Économie 18 août 2020

Des producteurs pestent contre la méthode de calcul de l’assurance récolte

Le premier versement de 21,3 M$ par la Financière agricole du Québec aux producteurs de foin et de pâturages n’est pas passé comme une lettre à la poste. Des agriculteurs demandent une révision complète du programme pour que les primes reflètent mieux leurs pertes réelles.

Le producteur laitier Fred Saint-Jean a dû se contenter d’un premier versement de 1100 $. Photo : gracieuseté de Fred Saint-Jean
Le producteur laitier Fred Saint-Jean a dû se contenter d’un premier versement de 1100 $. Photo : gracieuseté de Fred Saint-Jean

Fred Saint-Jean dissimule mal sa colère. La semaine dernière, ce producteur laitier de Sainte-Françoise, dans le Bas-Saint-Laurent, a reçu un premier versement de 1100 $ de la Financière agricole pour compenser les dommages causés par la sécheresse. C’est nettement moins que ce à quoi il s’attendait, puisqu’il a connu une baisse de rendement d’au moins 70 % par rapport à sa moyenne lors de la première coupe. « C’est le désespoir le plus total! Comment vais-je trouver les 50 000 $ dont j’ai besoin pour le fourrage de mes vaches cette saison? Avec 1100 $, je peux tout juste me payer le transport d’un voyage de foin », se désole-t-il.

La Financière agricole aurait plutôt évalué ses pertes à 20 % en s’appuyant sur une moyenne des données recueillies aux stations météorologiques de deux villages voisins. Une fois la franchise de 15 % soustraite, seulement 5 % des pertes sont compensées. « C’est injuste que le système de compensation se base sur les données d’une autre municipalité. Depuis plusieurs années, les précipitations sont très localisées. Je n’ai pas commis d’erreur de gestion culturale. Tous mes voisins sont dans la même situation. »

Fred Saint-Jean s’insurge également contre la méthode de calcul du prix du foin, évalué à 168 $ la tonne. « Le foin se vend toujours de 200 à 300 $ la tonne, sans compter le transport. Leur méthode de calcul est passée date. » Il a dû puiser dans ses économies pour acheter du foin en Beauce, mais il ignore ce qu’il adviendra de son troupeau. « On va probablement se départir de certaines vaches. »

Pour une révision du programme

Sur les réseaux sociaux, nombreux sont les agriculteurs à faire état des grandes disparités entre l’évaluation de la Financière et les données du terrain. « Ça fait des années qu’il n’y a pas eu de changements positifs dans la formule de la Financière agricole », déplore Nancy Favreau. La productrice de foin de commerce de Val-Joli, en Estrie, a reçu un chèque de 17 000 $ pour une perte de rendement qu’elle évalue à 250 000 $. « J’ai enregistré une baisse de 40 % sur ma première coupe, mais la station située à Melbourne dit que c’est plutôt 19 % de perte. »

La productrice souhaiterait que le programme d’assurance récolte tienne compte des réalités de chaque ferme, comme les données de production et la régie de culture. « Ça ne me dérangerait pas de payer plus cher de cotisations si j’ai la garantie que l’assurance va me couvrir de façon réaliste. Là, j’ai l’impression qu’on rit de nous autres. Ça prend une révision de fonds en comble du programme. »

Méthode de calcul des pertes

Interrogé sur la question, La Financière répond que la méthode d’évaluation des pertes de l’assurance récolte Foin et pâturage, calculées collectivement pour l’ensemble du territoire desservi par une station météo, a été mise en place en 2016 en collaboration avec l’Union des producteurs agricoles et auditée par deux firmes indépendantes à l’automne 2018. La méthode a cependant été ajustée depuis à la suite de commentaires de producteurs.

Selon l’option choisie par le producteur, la première coupe représente de 50 à 70 % du volume total assuré. « Par exemple, pour un producteur ayant choisi une option à trois fauches et une date de début des récoltes avant le 16 juin, la première fauche représente 50 % de son volume assuré. Ainsi, un taux de perte de 40 % constaté à la première fauche correspond à une perte de 20 % sur l’ensemble de son volume assuré (40 % de perte x 50 % du volume total = 20 % de perte) », a-t-on indiqué à La Terre. La Financière précise toutefois que le premier paiement annoncé le 10 août ne tient pas compte des situations particulières et exceptionnelles des producteurs et qu’à cet effet, des analyses complémentaires étaient en cours.

En ce qui concerne la valeur de remplacement, elle sera mise à jour à l’automne à la suite d’une enquête du Centre d’étude sur les coûts de production en agriculture concernant le prix du foin.

Rappelons que le nombre d’avis de dommages causés par la sécheresse est particulièrement important cette année. Depuis le début de la saison, la Financière agricole a enregistré 2488 avis contre 209 pour le même motif à pareille date l’an dernier. 

Avec la collaboration de Myriam Laplante  El Haïli