Économie 19 mai 2021

Le prix élevé des matériaux gruge la rentabilité des nouveaux projets

SAINT-BARNABÉ-SUD – La hausse record du prix des matériaux est le sujet de l’heure. Le coût de certaines pièces de bois de construction a augmenté de 125 % depuis cinq mois, alors que la tôle d’acier est 65 % plus cher chez certains fournisseurs. Cette situation donne des maux de cœur à ceux et celles qui désirent agrandir leur entreprise.

L’éleveur de veaux de grains Daniel St-Jean est amer face aux coûts de construction d’une nouvelle étable qui ont augmenté de 150 000 $ en l’espace d’une année seulement. L’impact est tel qu’il renonce finalement au projet. « À l’heure actuelle, ça me coûterait près de 750 000 $, alors que c’était 600 000 $ l’an passé et 350 000 $ en 2008 quand j’avais construit un bâtiment identique. Ce n’est évidemment pas rentable », déplore le producteur de Saint-Barnabé-Sud, en Montérégie. Il possède déjà deux bâtiments de 300 animaux chacun. La construction du troisième lui aurait permis d’augmenter juste assez sa production pour pouvoir se payer un employé à temps partiel et profiter d’économies d’échelle qui auraient accru sa rentabilité. « Je fais le train 7 jours sur 7 depuis 20 ans. Au prix actuel, si je me bâtis, la seule solution pour arriver serait de travailler encore plus et faire moins d’argent… pendant un autre 20 ans. Ça deviendrait vite une écœurantite. Alors j’ai barré le projet  », raconte-t-il. L’éleveur de 43 ans se sent coincé, puisque la croissance de son entreprise ne peut pas non plus de faire par la culture des terres, qui sont également hors de prix.

À Bonaventure, en Gaspésie, Maxime Plante et sa conjointe réalisent leur rêve de démarrer une ferme laitière non apparentée. Après avoir monté leur plan d’affaires pendant deux ans, obtenu le financement et le prêt de quotas, ils se retrouvent soudainement à faire face à des coûts beaucoup plus élevés que prévu pour transformer la ferme qu’ils viennent d’acquérir. « Ce qui au départ devait nous coûter 650 000 $ est rendu à 1 M$. Juste dans l’espace des quatre derniers mois, c’est 100 000 $ de plus. Ça vient de manger la marge qu’on avait. Je suis dans les soumissions pour trouver de meilleurs prix et c’est très, très stressant », confie-t-il. La rentabilité de sa ferme qui sera en pleine production en décembre devient très borderline, s’inquiète le producteur.

Maxime Plante et sa conjointe Marie-Eve Cyr bâtissent le projet de leur vie, mais dans un contexte stressant de grands dépassements de coûts. Photo : Gracieuseté de Maxime Plante
Maxime Plante et sa conjointe Marie-Eve Cyr bâtissent le projet de leur vie, mais dans un contexte stressant de grands dépassements de coûts. Photo : Gracieuseté de Maxime Plante

Certains reculent, d’autres non

L’ingénieure Suzelle Barrington, de la firme Consumaj, affirme qu’en règle générale, les clients qui s’étaient déjà engagés dans leur projet de construction le mèneront à terme, malgré la hausse de prix. Certains optent cependant pour des structures de métal ou des dômes en toile afin de diminuer leurs achats de bois.

Près de Saint-Hyacinthe, l’entrepreneur Bruno Bazinet se spécialise dans la construction de bâtiments agricoles. Il affirme avoir de l’ouvrage un an à l’avance pour ses 25 hommes. Il note toutefois que des clients, surtout de jeunes agriculteurs, décident actuellement de retarder leur projet de construction. « Nos tarifs horaires n’ont pratiquement pas augmenté, mais le prix des matériaux a tellement monté. Un poulailler de 60 par 410 pieds, à un étage, coûtait 619 000 $ il y a deux ans. Maintenant, pour le même c’est 950 000 $ », donne-t-il en exemple.

M. Bazinet remarque que les fermes établies vont quand même de l’avant, notamment les producteurs de volailles qui viennent d’acheter du quota.

Chez Consultants Lemay & Choinière, l’ingénieur Yves Choinière vient d’apprendre que quelques producteurs reportent des projets importants sur lesquels son équipe a travaillé, et d’autres pourraient prendre la même décision. « J’ai beaucoup de clients qui sont en soumission. Avec les coûts de construction actuels, il y a des projets qui pourraient ne plus passer au crédit », appréhende-t-il. 


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