Actualités 9 novembre 2020

La culture de la patate douce gagne du terrain

Un nombre croissant de producteurs de pommes de terre mettent depuis peu une petite touche « d’exotisme » dans leur champ en faisant l’essai de la culture de patate douce, un tubercule plutôt habitué aux climats plus chauds et secs.

« Les résultats semblent assez encourageants, surtout avec la nouvelle variété canadienne Radiance », explique Samuel Richard, producteur de pommes de terre et propriétaire avec son frère Gabriel de Proculteur et Pro-bio, à Saint-Léonard-d’Aston au Centre-du-Québec.

Ils en sont à leur deuxième année d’essais de culture de la patate douce, mais la première à grande échelle sur une superficie de 16 acres répartie dans deux champs, l’un biologique de 6 acres et l’autre conventionnel.

Les deux frères explorent cette avenue comme culture de remplacement dans le processus de conversion de leur terre en mode biologique. « On envisage d’essayer d’autres cultures – ail, oignon, carotte –, mais la patate douce reste notre premier choix », explique Samuel Richard. Son frère et lui connaissent bien l’ampleur de la tâche qui les attend. À elle seule, l’opération de piquage des boutures au début du mois de juin a été un véritable défi, rappelle Samuel.

« On dispose d’une période maximale d’une semaine entre la coupe des boutures provenant de Caroline du Nord et leur plantation, qui doit se faire manuellement parce qu’elle se fait sous pellicule de plastique. On a fait appel à une quarantaine de personnes – des travailleurs étrangers, des jeunes et des membres d’équipes sportives locales – pour nous donner un coup de main », précise-t-il.

Dans le seul champ bio, 87 000 boutures ont ainsi été plantées. L’an dernier, c’était 3 000 boutures. « Il y a vraiment des conditions très strictes à respecter pour garantir le succès de la culture, explique l’agronome Gilles Hamel. La patate douce est un tubercule très ­sensible au froid. Il faut prendre garde au gel, tardif au printemps et hâtif à l’automne, qui peut compromettre la croissance. » L’agronome suit de près l’expérience de la famille Richard et de quelques autres producteurs, en Montérégie et dans Lanaudière notamment, qui ont semé sur une plus petite superficie en conventionnel.

Mais la culture de la patate douce, si elle est marginale au Québec, n’est pas nouvelle. Depuis presque 20 ans, la Ferme Onésime Pouliot, de l’île ­d’Orléans, a développé une expertise en la matière.

Plus consommée qu’avant

Les données du ministère de l’Agriculture du Québec font état d’une consommation de patates douces en croissance constante au Canada, une progression qui a atteint environ 90 % entre 2006 et 2010. Pour satisfaire à la demande, le pays en a importé, en 2015, tout près de 52 millions de kilos provenant principalement des États-Unis. L’Ontario est le principal producteur au pays et fournissait 14 000 tonnes métriques il y a quelques années. Il y a donc une demande, mais les producteurs font face au défi de la commercialisation.

« Évidemment, les légumes du Québec sont plus chers parce que les coûts de production sont plus élevés, explique Gilles Hamel. On n’a qu’à penser à l’opération de plantation manuelle sous paillis de plastique noir biodégradable. Le contexte pourrait cependant être favorable aux producteurs avec le discours entourant l’autonomie alimentaire du Québec et la promotion de l’achat local. Il faut que les producteurs assurent un approvisionnement constant. »

Les Richard ont choisi de faire leur propre mise en marché. « On voudrait être autonomes, avoir nos clients », dit Samuel Richard, qui confirme avoir réussi à « entrer » dans une petite chaîne de supermarchés spécialisés.