Politique 5 septembre 2014

Accaparement des terres?

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PRIMEUR – Il n’y a pas de phénomène d’accaparement des terres agricoles au Québec, conclut l’étude du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO).

Cette étude a été commandée en avril 2012, au coût de 41 000$, sous l’ex-gouvernement libéral au moment où le ministre de l’Agriculture, Pierre Corbeil, était en poste.

« Si on regarde l’arbre, ça peut sembler inquiétant, mais si on regarde la forêt, il n’y a pas de problème », résume, en entrevue à la Terre, Jean-Philippe Meloche, co-auteur de l’étude avec Guy Debailleul.

Le professeur adjoint à l’Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal dit avoir constaté, sur le terrain, que le débat sur la propriété foncière agricole n’est pas toujours rationnel. « Il y a beaucoup d’émotivité et les faits avancés, à propos d’investisseurs étrangers, sont parfois alarmistes. Je n’ai pas vu un seul Chinois acheter des terres au Québec », ironise-t-il.

Il admet que la lecture qu’il fait de la financiarisation de l’agriculture « peut sembler en contradiction » avec les deux études produites par l’IREC (Institut de recherche en économie contemporaine) sur le même sujet. « Mais eux, on leur demandait de trouver des solutions, tandis que nous, on a voulu mesurer l’ampleur, les causes et la portée du phénomène », tient-il à préciser.

De façon globale, l’étude du CIRANO ne voit pas de nuages fonciers poindre à l’horizon pour les producteurs agricoles, qui « possèdent 84 % des terres agricoles ». En outre, la hausse du prix des terres au Québec serait davantage « stimulée par la confiance des agriculteurs qui veulent profiter d’une amélioration de leurs bénéfices nets pour prendre de l’expansion ».

Pas de SADAQ

Le professeur d’urbanisme ne juge pas essentiel de créer une Société d’aménagement et de développement agricole du Québec (SADAQ), basée sur le modèle des SAFER en France, pour veiller à ce que les terres agricoles restent entre les mains des producteurs québécois.

Il croit par contre qu’il faudrait « collecter davantage d’information » sur les acheteurs de terres au moyen d’un registre foncier.

Il commente également l’incursion de la Banque Nationale au Lac Saint-Jean. Un « constat d’échec », dit-il. Il serait étonnant, selon lui, qu’un deuxième joueur de la trempe de la sixième banque « embarque » dans l’aventure foncière agricole au Québec, compte tenu de cet échec.

Et la Caisse de dépôt et placement du Québec? « Je doute qu’elle ait l’intention d’investir dans les terres agricoles ici, à moins qu’on ne l’y invite », soumet-il.

Précisons que le gouvernement du Québec a accordé au CIRANO une somme de 750 000 $ sur trois ans, dans son dernier budget, pour « l’amélioration de la connaissance des enjeux liés à l’agriculture et à l’alimentation ».

« Ces travaux permettront d’appuyer la mise en œuvre des orientations de la future politique bioalimentaire », pouvait-on lire dans le communiqué du gouvernement du Québec en avril 2012.

Réaction du ministre Gendron

Par ailleurs, le ministre de l’Agriculture, François Gendron, a accueilli cette étude avec une certaine tiédeur.

« Ce rapport a été commandé par le gouvernement précédent, parce qu’il refusait d’agir et soutenait qu’il n’y a pas d’enjeu. Or, bien que le phénomène demeure marginal, l’intérêt manifeste de la part d’investisseurs nous oblige, comme gouvernement, à la vigilance et à l’action. Contrairement au gouvernement précédent et aux conclusions de ce rapport, le gouvernement du Parti québécois prendra tous les moyens nécessaires pour lutter contre la spéculation et l’accaparement. Mieux vaut prévenir que guérir. Après tout, il s’agit du garde-manger des Québécois », a réagi par voie de communiqué le ministre de l’Agriculture, François Gendron.