Actualités 27 août 2020

L’analyse de sol à l’heure de l’agriculture de précision

Préalable au travail de la terre, l’analyse du sol menant à la conception d’un Plan agroenvironnemental de fertilisation (PAEF) a pris, depuis quelques années, un virage résolument numérique.

Traditionnellement, l’analyse du sol était basée sur des prélèvements récoltés sur une surface de 10 hectares, puis mélangés en un échantillon duquel étaient calculées des moyennes pour le pH ainsi que les éléments majeurs, secondaires et mineurs. En fonction de la culture qui allait y être implantée le printemps suivant, le PAEF était ensuite élaboré afin de combler les carences observées à l’aide de chaux, de fumier ou d’engrais minéraux selon les besoins. 

« La tendance dans les analyses de sol est maintenant rendue dans ce qu’on appelle l’agriculture de précision à l’aide de la géolocalisation, explique Josy Belzil, experte-conseil chez ­Sollio Agriculture. On va quadriller le champ et faire, par exemple, un échantillon à tous les hectares. On se rend compte alors qu’une partie de mon champ est très acide et l’autre, parfaite pour la culture. On peut ainsi faire des recommandations d’application de chaux, de potasse, de phosphore à taux variable. »

Un enfouissement  de la chaux à une profondeur de 20 à 25 cm convient pour la majorité des cultures. Photo : Shutterstock
Un enfouissement de la chaux à une profondeur de 20 à 25 cm convient pour la majorité des cultures. Photo : Shutterstock

L’utilisation de cartes de rendement est aussi un nouvel outil ­faisant partie de l’arsenal de l’agriculture de précision. « Nous avons des cartes satellites de certains de nos clients qui remontent à il y a dix ans. En les superposant, on constate par exemple qu’il y a une zone avec de mauvais rendements constants. On va donc mettre un point GPS là-dessus et procéder à un échantillonnage de sol. On va alors constater que le pH est bon mais il y a un problème de drainage, de compaction ou autres. » Des cartes similaires sont aussi utilisées pour comparer la variabilité des taux de pH, de phosphore, de potassium au fil des ans.

L’analyse de sol traditionnelle demeure toutefois de mise dans certains cas explique l’agronome. « Pour un producteur de culture fourragère, par exemple, dont la production sert à nourrir ses animaux, ça sera peut être moins pertinent que pour les grandes cultures comme le maïs ou le soya où l’agriculture de précision peut permettre des gains de rendement de 0,1 ou 0,2 tonnes à l’acre quelquefois. »

À quel moment pour l’analyse de sol?

Il n’y a pas de temps précis pour procéder à une analyse de sol mais, par contre, il est recommandé de ne pas attendre juste avant le travail du sol afin d’avoir son PAEF en mains pour être en mesure d’appliquer ses recommandations.

« Il peut y avoir des variations dans le pH en cours de saison, mais moins au niveau des autres éléments. L’important au final, c’est de le faire à la même période de l’année que la fois précédente. Donc, si on a fait les prélèvements au printemps il y a cinq ans, on fait pareil cette fois-ci. On est ainsi en mesure de comparer les informations dans le même temps de l’année », note Josy Belzil.

Un exemple d’une image montrant la variabilité du taux de pH dans un champ. Avec cette précieuse information, des recommandations à taux variable d’épandage de chaux pourront être inscrite dans le PAEF.
Un exemple d’une image montrant la variabilité du taux de pH dans un champ. Avec cette précieuse information, des recommandations à taux variable d’épandage de chaux pourront être inscrite dans le PAEF.

Les opérations de chaulage sont évidemment les premières à entreprendre puisque l’ajustement du pH est préalable à ce que le sol puisse absorber adéquatement les matières fertilisantes introduites par la suite. Au ­Québec, il est recommandé de viser un pH entre 6,5 et 6,7 pour la majorité des cultures. Un chaulage est recommandé lorsque le pH descend de 0,3 à 0,4 unités sous le pH cible.

Un enfouissement de la chaux à une profondeur de 20 à 25 cm convient pour la majorité des cultures. Comme le pH est l’un des éléments les plus variables dans une même superficie, la prise d’échantillons géoréférencés en vue d’une application de chaux à taux variable est fortement recommandée.

Enfin, comme le temps de neutralisation de la chaux est relativement  long (environ 23 semaines en conditions de laboratoire), l’opération de chaulage est évidemment recommandée à l’automne, encore plus pour les sols à l’acidité très prononcée.

Le chaulage sous la loupe d’un chercheur

Professeur à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation à l’Université Laval, le Dr Lofti Khiari est à la tête d’une équipe qui réévalue complètement le système de recommandation d’application calcique ­présentement en vigueur au Québec.

« Le système actuel de recommandation et de diagnostic n’est pas très fiable, note le chercheur en entrevue téléphonique. Il a été établi dans les années 1940 et a été mené sur des sols extrêmement acides. Ce qui fait que les recommandations faites aux producteurs sont souvent exagérées pour la plupart des sols. »

Autre élément en faveur d’une révision du système actuel : la qualité et les variantes de chaux disponibles sur le marché. Le guide de fertilisation du CRAAQ qui sert de référence pour émettre les recommandations de chaulage ne tient pas compte de cette diversité souligne le spécialiste en gestion du sol. « Les critères que nous utilisons ici sont très faibles par rapport à l’Europe où on a introduit d’autres indicateurs beaucoup plus intéressants pour déterminer la qualité de la chaux. »

Mené en collaboration avec le Conseil de recherches en sciences naturelles et génie Canada, le projet Système de diagnostic de l’acidité, de la qualité des amendements et de recommandation d’application calcique (DAQARA) se terminera en 2024, mais le Dr Khiari prévoit dévoiler une première version du nouveau système de recommandations dès décembre 2021. « Nos essais en serre et en incubation ont pu continuer malgré la Covid-19 », se réjouit-il.

Bernard Lepage, collaboration spéciale