Actualités 1 septembre 2020

Les leçons à tirer de la pandémie

La crise de la COVID-19 a testé comme jamais auparavant la performance de la chaîne de distribution agroalimentaire québécoise et canadienne. Le constat? « Notre système est sécuritaire, efficace et ultra performant, mais il est peu résilient face aux changements soudains », explique Anja Geitmann, professeure et doyenne de la Faculté de l’agriculture et des sciences de l’environnement de l’Université McGill.

La fermeture des restaurants, les éclosions dans les usines de transformation, la fermeture des frontières et la pénurie de main-d’œuvre étrangère ont perturbé l’industrie alimentaire dès le début de la pandémie. Et quand un maillon brise, tous les autres écopent, signale la biologiste.

De fausses pénuries

Anja Geitmann. Photo : Tom DiSandolo
Anja Geitmann. Photo : Tom DiSandolo

Par exemple, au Canada, 85 % de la viande bovine est transformée dans trois usines. Cette concentration des activités de transformation dans quelques installations permet de faire baisser le prix des aliments, mais rend la chaîne de distribution plus fragile aux turbulences. Deux usines ont dû fermer après des éclosions de COVID-19, tandis qu’une autre a réduit considérablement ses activités pour respecter les règles de distanciation. L’effet s’est fait tout de suite sentir dans les restaurants et les épiceries, qui ont fait face à des ruptures de stock.

« Les pénuries d’œufs, de viande ou de farine n’étaient pas dues à un manque de produits, mais plutôt à des perturbations dans la chaîne de distribution », explique Anja Geitmann. D’ailleurs, après quelques semaines, l’équilibre a été rétabli et les épiceries ont pu se réapprovisionner normalement.

Manque d’ouvriers

La fermeture des frontières a aussi causé son lot de problèmes. Plusieurs travailleurs étrangers engagés annuellement pour prêter main-forte aux producteurs québécois n’ont pu se rendre au Canada. « Ce n’est pas évident de remplacer ces ouvriers par de la main-d’œuvre québécoise, explique la chercheuse. Par exemple, les Guatémaltèques ont une expertise dans la fécondation des arbres fruitiers par les abeilles qui est difficilement trouvée ici. » Et même si le gouvernement québécois a mis en place un système pour recruter du personnel agricole localement, ce n’était qu’une mesure temporaire. Les agriculteurs ont dû jongler avec le fait qu’ils perdaient leur main-d’œuvre à mesure que les Québécois retrouvaient leur emploi habituel.

Se préparer aux changements

« La pandémie nous a appris que notre système de distribution agroalimentaire doit être plus résistant aux chocs, conclut Mme Geitmann. Il faut se préparer notamment à l’impact des changements climatiques et de la perte de biodiversité. Ce sont des changements lents, mais qui demandent des ajustements dès maintenant. » 

Où étaient les œufs?

Plusieurs commerces ont manqué d’œufs au début de la pandémie. Pourquoi? « Les œufs destinés aux restaurants et aux épiceries sont emballés différemment, explique Anja Geitmann. Une fois les restos fermés, il y a eu un délai avant que la chaîne de distribution s’ajuste et redirige les œufs vers les tablettes des supermarchés vidées par les consommateurs. »

Nathalie Kinnard, Agence Science Presse