Page conseils 12 avril 2021

L’antibiorésistance, c’est l’affaire de tous

Les entreprises agricoles sont des joueurs clés dans la prévention de l’émergence de la résistance aux antibiotiques, une menace croissante pour la santé humaine et vétérinaire. Au Canada, 1,8 million de kilogrammes d’antimicrobiens ont été utilisés en 2015. Plus de 80 % de cette quantité était destinée aux animaux de la ferme.

Les antibiotiques sont des médicaments qui servent à traiter une infection bactérienne. De la mammite à l’arthrite, ils sont fréquemment utilisés par les vétérinaires. Il arrive cependant que, dans certaines conditions, les « mauvaises » bactéries survivent au traitement utilisé. Ce phénomène, connu sous le nom d’antibiorésistance, est un enjeu d’actualité qui sème encore la confusion. Il faut d’abord comprendre que c’est la bactérie qui devient résistante au médicament et non l’animal qui reçoit le traitement. Ces bactéries peuvent même devenir multirésistantes, c’est-à-dire qu’elles pourront survivre à plus d’un antibiotique. D’ici 2050, il pourrait en coûter environ 3 000 G$ aux pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

L’apparition de la résistance bactérienne est tout à fait naturelle et même inévitable. Par contre, afin de ralentir sa progression, une utilisation judicieuse des antibiotiques doit être pratiquée. Au niveau collectif, le Canada, depuis décembre 2018, a rendu obligatoire la prescription du médecin vétérinaire pour tous les médicaments. Au Québec, rien de nouveau, car cette loi est en vigueur depuis 1985. De plus, différents programmes permettent de surveiller l’utilisation des antibiotiques de près, comme proAction pour les bovins laitiers au Québec.

Dans l’entreprise agricole

Au niveau individuel, plusieurs actions doivent être mises en place dans les entreprises agricoles : utiliser les médicaments selon l’ordonnance du vétérinaire traitant, maintenir les animaux en santé au moyen d’une nutrition optimale, vacciner lorsque possible et recommandé, miser sur la biosécurité des bâtiments et tester pour déterminer le type de microbe qui cause le problème de santé. Cette dernière pratique semble plus difficile à appliquer.

À court terme, il peut sembler économiquement avantageux de ne pas demander les tests, car aucuns frais ne seront associés à la prise d’échantillon et aux analyses microbiologiques. Cette stratégie paraît aussi plus rapide, puisqu’elle permet de commencer le traitement sans attendre la réponse du laboratoire. Cependant, à long terme, elle engendre une utilisation excessive des antibiotiques. En effet, si aucun test d’identification n’est réalisé avant le début du traitement, le choix du médicament se fera à l’aveugle par le vétérinaire. Par exemple, si une vache doit être traitée pour une mammite causée par une levure, non seulement l’antibiotique ne fonctionnera pas, mais il y aura un risque que la mammite s’empire. Le traitement sera alors souvent plus long, compromettant ainsi le retour rapide de l’animal en production (coûts directs et indirects). Des infections jusque-là facilement traitables peuvent rapidement devenir mortelles ou mener à une réforme prématurée.

C’est pourquoi les actions à grande et à petite échelle sont essentielles afin de prévenir la résistance. Ces efforts concernent aussi la santé publique, puisque bien que le lien entre la transmission de la résistance aux antimicrobiens des animaux aux humains ne soit pas encore prouvé hors de tout doute, certaines études en démontrent la forte probabilité. 

CHLOÉ ROSA-TEIJEIRO
DR CHRISTOPHER FERNANDEZ-PRADA, M.V.
Groupe de recherche sur les maladies infectieuses en production animale, Faculté de médecine vétérinaire, Université de Montréal