Actualités 29 novembre 2020

Mycoplasma synoviae, un agent infectieux bien présent au Québec

Certains agents infectieux sont présents dans le paysage et ne causent généralement que peu de dommages, mais représentent tout de même une menace sous-jacente pour les animaux qu’ils infectent et un potentiel de pertes économiques pour les secteurs impliqués. Mycoplasma synoviae, communément appelé MS, fait partie de cette catégorie. Ce mycoplasme a le potentiel d’infecter les poulets et les dindons, qu’ils soient destinés à la chair ou à la ponte.

Comme pour d’autres mycoplasmes, la manifestation de la maladie peut être évidente ou silencieuse. Les nombreux signes cliniques causés par la maladie s’expliquent par la variabilité de pathogénicité des souches de MS. 

Déceler les symptômes

Les oiseaux infectés par MS demeurent porteurs à vie et puisqu’ils sont possiblement infectieux, les risques de transmission aux oiseaux de leur élevage et des élevages environnants sont d’autant amplifiés.
Les oiseaux infectés par MS demeurent porteurs à vie et puisqu’ils sont possiblement infectieux, les risques de transmission aux oiseaux de leur élevage et des élevages environnants sont d’autant amplifiés.

Lorsque la maladie se manifeste, des problèmes respiratoires sont notés, tels des éternuements, des râles ou des écoulements oculaires et nasaux. Il est aussi possible que les oiseaux souffrent d’arthrite causant des boiteries. Dans les deux cas, des retards de croissance et des baisses de ponte conséquentes peuvent survenir. Certaines souches ont aussi la particularité d’infecter l’oviducte des pondeuses. Dans cette situation, les œufs pondus lors de l’infection peuvent présenter un amincissement de leur coquille et particulièrement de son apex. Un taux accru de fissures et de cassures, pouvant atteindre 25 % de la production quotidienne, guette l’élevage qui en est infecté. À ce jour, les souches de MS causant ce problème n’ont jamais été rapportées en Amérique. Elles sont apparues au début des années 2000 dans les pays européens, pour être ensuite vues sur d’autres continents.

Une bactérie discrète

Au Québec, les souches isolées se montrent souvent discrètes. Leur présence est détectée dans le cadre de programmes de surveillance de routine chez les reproducteurs ou lors de soumission d’oiseaux au laboratoire. Dans cette dernière situation, MS s’avère une surprise dans plusieurs cas. Silencieux, se logeant dans le système respiratoire supérieur des oiseaux, il ouvre la porte aux bactéries et aux virus opportunistes. Les manifestations de sa présence sont irrégulières et révèlent alors différents visages. Une compilation des cas soumis entre 2014 et 2019 au laboratoire du MAPAQ a permis de comptabiliser 22 cas diagnostiqués de MS. Il est à noter que 18 des 22 cas ont été associés au secteur des œufs de consommation, incluant les reproducteurs, les poulettes et les pondeuses commerciales, et les 4 autres au secteur de la chair, autant chez les reproducteurs que chez les poulets ou les dindons.

Au cours des années 2015 et 2016, une contamination par MS s’est produite entre trois élevages situés à proximité l’un de l’autre et n’ayant aucun lien direct entre eux.

Estimer la prévalence de MS dans les élevages

L’Équipe québécoise de contrôle des maladies avicoles (EQCMA) a été interpellée sur cette situation et son comité vétérinaire a proposé de faire une revue de littérature sur le sujet, ainsi qu’une étude de prévalence à l’échelle de la province.

En février 2019, l’EQCMA a reçu du financement du programme Initiatives Agri-risques d’Agriculture et Agroalimentaire du Canada. L’étude a été réalisée entre juin 2019 et mars 2020. Ses objectifs étaient d’estimer la prévalence de MS dans les élevages contingentés du Québec et de comparer les données de production des élevages positifs et négatifs.

Un plan d’échantillonnage a été établi en tenant compte des particularités régionales et de pratiquement tous les types d’oiseaux commerciaux élevés au Québec. Pour les oiseaux allant à l’abattoir, des prélèvements ont été faits en collaboration avec des abattoirs recevant des oiseaux élevés au ­Québec. Pour les poulettes commerciales, les prélèvements ont été effectués au site de production lors du transfert des oiseaux vers les pondoirs. La PCR (réaction en chaîne par polymérase) était utilisée pour décoder le génome du mycoplasme et dès qu’il y avait détection, un séquençage était fait pour identifier la souche. De plus, une lettre était envoyée aux producteurs participant à l’étude pour leur transmettre leurs résultats et leur demander des données de production spécifiques à chaque type d’oiseaux. Elles ont servi à l’analyse de comparaison entre les sites positifs et négatifs.

Présent partout

Cette étude a démontré que MS est présent chez tous les types d’oiseaux et dans toutes les régions du Québec. Des prévalences inférieures à 10 % ont été trouvées dans les différents types de production, à l’exception d’une prévalence beaucoup plus importante chez les pondeuses commerciales.

À la suite du séquençage, quatre types de souches ont été identifiés, dont l’un qui s’est avéré plus prévalent et se retrouvait dans toutes les régions. Concernant la comparaison des paramètres zootechniques, elle a révélé des différences non significatives à marginales entre les élevages positifs et négatifs à MS.

À la suite de ces résultats, il est de mise de se questionner sur ce qui sollicite l’intérêt porté à cet agent. Comme les mycoplasmes peuvent se transmettre de la mère à sa progéniture, un nombre important d’oiseaux peuvent en être infectés dès leur naissance. Sachant que les oiseaux infectés par MS demeurent porteurs à vie et qu’ils sont possiblement infectieux, les risques de transmission aux oiseaux de leur élevage et des élevages environnants sont d’autant amplifiés. Afin de prévenir la transmission de MS entre les élevages, il reste impératif de ne jamais sous-estimer l’efficacité d’une biosécurité courante bien appliquée, que ce soit pour le personnel, les équipements ou les véhicules.

Programme de surveillance

L’EQCMA, avec l’aide de son comité vétérinaire, travaille sur un programme de surveillance et de contrôle de MS pour prévenir l’introduction et l’établissement de nouvelles souches au Québec et minimiser les risques d’infection chez les reproducteurs. De plus, un travail est en cours pour examiner la possibilité d’inclure cette maladie au Régime d’indemnisation des ­maladies avicoles du Québec (RIMAQ), ce qui permettrait de couvrir les pertes et coûts d’un éleveur qui procéderait à son éradication dans son troupeau. 

Dre Nadia Bergeron, chargée de projets à l’Équipe québécoise de contrôle des maladies avicoles (EQCMA)
Dr Ghislain Hébert, chargé de projets à l’EQCMA