Actualités 25 août 2020

La nanotechnologie pour combattre les infections à la ferme

Quand on entre dans l’univers de l’infiniment petit, les éléments présentent de nouvelles propriétés parfois inattendues. Ce sont ces caractéristiques inédites et leur potentiel pour le contrôle des infections à la ferme qu’étudie Saji George, professeur agrégé au Département des sciences alimentaires et de chimie agricole de l’Université McGill.

Un nanomètre équivaut à un milliardième de mètre, puis une nanoparticule mesure entre 1 et 100 nanomètres. Le nombre d’atomes à la surface d’une particule si petite est très grand, ce qui augmente sa réactivité, voire sa conductivité ou sa solidité, et peut même changer sa couleur.

« Bien que la composition chimique soit la même, dépendamment de la taille, on sait que les propriétés [d’un élément] sont différentes », explique le chercheur, qui est titulaire la Chaire de recherche du Canada en nanotechnologie durable pour l’alimentation et l’agriculture. Par exemple, les nanoparticules d’argent présentent des propriétés antibactériennes.

« La nature est maître de l’efficacité », dit-il, et on peut s’en inspirer pour optimiser les pratiques agricoles et développer des nanotechnologies qui reflètent la « perfection de la biologie ».

Saji George
Saji George

Cibler les infections

Saji George et son équipe analysent actuellement des souches d’E. coli, ainsi que des streptocoques et des staphylocoques provenant de fermes laitières et porcines québécoises, afin d’identifier les mécanismes de résistance bactérienne qui y prévalent.

« Nous devons connaître notre ennemi avant de développer notre arsenal contre lui », indique le professeur.

La prochaine étape : concevoir une nanocapsule qui contient un agent antimicrobien, comme un ion d’argent, et un agent qui désactive les défenses des bactéries.

Cette nanocapsule peut être conçue pour s’attacher aux bactéries visées ou au tissu infecté, comme dans le cas d’une inflammation du pis (mammite) par exemple. L’antibiotique est ainsi « plus ciblé, plus efficace et très concentré à l’endroit où les bactéries se cachent », précise Saji George. « L’efficacité est améliorée parce que le médicament n’est pas dilué dans le sang, ajoute-t-il. On en administre la quantité requise, à l’endroit où c’est requis. »

En aquaculture, administrer un vaccin peut s’avérer un casse-tête coûteux; injecter les poissons un à un est irréaliste pour les grands élevages.

« On peut concevoir une nanoparticule qui irait s’autoinjecter », explique le chercheur. En nageant dans un réservoir contenant cette « nanoseringue », les poissons assimilent le vaccin à travers leurs branchies ou leur estomac.

Après avoir développé un nanovaccin pour un aquaculteur de Singapour, Saji George cherche maintenant des partenaires au Québec pour poursuivre ce genre d’études.

Bien conscient que l’industrie agro-alimentaire a une « très petite marge de profit », le chercheur mentionne que la nanotechnologie destinée aux fermes pourrait être fabriquée à partir de matériaux abordables, comme l’argile et la silice.

Une toxicité à surveiller

« Il y a des phénomènes biologiques inattendus liés aux nanomatériaux », reconnaît Saji George. Une partie de ses recherches porte d’ailleurs sur le comportement des nanoparticules dans l’environnement et leur possible effet toxique sur l’humain et les animaux, principal frein au développement des nanotechnologies.

Carine Touma, Agence science-presse