Actualités 12 novembre 2020

Maladie débilitante chronique des cervidés : des répercussions encore palpables

La maladie débilitante chronique des cervidés est le pendant de la maladie de la vache folle ou de la tremblante du mouton. L’altération d’une protéine engendre une dégénérescence irréversible du système nerveux conduisant à la mort. Les individus atteints peuvent contaminer l’environnement ou leurs congénères par les liquides corporels – sang, salive, urine – ainsi que par les fèces. Comme le prion responsable de cette maladie est résistant dans le sol et dans le temps, des inquiétudes subsistent pour la survie de la population de cervidés sauvages.

Au Québec, en août 2018, la découverte d’un cerf rouge de 14 mois démontrant des signes cliniques et ayant été déclaré positif en laboratoire grâce à des tissus prélevés à l’abattoir a sonné l’alarme et créé un véritable tsunami pour l’industrie de l’élevage du cerf rouge dans la province. Cette découverte dans une ferme d’élevage de cerfs rouges a orienté les projecteurs sur l’industrie. Les éleveurs québécois ont alors été pointés du doigt comme étant les responsables et les seuls à pouvoir propager cette maladie.   

Origines

La maladie a été découverte pour la première fois en 1969, au Colorado, parmi les sujets d’une station de recherche faisant des études sur des cerfs-mulets dont des femelles gestantes avaient été capturées dans la faune, puis relâchées après avoir mis bas à l’intérieur de la station. L’idée était de travailler avec des faons plus habitués à ce nouvel environnement, ayant été nourris au biberon, donc plus dociles. La plupart des gens n’ont pas retenu que dans ces cinq premiers cas, il s’agissait de sujets provenant de la faune. Il semble qu’à cette époque, la population nourrissait les cerfs-mulets de la faune avec des moulées contenant des
farines animales et comme pour la vache folle, ce fut l’élément déclencheur.

Des conséquences dévastatrices

Bien que l’enquête de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) n’ait pu identifier la provenance de la maladie au Québec, les conséquences ont été nombreuses et dévastatrices pour le cerf rouge au Québec.

Sous ordonnance, l’extermination du plus gros élevage de cerfs rouges nord-­américain a fait perdre à l’industrie québécoise un partenaire important sur le plan de l’amélioration génétique. Vingt-cinq années de transfert d’embryons et d’insémination artificielle ont ainsi été abattues. 

L’Association a perdu un rayonnement sans pareil. Ainsi, la ferme Cerfs de Boileau, située à Grenville-sur-la-Rouge, dans les Laurentides, qui avait acquis ses lettres de noblesse auprès de la restauration, ne sera jamais plus. Harpur Farms, aussi dans les Laurentides, commercialisait chaque année plus d’un millier de cerfs provenant de son troupeau, certes, mais près de 1 000  cerfs supplémentaires provenant des autres producteurs du Québec y étaient également abattus, vendus et commercialisés.

Les producteurs ont perdu le plus gros, le plus moderne établissement d’abattage fédéral HACCP, pensé et construit expressément en fonction du tempérament de cet animal semi-domestique.

La mauvaise presse a rendu le consommateur méfiant envers le produit à la suite de la destruction de cet immense troupeau. La mise en marché de plus de 3 000 cerfs, abattus d’un seul coup, a colmaté le marché qui a vu les prix et la demande s’effondrer. Avec des revenus inexistants, les éleveurs ont dû garder et nourrir les surplus d’animaux invendus, malgré la rareté et les prix exorbitants des fourrages. 

Actions

Aujourd’hui, les éleveurs peinent encore à écouler leur production. Depuis septembre 2018 toutefois, un prélèvement pour fins d’analyse MDC est fait systématiquement en abattoir sur tous les ­cervidés de 12 mois et plus. Les carcasses sont même retenues tant que les résultats ne sont pas connus. La traçabilité et la rigueur du système ont permis de limiter la propagation. À ce jour, tout permet de croire que nous aurions éradiqué la MDC en territoire québécois, car aucun autre cas n’a été trouvé sur une autre ferme ni dans la faune. Les consommateurs peuvent donc être assurés que la viande de cerf est de qualité et sécuritaire. 

Gaétan Lehoux, président, Association Cerfs Rouges du Québec