Bio 2 octobre 2020

Normes de production biologique : aperçu des révisions de 2020

Faisant l’objet de vifs échanges depuis deux ans, la plus récente actualisation de la Norme biologique canadienne devrait paraitre dans son intégralité au courant de l’automne. Cette nouvelle mouture comportera plusieurs assouplissements, entre autres pour la production de cultures annuelles en parallèle et la nourriture des animaux d’élevage, mais également de nouvelles exigences, notamment en ce qui concerne les aménagements pour la volaille.

« La section de la norme la plus difficile à réviser, c’est la production d’animaux d’élevage! Le bien-être animal, c’est devenu tellement sensible comme sujet! », rapporte Nicole Boudreau, coordonnatrice de la Fédération biologique du Canada et qui en est à sa troisième participation au processus de révision des normes.

La volaille sera particulièrement traitée aux petits oignons avec les mesures de la mouture à venir, qui incluent de nouvelles exigences pour le couvert aérien pour tout type de poules ainsi que l’accès aux vérandas enrichies pour les pondeuses.

« Les poules ont accès à l’extérieur, mais souvent, elles ne sortent pas. Ce n’est pas parce que le producteur ne veut pas, c’est parce qu’elles sont craintives de nature », souligne Mme Boudreau. Ainsi, avec un couvert aérien plus important et fonctionnel, les oiseaux craindront moins les prédateurs et pourront plus facilement se protéger du soleil, ce qui les encouragera à passer plus de temps au grand air.

M. Lefebvre a opté pour un couvert naturel assuré par des arbres, mais les nouvelles normes permettront également les couverts artificiels, comme des toiles ou des remorques, par exemple.
M. Lefebvre a opté pour un couvert naturel assuré par des arbres, mais les nouvelles normes permettront également les couverts artificiels, comme des toiles ou des remorques, par exemple.

Les pondeuses, en particulier, devront avoir accès à une véranda enrichie, aussi appelée « jardin d’hiver », soit une extension couverte ajoutée au poulailler. Elle comporte un éclairage naturel et un climat semblable à l’extérieur, mais est protégée des intempéries. Cet espace devra également offrir des enrichissements tels que des perchoirs, des balles de foin ou des objets à picorer, qui favorisent les comportements naturels des oiseaux. Ceux-ci ont alors moins tendance à adopter des comportements antisociaux comme le picage de plumes.

Dans les deux cas, les producteurs auront quelques années pour soumettre leur plan d’aménagement. « Il faut laisser le temps aux producteurs de s’adapter! Ça peut représenter beaucoup d’investissements et certains vont devoir repenser leurs bâtiments… On ne peut pas demander à tout le monde d’arriver à faire ça en quatre saisons! », indique Serge Lefebvre, agronome et président de la Ferme St-Ours, qui représente les producteurs d’œufs dans le processus de révision des normes 2020.

Plusieurs assouplissements

Si certaines normes se resserrent pour le bien-être de la volaille, les lignes directrices se montreront bien plus accommodantes sur d’autres aspects en lien avec les animaux d’élevage, dont l’alimentation.

La pandémie et les difficultés d’approvisionnement qu’elle a causées sont survenues juste à temps pour relever l’importance de modifier la clause concernant l’alimentation en cas d’urgences. Ainsi, au lieu de permettre de nourrir les animaux d’aliments jusqu’à 100 % non biologiques pendant un maximum de 10 jours, comme dans la norme de 2015, il sera dorénavant possible de donner 30 % de nourriture non biologique pendant 30 jours.

« Ça revient au même, c’est la même quantité d’aliments non bio, mais c’est juste réparti différemment, donc ça donne plus de temps aux producteurs », fait remarquer Mme Boudreau.

Encore à propos de la production animale, mais cette fois du côté des vaccins, il sera dorénavant permis d’utiliser des vaccins produits à l’aide du génie génétique dans certains cas.

« Le bio cherche à réduire la médication aux animaux d’élevage, incluant de ne pas utiliser d’antibiotiques, alors l’accent est mis sur la prévention, et donc les vaccins… Sauf que certains des vaccins 100 % conformes aux normes actuelles [sont de plus en plus difficiles à trouver, ou ne se font simplement plus], alors dans ces cas-là, on n’a plus le choix! Les technologies sont tellement développées maintenant, si on garde les mêmes règles, le bio va être forcé de disparaitre », explique la coordonnatrice, en insistant que les producteurs biologiques cherchent toujours à faire pour le mieux.

Puisqu’il devait obligatoirement avoir des cultures distinguables visuellement pendant sa transition, Mathieu Strebel a produit un soya à hile brun (à gauche) plutôt que celui à hile clair (à droite) qu’il utilise habituellement pour ses cultures biologiques.
Puisqu’il devait obligatoirement avoir des cultures distinguables visuellement pendant sa transition, Mathieu Strebel a produit un soya à hile brun (à gauche) plutôt que celui à hile clair (à droite) qu’il utilise habituellement pour ses cultures biologiques.

Faciliter la conversion des terres

Autre mesure assouplie, dans les champs cette fois : des cultures annuelles biologiques et non biologiques visuellement identiques pourront être produites en parallèle, sous certaines conditions, afin d’encourager la conversion. Cette permission s’appliquera toutefois aux producteurs déjà certifiés seulement.

« Le bio nécessite déjà un certain apprentissage, c’est une autre façon de faire les choses. Il faut que l’exploitant soit aguerri et sache bien comment pratiquer, comment manipuler, comment entreposer – surtout si les cultures sont visuellement impossibles à distinguer. Dans l’esprit de la norme, il faut que les gens soient déjà entraînés avant de se lancer dans la culture parallèle », rapporte Nicole Boudreau.

Cette modification arrive malheureusement trop tard pour le producteur laitier et de grandes cultures Mathieu Strebel, copropriétaire de la Ferme Strebel et fils à Saint-Blaise-sur-Richelieu, qui vient de terminer la conversion d’une terre récemment acquise.

Celui-ci aurait aimé y produire le même type de soya que sur ses terres bio, en le vendant à valeur ajoutée sans OGM. Il avait alors proposé à son organisme de certification un plan de distinction détaillé prouvant qu’il n’y aurait aucun risque de mélanger les deux récoltes, mais rien à y faire, c’était malgré tout interdit par la norme.

En fin de compte, il a été contraint de cultiver une autre variété visuellement distinguable sur ses terres en transition, puis de la garder plusieurs mois dans ses silos avant d’arriver à la vendre sur le marché conventionnel, c’est-à-dire pour un revenu moindre. « Les nouvelles mesures vont vraiment faciliter la vie à ceux qui veulent faire une transition correcte! », estime-t-il. 


En résumé
– certaines des modifications de la mouture 2020 :

  Alimentation des animaux d’élevage :  Plusieurs changements concerneront l’alimentation des animaux d’élevage. Ils pourront, par exemple, être nourris de 30 % d’aliments non biologiques pendant 30 jours consécutifs lors d’un cas de force majeure (telle que la COVID-19). D’autres assouplissements concernant le fourrage seront également en vigueur en cas de pénuries, de sécheresses et d’autres situations d’urgence locales. En outre, l’usage de lysine et de méthionine de sources non biologiques sera autorisé pour les animaux monogastriques, comme les porcs puisque cela permet de réduire le volume de lisier produit.

  Apiculture : Afin d’éviter la trop grande perte d’abeilles durant les longs hivers canadiens, il est permis de donner du sucre aux abeilles, tant que les réserves de nourriture accumulées par les abeilles (miel, pollen…) demeurent leur source principale de nourriture. Lorsque le sucre biologique n’est pas disponible, le producteur peut utiliser du sucre non biologique non issu du génie génétique (cet aspect sera réexaminé pour les normes de 2025).

  Biodiversité : L’accroissement et le maintien de la biodiversité ne sera plus seulement une recommandation, mais bien une exigence. Les exploitants biologiques devront démontrer quelles mesures concrètes ils ont mis en place pour favoriser la biodiversité, comme l’aménagement de zones sauvages ou de bandes de plantes à fleurs.

  Phosphore : En alternative à l’utilisation du phosphore provenant de la roche phosphatée, qui est une ressource non renouvelable, les exploitants biologiques pourront désormais recycler le phosphore à partir de sources organiques animales ou végétales, incluant les déjections animales, mais excluant les boues d’épuration.

• Production parallèle : Les exploitations biologiques déjà existantes pourront produire des cultures annuelles biologiques et non biologiques en parallèle pendant la conversion de terres ajoutées à l’exploitation. Ces cultures pourront être visuellement identiques dans les 24 derniers mois de la conversion, à condition d’être récoltées et entreposées séparément, registres à l’appui.

• Volaille : D’une part, les parcours extérieurs pour les volailles devront comporter une superficie minimale de 10 % de couvert aérien (arbres, toile…) afin de procurer ombrage et protection aux oiseaux, ce qui les encouragera à profiter davantage de cet espace. D’autre part, les poules pondeuses devront avoir accès à des vérandas enrichies lorsqu’elles ne peuvent aller à l’extérieur en raison de la météo ou de contraintes sanitaires.

La Fédération biologique du Canada publie des documents expliquant les détails et les conditions de ces changements à venir, au organicfederation.ca/fr/travaux-de-r-vision-2020-de-la-norme-biologique-canadienne

D’autres ébauches des pratiques révisées y seront ajoutées au courant des prochaines semaines. L’Office des normes générales du Canada devrait pour sa part présenter l’entièreté des normes révisées durant l’automne 2020, remplaçant ainsi les normes publiées en novembre 2015.

Dominique Wolfshagen, collaboration spéciale