Actualités 26 juillet 2020

Amarante tuberculée : un nouvel ennemi coriace

Depuis son arrivée au Québec en 2017 en Montérégie Ouest, l’amarante tuberculée apparaît comme une nouvelle menace aux grandes cultures : des huit foyers connus dans la province, tous possèdent de la résistance aux herbicides parmi les groupes 2, 5, 9 et 14. Comment endiguer la progression de cette espèce exotique envahissante? Une experte en malherbologie se prononce sur la question.

Vue rapprochée d’inflorescence femelle.
Vue rapprochée d’inflorescence femelle.

L’arrivée de l’amarante tuberculée dans un champ n’est pas à prendre à la légère. « Cette plante peut engendrer pour un producteur une perte de rendement jusqu’à 63 % de la production en soya et jusqu’à 74 % en maïs. À cela s’ajoute la problématique de la résistance aux herbicides et de la honte que peut ressentir le producteur à l’idée que cette plante nuise à sa relation avec ses voisins ou ses travailleurs à forfait », résume Sandra Flores-Mejia, chercheure en malherbologie au CÉROM, qui donnait une formation sur les plantes exotiques envahissantes organisée par le CRAAQ ce printemps.

Des caractéristiques impressionnantes

L’amarante tuberculée se démarque autant par sa capacité de croissance — une petite bouture peut aisément atteindre 10 centimètres de hauteur en quelques jours — que par sa capacité à s’hybrider avec d’autres espèces d’amarante et à transmettre ses gènes de résistance à sa progéniture.

La mauvaise herbe se distingue aussi par sa longue période de germination qui peut s’étendre jusqu’à l’automne et par sa grande capacité reproductive. Une plante peut produire de 300 000 à 1,2 million de graines, facilement dispersables par les excréments d’animaux et la machinerie contaminée. De ces graines, seulement de 5 à 7 % germent la première année avec un pic de germination vers la troisième ou quatrième année.
« En sachant que les graines sont viables jusqu’à 17 ans dans le sol, il faut s’attaquer au problème dès qu’on le voit parce que si on attend à la troisième ou quatrième année, il sera peut-être trop tard pour gérer la situation. »

Pistes de solution

La problématique que pose la présence de l’amarante tuberculée est complexe. Que faire ? « Tout d’abord, il faut identifier correctement la mauvaise herbe, ce qui va déterminer la bonne stratégie de contrôle. Ensuite, il faut éviter la pression de la sélection, qui est surtout causée par l’utilisation répétée d’un herbicide ou d’herbicides du même groupe », ­rappelle Mme Flores-Mejia.

Avec l’amarante tuberculée, il est essentiel d’éviter la production de graines. « Le dépistage ne se limitera pas en début de saison, mais aussi pendant la saison, sans oublier les bordures des champs. » Divers outils sont à la disposition des producteurs comme le test classique offert par le CÉROM ainsi que le test moléculaire du Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection (LEPD) du MAPAQ qui permet une réponse plus rapide.

Le choix des interventions aura un impact important sur la capacité de reproduction de l’amarante tuber­culée. Par exemple, la rotation des cultures permet de briser les cycles vitaux de mauvaises herbes et contribue à diminuer les banques de graines. « La culture continue du soya a été identifiée comme un des facteurs favorisant la présence de populations résistantes au glyphosate au Missouri », ajoute la chercheure.

Des études faites aux États-Unis ­démontrent que la combinaison des différentes méthodes de contrôle (ex. utilisation de cultures de couverture, application en pré et en post, rotation des cultures, etc.) est plus efficace pour le contrôle de l’amarante tuberculée que l’utilisation d’une seule méthode. Dans les cultures de soya par exemple, une étude a relevé que le plus haut niveau de contrôle de l’amarante tuberculée pouvait être obtenu avec des espacements de rangs de soya d’entre 7,5 po (19 cm) à 15 po (38 cm) en combinaison avec un traitement herbicide pré suivi d’un post avec herbicide résiduel.

Quant aux cultures de maïs, la combinaison de cultures de couvertures aux mélanges d’herbicides qui incorporent plusieurs sites d’action devrait contribuer à atténuer la sélection supplémentaire de résistance. En revanche, des pratiques comme la fauche et l’écimage pourraient ne pas être si efficaces, car la plante est capable de repousser et en plus, de dédoubler les efforts pour produire plus des graines.

Arrachage manuel

Enfin, si on a épuisé tous les autres recours possibles, Sandra Flores-Mejia recommande l’arrachage manuel pour éviter l’augmentation de la banque de graines. Un programme d’aide aux producteurs pour l’arrachage (gratuit) de l’amarante tuberculée est d’ailleurs disponible par le biais du projet « Escouade arrachage » du MAPAQ. « Cette technique ­représente quand même un défi puisqu’il faut trouver une façon efficace et sécuritaire de disposer des plantes arrachées, concède-t-elle. On peut tuer les résidus végétaux en les exposant à la chaleur du soleil dans des sacs de plastique foncés pendant plusieurs semaines, puis les amener dans un lieu d’enfouissement technique. » Notons qu’un projet de recherche qui s’amorce cette année est menée par le CÉROM en collaboration avec le MAPAQ, l’IRDA et la CSC, et a comme objectif d’évaluer différentes méthodes de gestion de l’amarante ­tuberculée sous les conditions de production du Québec.

Le nombre de foyers étant relativement peu élevé au Québec, la chercheure ­insiste sur l’importance de la prévention pour limiter l’expansion de l’amarante tuberculée. « Avec une approche de tolérance zéro, on peut empêcher l’apparition de nouveaux foyers. »