Actualités 14 octobre 2020

COVID-19 : la filière des grains a su s’ajuster à la crise

À quelques semaines de la fin de saison des grandes cultures, les principaux acteurs du secteur des grains se montraient satisfaits de la tournure des derniers mois étant donné que le déclenchement de la crise sanitaire au printemps n’augurait rien de bon pour la suite.

Directeur général de l’Association professionnelle en nutrition des cultures (APNC), Sébastien Lacroix souligne que lorsque le gouvernement a mis l’économie sur pause à la mi-mars pour répondre à la propagation de la COVID-19, ses membres étaient déjà bien positionnés en termes d’approvisionnement en matière première. « Que ce soit les fertilisants, les produits de phytoprotection, les semences; les inventaires étaient déjà dans les entrepôts. Additionne ça à un printemps favorable, ça s’est somme toute bien déroulé », analyse-t-il après coup.

Président et chef de la direction d’Agro-100, Stéphane Beaucage abonde dans le même sens, mais ajoute que l’approvisionnement jusqu’au client a connu parfois des ratés. « On a rencontré quelques difficultés en Ontario où on faisait affaire avec des compagnies de transport. Habituellement, le client reçoit sa marchandise en 24 heures, mais là, ça en prenait des fois le double. On sentait que le système était surchargé au niveau logistique et il y avait plus d’erreurs. »

Rapidement au printemps, les acteurs principaux de la filière grain ont compris que la réussite de la prochaine saison passait par un changement de mentalité chez les producteurs. « Par habitude, ils commandent à la dernière minute en tenant compte de la météo », explique Sébastien Lacroix. « Là, on a demandé à la Fédération des producteurs de grains de passer le message à ses membres : commencez à rentrer les intrants progressivement à la ferme pour ne pas être pris de court si le gouvernement applique de nouvelles restrictions et pour être prêt quand la fenêtre du printemps sera ouverte. On ne voulait pas que tout le monde arrive en même temps et créer l’effet papier de toilette avec une pénurie. »

Au total, ce sont quatre projets de recherche qui ont dû être repoussés d’un an en raison de la COVID-19 au CÉROM et à l’IRDA. Photo : IRDA
Au total, ce sont quatre projets de recherche qui ont dû être repoussés d’un an en raison de la COVID-19 au CÉROM et à l’IRDA. Photo : IRDA

Pour leur part, les Producteurs de grains du Québec ont gardé l’œil ouvert concernant les difficultés liées à la mise en marché et à l’achat d’intrants. Somme toute, peu de problèmes ont été recensés. D’autre part, l’organisation a suggéré à ses membres de démontrer de l’ouverture face à la livraison plus hâtive des intrants.

Sur le terrain, Stéphane Beaucage a été témoin de ce changement. « On a senti beaucoup plus d’ouverture de leur part à recevoir la marchandise à l’avance, acquiesce le patron d’Agro-100 qui croit que cette habitude pourrait perdurer dans le temps. Ça nous a aidés à désengorger et à nous enlever du stress. Au printemps rappelle-t-il, on vivait avec la crainte que la COVID-19 débarque chez nous, qu’elle nous prive de personnel et ultimement, d’être obligé de fermer l’usine. » Agro-100 a même noué des alliances stratégiques avec d’autres joueurs de l’industrie afin de s’assurer que l’approvisionnement chez les producteurs ne soit pas en danger au cas où des sites de production viennent à fermer.

Impact dans les projets de recherche

Dans le milieu de la recherche, la COVID-19 a aussi eu des impacts non négligeables. Le Centre de recherche sur les grains (CÉROM) a dû reporter de douze mois trois projets d’étude : un sur la protection du blé de printemps, un second sur l’amélioration génétique du soya et un dernier sur l’utilisation des boues municipales comme engrais dans les champs. « Les reports ont été causés parce que certains de nos partenaires comme Agriculture et Agroalimentaire Canada ont cessé leurs activités plus longtemps que nous et à leur réouverture, il était trop tard pour démarrer les projets », explique Gabriela Martinez, directrice générale du CÉROM.

À l’Institut de recherche et développement en agroenvironnement (IRDA), ce sont 28 projets qui ont été impactés, mais seulement un a dû être carrément repoussé à 2021. « Je dirais que sur 150 projets de recherche, environ 20 % ont été touchés, mais seulement un seul qui concerne la filière du grain et c’est mineur comme retard », relate Éric Dion, directeur du développement des affaires et des communications à l’IRDA au moment de l’entrevue.

Au CÉROM, le mot d’ordre lancé par la directrice Gabriela Martinez a été d’utiliser les deux semaines à la mi-mars où tout le monde était en télétravail pour compléter la paperasse afin que lorsque le feu vert serait donné, les équipes puissent se rendre directement au champ. Sur le terrain, deux membres par équipe maximum étaient dépêchés avec des trousses comportant tout le matériel de protection nécessaire.

« Comme tout le monde, on s’est parfois arraché les cheveux avec la COVID-19, rapporte Éric Dion. Mais en même temps, on s’est découvert des capacités de fonctionnement et de résilience. On a aussi amorcé des projets dans de nouveaux créneaux et avec des partenaires avec lesquels nous étions moins associés. Somme toute, on a vu des choses positives là-dedans. »

C’est aussi le bilan qu’en retire Sébastien Lacroix. « Il y a eu un super beau travail de collaboration et d’arrimage entre les différents maillons de l’industrie du grain. On s’était dit dès le départ que ce n’était pas le temps de faire une guerre commerciale, que c’était important d’avoir une récolte de qualité à l’automne. Tout le monde a été proactif et quant au manque de pluie cet été, ça, c’était hors de notre contrôle », termine le directeur général de l’APNC.

Bernard Lepage, collaboration spéciale


Cet article a été publié dans l’édition GRAINS de septembre 2020.