Page conseils 25 mai 2020

Un apport en protéines diminué sans pénaliser la production laitière

Il est possible de réduire les apports en protéines métabolisables sans avoir d’effet négatif sur les performances laitières, à condition de combler les besoins en acides aminés essentiels et en énergie de l’animal, selon une étude réalisée en 2019 par une équipe de l’Université Laval en collaboration avec une équipe d’Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Par rapport à une ration comblant les besoins en protéines métabolisables, en énergie et en acides aminés, une diminution des apports en protéines métabolisables (-10 %) couplée à un maintien des apports en acides aminés essentiels et une augmentation de la concentration énergétique (+4 %) a permis de maintenir la production laitière (34,7 kg/j), d’améliorer l’efficacité d’utilisation de la protéine de 21 % et de réduire l’excrétion azotée de 24 %.

Une analyse économique a révélé qu’en réduisant la teneur en protéines brutes de 17,4 à 15,9 % dans les rations laitières, on augmentait le bénéfice net annuel de 1700 $ à 4000 $, selon le prix des ingrédients utilisés. On pourrait aussi réduire l’excrétion d’azote de 15 %, ce qui équivaut à 2000 tonnes d’azote excrété dans l’environnement par année au Québec. Cette autre étude a été menée en 2014 en se basant sur une ferme moyenne de 87 vaches située au Centre-du-Québec.

Le calcul des protéines métabolisables

Traditionnellement, les besoins en protéines des bovins laitiers étaient exprimés en termes de protéines brutes, seulement reliées à la quantité d’azote et ne différenciant aucunement ses formes. Or, l’azote utilisé pour la fabrication des protéines par la vache doit être absorbé sous forme d’acides aminés, les blocs constituant des protéines; les autres formes d’azote absorbées sont inutilisables par la vache. Cependant, une partie de l’azote provenant des aliments est transformée en acides aminés, puis en protéines par les microorganismes du rumen, devenant ainsi disponible pour l’animal. La mesure de protéines brutes est donc maintenant considérée comme simpliste et dépassée en nutrition du ruminant, puisqu’elle ne donne aucune information sur la qualité des protéines de la ration. La quantité de protéines utilisables, provenant de la protéine vraie alimentaire ayant échappé à l’attaque des microorganismes du rumen, additionnée aux protéines provenant de ces microorganismes, est prédite par différents modèles de formulation de ration : ce sont les protéines métabolisables.

Bien qu’on parle généralement de protéines métabolisables pour quantifier les apports protéiques, les besoins réels des bovins laitiers sont en fait basés sur les acides aminés essentiels les composant. Dans les rations typiquement nord-américaines, la lysine et la méthionine ont d’abord été considérées comme les principaux acides aminés essentiels limitant la production laitière. L’histidine s’est par la suite ajoutée lorsque des rations plus basses en protéines métabolisables étaient servies.

En équilibrant les rations selon les besoins en protéines métabolisables et en acides aminés de l’animal, il est possible de viser une teneur en protéines brutes d’approximativement 16 % de la matière sèche (MS), et ce, pour des niveaux élevés de production. L’utilisation d’acides aminés protégés de la dégradation ruminale pourrait permettre d’atteindre une teneur en protéines brutes encore plus faible.

Au Québec, entre 2008 et 2018, la teneur moyenne en protéines brutes des rations oscillait entre 16,8 % et 18,1 % de la MS selon les données du réseau Lactanet, spécialisé en contrôle laitier, ce qui indique qu’il y a place à l’amélioration. 

Comment réduire la teneur en protéines brutes?

Afin de diminuer la teneur en protéines brutes des rations, il est d’abord nécessaire de les équilibrer sur une base de protéines métabolisables. Cette formulation tiendra compte des protéines dégradables et non dégradables, ainsi que de l’énergie disponible au rumen. Ensuite, les apports de certains acides aminés, notamment l’histidine, la lysine et la méthionine, doivent être considérés. La vérification de la teneur en urée du lait est un outil important dans la gestion de la formulation des rations, puisque cette valeur représente un indicateur de l’équilibre protéique et énergétique. L’objectif recommandé par Lactanet est de 8 à 12 mg N uréique/dL de lait.

Jean-Philippe Laroche, agr., étudiant à la maîtrise en sciences animales, Université Laval