Serres 10 décembre 2020

Production maraîchère – Transformer ses serres : pas si simple!

En pleine pandémie, des producteurs en horticulture ornementale ont adapté certaines de leurs serres à la culture maraîchère. Vue comme une solution pour améliorer l’autonomie alimentaire au Québec, l’expérience a cependant posé plusieurs défis.

« L’horticulture ornementale et la production de fruits et de légumes, ce sont deux mondes, lance André Carbonneau. Il faut bien s’informer avant de se ­lancer. »

En juin dernier, le producteur de Louiseville a converti une de ses serres pour le maraîchage. Tomates cerises, tomates, poivrons et haricots ont pris la place des vivaces et des annuelles à la fin de sa saison de production ornementale. 

« J’ai préféré y aller à petite échelle pour commencer. J’ai eu une belle récolte. La mise en marché s’est ­toutefois ­révélée plus complexe que prévu. Pour la distribution en épicerie, il faut de gros volumes. J’ai pu distribuer une partie de ma production aux banques alimentaires. Faute de pouvoir les vendre, j’ai finalement donné les légumes à des clients et des amis pour la mise en conserve », explique André Carbonneau.

Culture spécialisée

Malgré ce résultat décevant sur le plan financier, il a déjà décidé de renouveler l’expérience l’an prochain, mais en faisant les choses différemment.

« Je vais cultiver d’autres légumes comme l’aubergine africaine, qui est rare sur nos marchés. J’ai déjà trouvé un acheteur, une épicerie africaine, qui pourra offrir ce produit recherché par sa clientèle. Je vais aussi profiter de l’hiver pour développer un réseau de commerçants. C’est la base si on veut réussir. »

André Carbonneau avait d’autant plus à cœur de prouver que la conversion était une solution porteuse qu’il avait lui-même interpellé le premier ministre François Legault sur les réseaux sociaux au début de la crise sanitaire. Il songeait à cette option avant que la production en serre ornementale ne s’ajoute à la liste des services essentiels.

« C’est une façon de prolonger la saison de production de juillet jusqu’à la mi-octobre, ce qui permet de garder nos employés plus longtemps et d’aller chercher de nouveaux revenus », dit-il.

Un défi d’adaptation

Aux Serres Sylvain Cléroux, qui se spécialisent en production de fleurs annuelles à Laval et à Mirabel, ce sont 10 serres qui ont été converties pour la production maraîchère. La commercialisation n’a pas été un enjeu pour l’entreprise, Moisson Laval ayant acheté en bonne partie la production de tomates, concombres, courgettes, poivrons, melon miel et cantaloup.

« Le principal défi a été l’adaptation des serres, soutient Sandrine Gélinas, contrôleuse. Il a fallu refaire l’irrigation pour être capables de cultiver. Il nous a fallu également installer des équipements sanitaires pour que les employés puissent se laver les mains. »

Au total, l’entreprise a investi 30 000 $ dans l’opération. « On est entrés dans notre argent, mais pas beaucoup plus », précise Mme Gélinas.

« On n’a pas encore décidé si on va le refaire l’an prochain, ajoute-t-elle. Pour vendre nos fruits et légumes en épicerie, il faudrait obtenir les certifications nécessaires, ce qui représente un investissement important. C’est sans parler de la transformation des serres pour cultiver au sol et non sur des tables. C’est une question de rentabilité. On poursuit donc la réflexion. »

« Les producteurs en sont encore au stade de l’expérimentation, commente Claude Laniel, directeur général des Producteurs en serre du Québec. Cela va prendre quelques années avant que la pratique ne soit plus répandue. Beaucoup de choses restent encore à mettre en place. On travaille actuellement avec des associations de détaillants pour faciliter l’accès au marché. Il y aura aussi de la formation qui sera offerte l’été prochain pour aider les producteurs à prendre le virage. »

Il est d’avis que le mouvement devrait se poursuivre même une fois que la pandémie sera chose du passé. 

Sylvie Lemieux, collaboration spéciale