Actualités 5 janvier 2021

Élaborer des vins au Québec : les défis de la latitude

La production vinicole repose en grande partie sur l’obtention de fruits de qualité au champ, puis sur une maîtrise des processus de fermentation. Dans l’est du Canada, la rudesse des hivers ainsi qu’une saison de croissance relativement courte font que des cépages hybrides interspécifiques, issus de croisements entre des vignes européennes et des espèces sauvages nord-­américaines, sont souvent préférés aux cépages traditionnels (Vitis vinifera) cultivés en Europe.

Les cépages hybrides ont surtout été développés en France et aux États-Unis. Ils peuvent survivre aux hivers canadiens et ils ont une meilleure résistance aux maladies, et leurs fruits peuvent mûrir sur une plus courte période. Par contre, leur utilisation dans la production vinicole nécessite une adaptation des méthodes de vinification traditionnelles.

Au Québec, la production vinicole est en plein essor, mais elle comporte aussi son lot de défis. Éliane Martin, diplômée du programme de technologie des procédés et de la qualité des aliments  à l’Institut de technologie agroalimentaire et propriétaire du Domaine Vinéterra à Mont-Saint-Hilaire, a choisi de s’y ­attaquer avec détermination.

Cépages hybrides et vinification

Selon les cépages utilisés et en fonction de la saison, les vins élaborés dans les climats plus frais sont typiquement plus acides et montrent un taux d’alcool moins élevé que ceux développés dans les régions vinicoles traditionnelles. Ces aspects doivent être maîtrisés afin d’obtenir un produit de qualité, apprécié des consommateurs. En collaboration avec l’œnologue Jérémie D’Hauteville, Éliane Martin a mis au point toute une gamme de vins à partir de cépages hybrides cultivés au vignoble, tels que le marquette, le petite perle, le frontenac noir, le vidal, le frontenac blanc, l’acadie blanc et le saint-pépin, dont les assemblages ont permis de créer des vins rosés, blancs et rouges.

Éliane Martin a su progresser rapidement pour arriver à un produit qui allie qualité aromatique, contrôle de l’acidité et maîtrise parfaite des procédés de production. Le choix judicieux des cépages pour l’assemblage ainsi qu’une étape supplémentaire au processus de vinification, à savoir la fermentation malolactique, ont été déterminants pour composer une matière première dont le taux d’acidité est plus prononcé lorsqu’on la compare à ce que l’on trouve dans les cépages dits plus traditionnels.

La fermentation malolactique consiste en une deuxième fermentation dont l’objet est de transformer l’acide malique en acide lactique; ainsi, l’intensité de la note acide a pu être adoucie. « Même si c’est très peu commun pour les blancs autres que le chardonnay, on utilise la fermentation malolactique pour éliminer l’acidité malique. Toutefois, seulement deux blancs – et bientôt un troisième – ainsi que les rouges font l’objet de cette deuxième fermentation », explique la jeune diplômée.

Par ailleurs, une partie importante du processus se déroule en amont. « Pour la production de raisins, nous avons une éolienne qui permet de protéger les bourgeons et les raisins des gelées au printemps et à l’automne. L’hiver, tous nos cépages sont placés sous une toile hivernale. Cela étant dit, nous avons dû changer les tailles de pratiquement tous les cépages, sauf pour ceux qui étaient déjà en taille basse », précise Éliane Martin, pour qui le défi avait commencé bien avant la création du domaine viticole, qu’il est possible de visiter à Mont-Saint-Hilaire. En effet, les premiers essais de vinification ont eu lieu dans le garage de ses parents, aussi propriétaires du Domaine Vinéterra. 

Véronique Fournier, professeure en technologie des procédés et de la qualité des aliments
Institut de technologie agroalimentaire, campus de Saint-Hyacinthe