Actualités 19 juin 2020

Robotisation : le jeu en vaut-il la chandelle?

En 2001, René Carmel et son frère François ont été les premiers en Amérique du Nord à installer le système de traite volontaire DeLaval VMS. Dix-sept ans plus tard, leur fidèle robot franchissait le cap du million de traites. Alors que les performances du troupeau n’ont jamais été aussi bonnes, les Carmel ne regrettent pas leur investissement.

Les coûts d’entretien

Les frais d’entretien du robot de traite doivent être pris en considération dans le calcul de la rentabilité. Selon le directeur pour l’Est du ­Canada chez BouMatic Robotics, Mario Gladu, un producteur doit calculer de 5 000 $ à 10 000 $ par année pour entretenir son robot. En comparaison, une salle de traite entraîne des coûts d’entretien d’environ 2 500 $ annuellement.

Plus le robot vieillit, plus il a besoin d’entretien. René Carmel en sait quelque chose, lui qui a gardé son premier système de traite pendant 17 ans. En 2015, la facture d’entretien de son robot s’est élevée à plus de 25 000 $. Le producteur savait alors qu’il devrait bientôt faire l’acquisition d’un nouveau robot.
Depuis 2018, les Carmel sont donc propriétaires du nouveau VMS V300 DeLaval, équipé du Herd Navigator.

Les frères Carmel ont fait le saut vers la traite robotisée alors que leur étable devenait désuète. À l’époque, les deux producteurs situés à l’Ange-­Gardien, en Montérégie, ont dû débourser 750 000 $ pour construire en neuf, incluant le robot de traite. 

« Aujourd’hui, pour une ferme de 50 à 60 vaches, on parle d’un investissement d’environ 1,2 M$ pour un projet clé en main, incluant le robot, la stalle de gestion du fumier, la ventilation, la nouvelle bâtisse, etc. », estime l’agronome, expert en production laitière – traite robotisée et conseiller stratégique chez Valacta, Gervais Bisson. Le prix peut diminuer un peu si le producteur est en mesure de réaliser certains travaux lui-même.

Dans certains cas, il est possible d’installer un robot de traite dans une étable existante, à condition de modifier la structure intérieure. On parle alors d’un investissement de 300 000 $ à 800 000 $, incluant les rénovations et l’achat du robot.

« C’est assez rare qu’on voie ça, parce que c’est plus compliqué, surtout quand on passe d’une stabulation entravée à libre, mentionne le conseiller spécialisé en robotique pour Sollio Agriculture, Hugues Ménard. Tout dépend de l’état de la bâtisse d’origine. »

Une question de productivité

Pour rentabiliser cet investissement majeur, il faut jouer sur la productivité. « Quand on passe de la stabulation entravée à libre avec un robot de traite, on récupère de quatre à six minutes de traite par vache. Pour un troupeau de 60 vaches, ça représente de quatre à six heures par jour », calcule Gervais Bisson. C’est ce qui permet à un troupeau de passer de deux à environ trois traites par jour. « C’est là qu’on verra un gain en production », indique-t-il.

Attention, prévient toutefois Hugues Ménard, puisque trois traites avec un robot ne sont pas l’équivalent de trois traites manuelles, puisque l’intervalle de traite n’est pas toujours optimal. « En robotique, on peut espérer 10 % d’augmentation de la production grâce à la troisième traite et au meilleur confort des vaches », dit-il.

À la Ferme Carmel, le troupeau est graduellement passé de 33 kg/jour à près de 43 kg/jour, par vache, grâce au robot de traite et aux autres améliorations sur le plan du confort et de la santé des animaux.

Au-delà des chiffres, la qualité de vie

Les petites comme les grosses fermes peuvent gagner au change en passant à la traite robotisée. Alors que les fermes de plus de 100 vaches font des économies de main-d’œuvre, celles qui comptent une cinquantaine de vaches gagnent en flexibilité.

Les frères Carmel ont dû débourser 750 000 $ pour construire en neuf, incluant le robot de traite.
Les frères Carmel ont dû débourser 750 000 $ pour construire en neuf, incluant le robot de traite.

C’est le cas notamment de René Carmel et de son frère, qui ont fait le saut en robotique pour augmenter leur production sans main-d’œuvre supplémentaire. « Il n’était pas question pour nous de passer à trois traites manuelles par jour, se souvient René Carmel. Avec le robot, on n’est pas obligé d’être là aussi régulièrement, chaque matin et chaque soir. C’est autant de travail, mais c’est beaucoup plus flexible. »

Le père de famille a profité de cette flexibilité d’horaire pour accompagner ses quatre enfants dans leurs activités sportives. Aujourd’hui, ces derniers pensent assurer la relève de la ferme et ce sont eux qui, un jour, profiteront de cette qualité de vie. 

À vos calculatrices!

Pour assurer le succès financier d’un projet de robotisation, il faut une bonne planification. « Les taux d’intérêt sont intéressants ces temps-ci, mais il faut quand même faire attention à l’endettement, parce que les marges de profits sont de plus en plus serrées, prévient le conseiller Hugues Ménard. Il faut prendre sa calculatrice et s’assurer de la rentabilité de notre projet. »

Il faut également bâtir ou rénover en fonction des besoins spécifiques de la ferme, sans négliger le confort des vaches. « Certains producteurs vont limiter le confort pour économiser sur les coûts de construction, alors que c’est ça l’essentiel », lance M. Ménard. Plusieurs études démontrent en effet qu’après neuf heures de couche, chaque heure supplémentaire donne 1,5 kg de lait de plus. Une statistique à ne pas négliger, selon l’expert.

Selon les spécialistes, le confort des vaches doit être vu comme un investissement et non comme une dépense.
Selon les spécialistes, le confort des vaches doit être vu comme un investissement et non comme une dépense.