Économie 12 juin 2020

Les bières québécoises ont soif d’orge locale de qualité

L’industrie microbrassicole au Québec connait une forte croissance depuis quelques années et cet engouement pour les bières de microbrasseries est dû à plusieurs facteurs, notamment l’intérêt des consommateurs pour l’achat local.

L’évolution des goûts des consommateurs, qui recherchent une expérience unique et des produits moins standardisés, favorise le marché de la bière artisanale qui mise sur des produits locaux fabriqués à petite échelle.

En général, les principaux ingrédients de la bière en ordre d’importance sont l’eau, le malt, le houblon et les levures. Pour obtenir du malt, les grains de grade brassicole subissent un processus de maltage en trois étapes de six à dix jours, environ : le trempage, la germination et le touraillage. Le malt est donc constitué de grains germés, puis séchés et débarrassés des germes. 

Selon une enquête auprès des microbrasseries québécoises, la majorité du malt et du houblon utilisés par les microbrasseurs proviendraient de l’extérieur du Québec. Un produit comme la bière peut-il donc être « local »? C’est le défi que relèvent certaines microbrasseries québécoises, qui créent des bières « québécoises » à 100 % ou presque, des bières régionales ou « du terroir », en utilisant davantage de houblon, de malt et de grains provenant du Québec.

Le Québec compte cinq malteries artisanales et l’entièreté de leur approvisionnement en céréales se fait au Québec. Toutes ces entreprises planifient une augmentation de leur volume de production à court terme afin de satisfaire la demande des microbrasseries. Toutefois, le principal frein au développement de leur entreprise est l’approvisionnement en grains de qualité. Un grain de qualité, en l’occurrence l’orge, est un grain classé selon des critères de la Commission canadienne des grains. Parmi tous les critères évalués, ce sont le taux de germination, le taux d’humidité du grain et sa taille qui s’avèrent les principales causes de déclassement.

Les conditions climatiques québécoises, notamment la température et l’humidité, affectent la qualité des céréales brassicoles ainsi que leur rendement. D’une part, les variations pluviométriques au cours des années affectent le rendement et la grosseur des grains. Les conditions climatiques (humidité) à la récolte affectent la qualité du grain et plus précisément le taux de germination. Les cultivars d’orge brassicole germent plus facilement que l’orge fourragère et le producteur doit préserver cette qualité en récoltant les grains au bon moment et en les entreposant adéquatement. Une fois les grains récoltés, ceux-ci doivent être séchés et ventilés très soigneusement : c’est souvent à cette étape que le bât blesse. Des formations pour les producteurs ainsi que de l’aide pour l’acquisition de matériel de séchage et de ventilation sont donc des avenues à envisager pour stimuler la production québécoise d’une orge brassicole de qualité.

Outre le taux de déclassement des grains, le prix obtenu pour l’orge et les primes associés au grade brassicole sont des facteurs qui influencent les producteurs dans le choix des cultures. Or, l’écart entre le prix de l’orge brassicole et celui de l’orge fourragère s’amenuise, ce qui expliquerait la préférence des producteurs pour l’orge fourragère. L’orge de brasserie comporte plusieurs avantages pour les producteurs agricoles; la récolte hâtive de cette culture peut permettre d’appliquer du fumier, les variétés à deux rangs sont plus résistantes à la fusariose et c’est une excellente culture à utiliser en rotation. Les avantages agronomiques de l’orge brassicole combinés aux actions de la Filière microbrassicole contribueront certainement au déploiement de la culture de l’orge brassicole au Québec.

En 2019, l’orge était cultivée sur une superficie de 46 500 ha. Les données montrent que la récolte d’orge au Québec, tous marchés confondus, est estimée à 151 000 tonnes, la production la plus basse observée en 40 ans. La production québécoise annuelle d’orge brassicole est estimée à environ 15 000 à 20 000 tonnes et le nombre de producteurs à 140 pour l’année 2019.

La Filière microbrassicole vise à augmenter l’utilisation des intrants québécois dans les bières de microbrasseries, pour que les entreprises soient viables et répondent ultimement aux souhaits des consommateurs de bières québécoises. Elle publiera prochainement un document synthèse résumant l’essentiel des enjeux et des pistes de solutions pour le secteur des céréales brassicoles. Surveillez sa parution sur le site du Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec : www.craaq.qc.ca.

Aurélie Munger, M. Sc., chargée de projets, CRAAQ


Cet article a été publié dans l’édition de mai 2020 du magazine GRAINS.