les autres provinces pour la mise en marché. C’est plus réglementé et on n’est pas supporté d’aucune façon », affirme le président de Neptune Wellness Solutions, à Laval, une entreprise de transformation et d’extraction. Il ajoute que le Québec est loin des autres provinces en termes de nombre de producteurs versus la population. En date du 12 août, 85 licences de production avaient été délivrées au Québec sur les 551 à travers le Canada.

Marché noir

En juin, la Société québécoise du cannabis (SQDC) affirmait avoir ravi 53 % de la clientèle au marché illicite, appuyant cette donnée « sur une récente estimation de la demande annuelle québécoise de cannabis ». Ces chiffres ne convainquent toutefois pas Michel Timperio, qui estime que le marché noir est encore très présent. Il rappelle que l’âge pour consommer du cannabis au Québec est de 21 ans. Il croit donc que les jeunes s’y approvisionnent encore. À l’aube des trois ans de la légalisation, il souhaite rencontrer le gouvernement pour le sensibiliser à la réalité des producteurs.

Pour Joël Lalancette, c’est la qualité de leur produit qui aura raison de ce marché illicite. « Le marché est bon quand tu as un produit de qualité. Le client devient de plus en plus difficile. On voit qu’il est de plus en plus ouvert au goût, à l’odeur et à la qualité du produit », avance-t-il.

Un centre d’interprétation sur les bienfaits

Le producteur Stéphane Bertrand a dans ses projets à long terme d’ériger un centre d’interprétation à Mirabel afin d’éduquer la population sur les bienfaits de la consommation de sous-produit du cannabis. « J’ai eu des témoignages de gens pour qui leur vie a complètement changé depuis qu’ils prennent des produits dérivés du cannabis », raconte-t-il. Le producteur cite en exemple une personne qui faisait de l’arthrose et qui lui a montré qu’elle pouvait de nouveau plier les doigts. Selon lui, il s’agirait d’un outil permettant de lever certains tabous envers le produit.