Économie 28 février 2021

Grains et protéines végétales pour l’alimentation humaine : un marché survitaminé qui est là pour rester

Le marché des grains destinés à l’alimentation humaine au Québec croît tellement rapidement que les transformateurs doivent les importer de l’Ouest canadien pour répondre à la demande.

Tel était le constat dressé en 2020 par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) devant la Régie des marchés agricoles et agroalimentaires du Québec (RMAAQ). Seulement pour le blé, les producteurs locaux étaient en mesure, en 2018, de fournir 162 500 tonnes, alors que la demande pour la consommation humaine s’établissait à 1 million de tonnes, soit six fois plus.

Selon Guillaume Camirand, de la Coop Agrobio, l’appel du premier ministre Legault d’acheter local, au printemps dernier, a réveillé la fibre entrepreneuriale chez plusieurs Québécois. Photo : Gracieuseté de la Coop Agrobio
Selon Guillaume Camirand, de la Coop Agrobio, l’appel du premier ministre Legault d’acheter local, au printemps dernier, a réveillé la fibre entrepreneuriale chez plusieurs Québécois. Photo : Gracieuseté de la Coop Agrobio

Sur le terrain, la tendance est perceptible, observe Guillaume Camirand, responsable de la mise en marché à la Coop Agrobio, à Bromont. « C’était déjà là avant la COVID-19, mais ça s’est accéléré depuis. Il y a clairement un engouement pour le local et le bio », note-t-il.

La coopérative, qui regroupe une centaine de producteurs de grains biologiques à travers le Québec, commercialise toute une gamme de farines, d’huiles et de lentilles pour la consommation humaine. « Nos deux tiers des ventes proviennent encore de la filière animale, mais on est sollicité depuis un an pour de nombreux projets en lien avec l’alimentation humaine », poursuit Guillaume Camirand.

Des données offertes par Nielsen mentionnaient récemment que le marché des protéines végétales avait augmenté de 31 % en 2020 au Canada pour s’établir à 300 millions de dollars et qu’il allait fracasser le milliard de dollars dès 2025. Au pays, Roquette Canada transformera à compter de l’été prochain environ
125 000 tonnes de pois jaunes par année dans sa toute nouvelle usine de plus de 400 millions de dollars construite à Portage-la-Prairie, au Manitoba. Et dans les rayons d’épicerie, les emballages de Beyond Meat et de Maple Leaf ne laissent plus de doute : le phénomène n’est pas passager.

Beaucoup plus modeste, mais résolument inscrit dans la tendance actuelle, l’entreprise SoyXpert à Sherbrooke a commercialisé ses premières briques de tofu biologique en avril 2020 et travaille présentement sur un projet d’agrandissement qui permettra de quadrupler sa production à compter de l’été prochain.

Avec sa conjointe Isabelle Hamel-Bourgeois, Dany Deshaies approvisionne un réseau de 120 marchés d’alimentation, mais ne suffit pas à la demande. « Nous sommes en rupture de stock régulièrement, ce qui fait que nous ne pouvons pas développer le marché », explique le jeune entrepreneur.

D’environ une tonne et demie de soya biologique par semaine, SoyXpert aura besoin de plus de cinq tonnes lorsque ses nouveaux équipements seront en mesure d’entrer en production dans quelques mois. « L’approvisionnement en soya bio n’est pas un problème au Québec. D’autant plus que la dernière récolte a été vraiment bonne », spécifie-t-il. Les données du MAPAQ appuient ses dires, puisqu’elles indiquent qu’en 2018, plus de 200 000 tonnes de soya pour l’alimentation humaine ont été produites, alors que la demande se situait à seulement 5 000 tonnes par année.

Guillaume Camirand et Dany Deshaies attribuent tous les deux une partie de cet appétit grandissant des consommateurs à l’égard des protéines végétales à l’arrivée du nouveau guide alimentaire canadien en 2019 qui accordait enfin leurs lettres de noblesse aux aliments protéinés et aux grains entiers. « Mais il y a aussi une volonté des gens de se rapprocher de la personne qui fait leur nourriture. C’est toute cette tendance de rapprocher le consommateur du producteur qui est en arrière de ça », estime le représentant de la Coop Agrobio.

Le propriétaire de SoyXpert abonde tout en notant l’attention que les gens portent dorénavant à leur alimentation, jumelée à une conscience environnementale revue à la hausse. « Le rapport du tofu vis-à-vis la viande, c’est un impact majeur à propos de la quantité d’eau utilisée pour le produire, de rejet de CO2 dans l’atmosphère, et un produit beaucoup moins cher pour le même nombre de protéines. »

Bernard Lepage, collaboration spéciale