Actualités 14 avril 2021

Des chercheurs s’attaquent à la gale commune

Causée par une bactérie filamenteuse (généralement la Streptomyces scabies) présente naturellement dans la majorité des sols canadiens, la gale commune, aussi appelée tavelure, est plus répandue dans l’est du pays en raison, entre autres, de la faible utilisation de l’irrigation, puisqu’un sol sec contribue davantage au développement de la maladie. C’est dans cette même région que s’effectuent, depuis quelques années, des études d’Agriculture et Agroalimentaire Canada sur cette problématique.

Au Centre de recherches et développement de Fredericton, au Nouveau-Brunswick, les travaux de la bactériologiste moléculaire et chercheure Claudia Goyer sont orientés selon deux axes principaux : l’environnement et les pratiques de culture, puis les variants naturellement plus résistants. 

Pas de produits chimiques

Causée par une bactérie filamenteuse (généralement la Streptomyces scabies) présente naturellement dans la majorité des sols canadiens, la problématique de la gale commune est plus répandue dans l’est du pays en raison, entre autres, de la faible utilisation de l’irrigation.
Causée par une bactérie filamenteuse (généralement la Streptomyces scabies) présente naturellement dans la majorité des sols canadiens, la problématique de la gale commune est plus répandue dans l’est du pays en raison, entre autres, de la faible utilisation de l’irrigation.

Selon la chercheure, on fait face à une bactérie persistante très adaptée aux conditions de cultures actuelles. Une application généralisée de traitements chimiques ne serait pas pertinente. En collaboration avec l’association de producteurs Peak of the Market (Manitoba) et Les Fermes Cavendish (Î-P-É), un des volets des recherches vise plutôt à trouver des pratiques agriculturales plus efficaces dans la lutte contre la gale commune.

« Que ce soit, entre autres, avec les cultures “compagnons”, les biopesticides, le compost et même avec la farine de moutarde, nos partenaires ont essayé diverses méthodes en fonction des particularités de leur sol afin d’en étudier les effets », explique Claudia Goyer.

Résistance naturelle

Une autre piste explorée par l’équipe de la Dre Goyer est celle du développement de variétés naturellement plus résistantes. En exploitant le principe de la variation somaclonale, elle est parvenue, après trois ans de récupération des éléments les plus prometteurs de chaque récolte, à développer des variants offrant des résultats significatifs.

« Les nouveaux variants de Shepody et de Red Pontiac [les deux variétés utilisées lors des travaux] montraient une augmentation de 30 à 40 % du nombre de tubercules avec moins de 5 % de couverture de lésions », se réjouit la chercheure. « Le 5 % de couverture est une norme établie par l’industrie à ­partir de quoi ça devient problématique pour la vente », précise-t-elle.

Ces variants pourraient être disponibles pour commercialisation d’ici un à deux ans.

Approche génétique 

De son côté, le Dr Bourlaye Fofana, chercheur en génétique moléculaire et génomique à Charlottetown, à l’Île-du-Prince-Édouard, se concentre sur la génétique des variétés de pommes de terre résistantes ou sensibles à la gale commune.  

Depuis 2014, il travaille sur un programme de développement de cultivars mutants résistants en effectuant des tests autant en plein champ qu’en laboratoire. Après avoir procédé au séquençage de plus de 300 lignées de variants, son équipe a pu associer des caractères morphologiques à certaines caractéristiques géniques. La technologie CRISPR permet ensuite l’édition génomique pour reproduire les caractéristiques résistantes dans les cultivars étudiés. « La technique utilisée n’introduit pas de gène étranger dans l’organisme. Ce n’est donc pas un OGM. Et selon les normes de l’Agence canadienne d’inspection des aliments non plus. Il ne devrait y avoir aucun problème d’acceptabilité sociale », affirme Dr Fofana.   

Les avancées de l’étude ont ­d’ailleurs fait l’objet d’un article scientifique publié en juillet dernier.  

Fort de ces résultats, le chercheur regarde déjà vers les prochaines étapes. « Nous sommes maintenant à l’étape de l’identification complète et définitive des gènes responsables. Elle sera complétée cet été avec la cartographie génique de la population de mutants que nous avons, explique M. Fofana. Une fois ceci terminé, on estime pouvoir procéder au déploiement d’un cultivar ­résistant d’ici trois ou quatre ans maximum. »

Méthodologie

Alors qu’un sol sec favoriserait la pénétration de la bactérie dans le tubercule immature, certains autres facteurs viendraient contribuer au développement de la bactérie elle-même et des symptômes de la maladie. Pour ses travaux, Claudia Goyer a répertorié neuf sites (milieux sains et affectés), dans différentes provinces de l’est du pays  afin de procéder à des analyses exhaustives de l’impact de l’environnement de culture sur une même variété cultivée. ­Température, acidité, humidité, micronutriments, bactéries et champignons font partie des nombreuses variables étudiées.

Une des observations significatives tend à confirmer une corrélation entre l’acidité du sol et l’importance des lésions. « Plus le pH s’approche de la neutralité, plus la gale est présente. Ça, on le savait déjà. Maintenant, on regarde si l’influence du pH sur la solubilité de certains micronutriments précis explique aussi la présence de la gale dans certains sols plutôt que d’autres », précise la Dre Goyer. « Un autre résultat d’analyse, poursuit-elle, semble indiquer que si les communautés microbiennes sont impliquées dans le contrôle de la gale commune, ce serait plus du côté bactérien que du côté fongique. On ne peut pas encore dire qu’on a mis le doigt sur une cause principale. Pour le moment, on s’entend que c’est un ensemble de facteurs responsables. » 

Olivier Grégoire, collaboration spéciale