Actualités 29 juillet 2021

Le piétin d’Italie afflige des producteurs de bouvillons

L’éleveur de bouvillons Michel Daigle, de Sainte-Hélène-de-Bagot en Montérégie, ne sait plus quoi faire pour enrayer le piétin d’Italie qui afflige son cheptel année après année. Et les problèmes ne font qu’empirer depuis quatre ans, dit-il.

Michel Daigle
Michel Daigle

« Quand on détecte qu’un animal en a et qu’il n’est pas dû pour aller à l’abattage tout de suite, on peut l’isoler et appliquer un traitement, mais quand l’animal doit aller à l’abattoir rapidement et qu’on se rend compte qu’il est infecté, ça devient un problème, parce qu’on manque de temps pour le traiter », explique l’éleveur qui se voit même contraint de faire euthanasier des bêtes à l’occasion. « C’est vraiment un gros problème pour nous en ce moment. Et ça revient tout le temps, même si on fait tout pour désinfecter. Ce n’était pas courant avant, d’avoir ce genre de problème dans les parcs d’engraissement. On voyait surtout ça dans les fermes laitières », fait remarquer l’agriculteur.

Le piétin d’Italie ou dermatite digitale est une maladie infectieuse des onglons très contagieuse qui se transmet par contact. Photo : Gracieuseté d’André Desrochers
Le piétin d’Italie ou dermatite digitale est une maladie infectieuse des onglons très contagieuse qui se transmet par contact. Photo : Gracieuseté d’André Desrochers

Phénomène en émergence

De plus en plus de producteurs de bouvillons, et aussi de vaches-veaux, signalent des problèmes de dermatite digitale également appelée piétin d’Italie, depuis les dix dernières années au Québec, constate Marjolaine Rousseau, professeure adjointe à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, qui se spécialise en santé animale bovine. Cette maladie infectieuse des onglons très contagieuse demeure toutefois plus répandue dans les fermes laitières. D’ailleurs, ces dernières sont elles aussi aux prises avec un nombre grandissant de cas depuis quelques années, étant donné la croissance de la stabulation libre, plus propice à la transmission que la stabulation entravée, note Marianne Villettaz Robichaud, également professeure à la Faculté de médecine vétérinaire.

Marjolaine Rousseau explique qu’historiquement, la maladie a été introduite dans les élevages de bouvillons par l’achat de veaux Holstein pour l’engraissement. Ces veaux auraient été contaminés par la bactérie principalement responsable de la maladie alors qu’ils étaient dans leurs troupeaux d’origine. Avec le temps, ils ont développé la dermatite digitale, contaminé leur environnement et infecté d’autres animaux de leur lot, car la maladie se transmet par contact. Les bâtiments, les installations et l’équipement sont notamment des sources de contamination. « Puisque les bovins de boucherie n’étaient auparavant que vraiment peu ou pas exposés à cette maladie, l’immunité contre la dermatite digitale était absente », souligne par ailleurs l’experte.

Des producteurs « désemparés »

André Desrochers
André Desrochers

André Desrochers, directeur du Département de sciences cliniques de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, signale que les conséquences du piétin d’Italie peuvent être graves dans les fermes de bovins d’abattage, entre autres parce que les moyens de contrôle préconisés dans les fermes laitières, tels que les bains de pied, sont difficilement applicables dans ce type d’élevage. Comme il s’agit d’une maladie très contagieuse, une fois qu’elle entre dans le parc d’engraissement, elle peut faire des ravages si elle n’est pas prise en charge rapidement, dit-il, surtout dans les stabulations libres. « Ça va vite. Il suffit d’un animal qui entre avec ça et rapidement, de 50 à 60 % de ton troupeau peut être contaminé », souligne l’expert en santé des onglons.

Il souligne que les éleveurs de bouvillons qui composent avec d’importants problèmes de piétin d’Italie se retrouvent « désemparés ». « Dans les fermes laitières, les vaches ont l’habitude d’aller se faire traire et de passer par des bains de pied, souvent installés à l’entrée ou à la sortie de la salle de traite. Dans les parcs d’engraissement, c’est plus difficile d’inculquer une routine comme celle-là aux bovins. » La professeure Marianne Villettaz Robichaud mentionne pour sa part que les bouvillons ont moins l’habitude de se faire manipuler que les vaches laitières et qu’ils sont « plus nerveux » lorsqu’on leur prend les pattes, notamment pour l’application d’un traitement.