Forêts 21 octobre 2020

Un cauchemar qui ne finit plus pour les érablières commerciales

Tout était fin prêt pour amorcer la saison des sucres. Plusieurs érablières commerciales avaient même déjà commencé à accueillir des clients et les cahiers de réservations continuaient à se remplir. Puis la pandémie de COVID-19 a frappé. Tandis qu’on éponge encore les pertes, l’avenir demeure toujours incertain.

La directrice de l’Érablière le Chemin du Roy, Rose Boissonneault, gère ses journées « au cas par cas » et tente de s’adapter avec philosophie à sa nouvelle réalité. Photo : Gracieuseté de l’Érablière le Chemin du Roy
La directrice de l’Érablière le Chemin du Roy, Rose Boissonneault, gère ses journées « au cas par cas » et tente de s’adapter avec philosophie à sa nouvelle réalité. Photo : Gracieuseté de l’Érablière le Chemin du Roy

Pour bien des Québécois comme pour de nombreux ­touristes, s’offrir un repas traditionnel de cabane à sucre fait partie des incontournables du printemps. Sur tout le territoire, quelque 220 producteurs acéricoles possèdent un établissement de type restaurant. En mars, ils étaient à l’œuvre pour recevoir le flot joyeux des convives : le personnel était en place et l’inventaire des denrées, à son maximum.

« J’étais en plein travail quand un client, qui venait de voir tomber la nouvelle, m’a annoncé que ce serait notre ­dernier service. Ensuite, tout s’est arrêté et ceux qui avaient réservé ont annulé. Dans nos congélateurs, nous avions 1 500 pâtés à la viande pour parer à la période la plus achalandée », raconte Rose Boissonneault, directrice de l’Érablière le Chemin du Roy, située à Saint-Augustin-de-Desmaures.

Copropriétaire de l’Érablière du Cap, à Lévis, Jean-Paul Tardif a lui aussi vu sa saison prendre fin abruptement. « Notre cahier était très avancé au mois de mars. Quand la pandémie a été déclarée et que le gouvernement a demandé la première journée qu’on diminue à 250 personnes, la deuxième, qu’on soit limité à 50 % de la capacité totale et que le troisième jour, c’était final, tous les clients ont annulé. »

Pour le bien commun, la crise sanitaire a imposé la ­fermeture des cabanes à sucre commerciales au pire ­moment puisque celles-ci tirent la majorité de leurs ­revenus annuels de la fin février à la fin d’avril. Les ­établissements ont par le fait même été privés de la très lucrative fin de semaine de Pâques. Si certains se sont lancés dans les repas pour emporter, la formule n’a servi qu’à amoindrir les pertes.

Des entreprises en péril

« Chez nous, plus de 30 000 repas par année sont servis, dont 20 000 entre mars et avril. Présentement, pour ­garder l’établissement fermé, ça coûte 30 000 $ par mois. Heureusement, nous avions provisionné des sommes pour faire des grands travaux en 2020. Si on me dit que le bout de tout ça sera le 31 décembre, je vais être ­encore là; si c’est le 31 juillet 2021, je ne crois pas pouvoir », ­révèle M. Tardif.

Les propriétaires de salles à manger ouvertes à l’année, qui ont dû faire le deuil de leur haute saison, n’ont donc pu profiter du déconfinement pour récupérer les sommes perdues. D’autant que plusieurs mariages et autres ­rassemblements ont été annulés et que la clientèle touristique n’est pas au rendez-vous. Il faut en effet se souvenir que les cabanes à sucre sont des figures de proue de l’agrotourisme.

« Environ la moitié de nos clients sont des touristes. À ce temps-ci de l’année par exemple, j’accueille habituellement 25 autobus dans ma journée. Actuellement, à part les groupes privés, il n’y a aucune affluence qui justifie l’ouverture. Et comme on peut recevoir seulement 60 personnes plutôt que 200, on ne couvre pas nos frais. Mais on a espoir pour Noël », confie la directrice de l’Érablière le Chemin du Roy.