Politique 15 avril 2020

Être ministre en temps de crise

Après plusieurs demandes d’entrevues infructueuses au cours des dernières semaines, le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, a enfin accepté de laisser La Terre entrer dans son bunker privé, virtuellement parlant. Il nous raconte le quotidien d’un ministre en temps de crise.

Le politicien se permet quand même une pause de 45 minutes au cours de la journée pour aller courir ou tout simplement prendre l’air, dans le respect bien sûr des consignes de la Santé publique.
Le politicien se permet quand même une pause de 45 minutes au cours de la journée pour aller courir ou tout simplement prendre l’air, dans le respect bien sûr des consignes de la Santé publique.

Confiné à la maison comme tous les Québécois, le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, débute généralement ses journées de travail par un appel avec son directeur de cabinet à 6h30 du matin. Depuis l’arrivée de la maladie COVID-19 en sol québécois il y a déjà plusieurs semaines, c’est le branle-bas de combat dans son ministère pour gérer les contrecoups ressentis par le milieu agricole. Dès le début de la crise, le ministre et son équipe ont dû élaborer un plan d’urgence contenant divers scénarios, incluant un prêt de vétérinaires et de technologues au réseau de la santé humaine. « Mais les services dont nos agriculteurs ont besoin [ne seront pas affectés]. On n’en déshabille pas un pour en habiller un autre », assure-t-il.

À 9 h 30, le ministre s’entretient quotidiennement avec neuf membres différents de la filière agroalimentaire en conférence téléphonique. Des producteurs aux détaillants en passant par les transformateurs, les distributeurs d’intrants et les camionneurs, tous prennent la parole. Cette rencontre est d’autant plus nécessaire lorsqu’on en arrive, comme il y a deux semaines, à évoquer l’euthanasie de porcs et de poulets en raison de la fermeture et du ralentissement des abattoirs. D’ailleurs, le ministre a lui-même dévoilé aux abattoirs le protocole sanitaire élaboré par la Santé publique lors de la conférence téléphonique du 3 avril dernier.

Une fois par semaine, il prend part à une conférence téléphonique regroupant ses homologues provinciaux et la ministre fédérale de l’Agriculture, Marie-Claude Bibeau. Il existe aussi une ligne directe entre cette dernière et lui, qu’on aurait appelé un téléphone rouge à une autre époque. « Je parle personnellement à Mme Bibeau de trois à cinq fois par semaine, souligne André Lamontagne. [Peu importe] l’heure du jour ou du soir, on est en contact constant ensemble. » C’est arrivé notamment dans le dossier des travailleurs étrangers temporaires. En point de presse, il y a deux semaines, le premier ministre québécois François Legault a évoqué un incitatif pour la main-d’œuvre agricole locale. Le ministre Lamontagne dit « arrimer tout ça » entre l’UPA et la ministre fédérale. Quand annoncera-t-il la mesure? « Quand ce sera le temps, répond-il. [L’important], c’est de poser les gestes au bon moment, parce que […] ce n’est pas nécessairement tout de suite qu’on a besoin d’avoir X [travailleurs locaux] si, dans le fond, on ne sait pas si on en aura besoin dans quatre, cinq ou six semaines. »

Après d’innombrables appels, messages textes et courriels, la journée ne prend fin qu’entre 20h et 22h pour le ministre. La rumeur veut que les membres de son ­cabinet doivent lui rappeler d’aller se coucher le soir. « Je suis un gars qui travaille [beaucoup] et qui dort peu, répond-il en riant. Mais c’est sûr qu’avec la crise qu’on traverse, honnêtement, il y a énormément d’enjeux et je suis une personne qui aime être au-dessus de ses affaires. » 

Il insiste pour souligner le travail admirable de tous les employés du ministère de l’Agriculture en temps de pandémie. Les projets qui les occupaient tous avant la crise doivent par ­ailleurs continuer de progresser, afin notamment de préparer la sortie de crise.