Actualités 17 avril 2021

Changements climatiques : le temps presse

Durant les trois dernières années, le projet Agriclimat s’est penché, avec des producteurs de 12 régions du Québec, sur les conséquences potentielles des changements climatiques, notamment en ce qui a trait à la phytoprotection. Constat : il faut conscientiser les producteurs pour agir au plus vite.

L’équipe du Conseil pour le développement de l’agriculture du Québec (CDAQ), organisme qui coordonne le projet Agriclimat, a parcouru le Québec dans le but de sensibiliser les producteurs aux enjeux des changements climatiques en agriculture et a récemment publié des fiches de sensibilisation sur les impacts des changements climatiques. Elles sont détaillées selon la région et le type de production.

Sylvestre Delmotte
Sylvestre Delmotte

« Au travers du projet Agriclimat, on a rencontré près de 2000 producteurs et intervenants pour trouver collectivement des solutions. On leur a présenté des informations sur le climat futur, développées avec le Consortium sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques Ouranos, et on leur a demandé leur avis sur comment faire face aux défis », raconte Sylvestre Delmotte, consultant en agroenvironnement du CDAQ.

Au travers de ces consultations, il est possible de constater que toutes les régions ne seront pas touchées de façon égale et que toutes les productions agricoles du Québec ne présentent pas la même vulnérabilité. Les petits fruits pourraient être parmi les plus touchés. « Les bleuetières, les cannebergières ou les vergers sont beaucoup plus à risque s’il y a de nouveaux ravageurs difficiles à contrôler, car ce ne sont pas des cultures qui se déplacent », argumente M. Delmotte.

Les éleveurs de ruminants ne sont pas non plus épargnés, notamment en production laitière, bovine ou ovine. De nouveaux ravageurs pourraient causer des problèmes dans les cultures de plantes fourragères destinées à l’alimentation des animaux. « Par exemple, durant l’été 2020, on a assisté à une présence accrue de cicadelles de pommes de terre dans les luzernières en Estrie », explique-t-il.

L’enjeu pour les producteurs consiste à favoriser des pratiques qui permettront de réduire la présence de ces ravageurs. « (…) il faut qu’on travaille encore plus fort à démocratiser les principes de la lutte intégrée comme le dépistage, la définition de seuils d’intervention basés sur la présence des insectes, l’usage des avertissements du Réseau d’avertissements phytosanitaires ou encore encourager l’aménagement d’espaces de biodiversité. »

Pour atteindre ces objectifs, les producteurs et intervenants qui ont participé à Agriclimat considèrent que des efforts collectifs seront nécessaires. « Cela permet plus d’efficacité, d’avoir plus d’outils, des coûts de développement moins élevés et du partage de connaissance et d’informations en temps réel, ce qui sera absolument nécessaire pour relever ce beau défi », soutient M. Delmotte. 

Les insectes ravageurs

Un des aspects préoccupants des changements ­climatiques sera l’évolution des populations de ravageurs, en grande partie des insectes. Gouverné par la température de l’air, leur cycle de développement et de reproduction pendant la saison sera probablement plus rapide. Pour les espèces qui effectuent plusieurs cycles par année, le nombre de générations pourrait alors augmenter et nuire davantage aux cultures.

« Récemment, on a constaté des dégâts dûs à la livrée des forêts dans des érablières. On pourrait penser qu’il y a un lien entre la plus grande présence de ces ravageurs et les changements climatiques, notamment la hausse de la température », explique Sylvestre Delmotte, consultant en agroenvironnement du CDAQ.

Des ravageurs inhabituels pourraient aussi envahir les champs. « Certains ravageurs migrent chaque année du sud jusqu’au Québec, mais ne résistent généralement pas à l’hiver rude. Si celui-ci est plus doux, ils vont pouvoir passer à travers et être présents plus tôt en saison, avec le potentiel de faire davantage de dégâts aux cultures », explique Sylvestre Delmotte. 

M. Saguez, chercheur au Centre de recherche sur les grains (CÉROM), précise : « On pourrait aussi assister au déplacement de certaines espèces déjà présentes au Québec. Avec les changements climatiques, certaines cultures pourraient se faire dans des régions plus nordiques et les insectes pourraient se “déplacer“ en même temps que les cultures. Cependant, certaines espèces pourraient souffrir des augmentations de température puisque leur développement optimal se trouve autour de 20-25°C. »

Les champignons

Les champignons pourraient eux aussi devenir un problème plus important en raison de l’augmentation des pluies durant le printemps, et par conséquent, de l’humidité. Par contre, les étés plus chauds leur seraient sans doute défavorables.

Plus de CO2 et gestion difficile
des mauvaises herbes

Enfin, la hausse de la concentration du CO2 dans l’atmosphère aura un impact majeur, notamment pour les plantes dont la photosynthèse est de type C3. Ces plantes sont plus sensibles à la concentration du CO2, car elle a un effet fertilisant sur leur croissance. Or, plusieurs types de mauvaises herbes ont une photosynthèse de type C3. Celles-ci vont se développer davantage, devenir plus compétitives et seront même plus difficiles à contrôler, avertit M. Delmotte. Bien que les cultures en C4 comme le maïs pourraient bénéficier de la hausse de température, la gestion des mauvaises herbes pourrait alors devenir plus difficile. 

Léa Villalba, collaboration spéciale