Actualités 3 avril 2021

Un travail de sol réduit avec le strip-till

Dans le cadre d’une démarche de réduction de travail du sol et de fertilisation ciblée, les producteurs agricoles peuvent s’intéresser au travail en bande, appelé strip-till. Cette méthode permet de préparer des sols couverts, tout en facilitant le réchauffement au printemps.

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« Avec le strip-till, on a les avantages du no-till [semis direct] et les rendements du conventionnel, argue l’agriculteur Mike Verdonck, président de Groupe Stell-Ag Inc. La raison numéro un [pour laquelle je travaille en bande] est : incorporer la fertilité, puis réchauffer le sol. » Cette technique, qu’il utilise depuis 2009 à Sainte-Marthe, en Montérégie, permet autant de répondre aux besoins du maïs, une culture qu’il n’hésite pas à qualifier de « princesse », que d’améliorer ses sols, dont il observe la résilience accrue au fil des années.

En strip-till, seule la bande de sol qui va accueillir le semis ou la plantation est préparée. Les coutres, situés à l’avant de l’équipement, coupent les résidus et tranchent le sol. Puis, un système de tasse-résidus vient dégager la bande pour permettre à une dent ou à un disque de créer le sillon. Le tout est complété par des disques, le plus souvent crénelés, et des rouleaux de rappui.

L’agriculteur Billy Beaudry utilise le strip-till pour réduire le travail du sol tout en ayant la possibilité de faire deux années de maïs. Photo : Gracieuseté de Billy Beaudry
L’agriculteur Billy Beaudry utilise le strip-till pour réduire le travail du sol tout en ayant la possibilité de faire deux années de maïs. Photo : Gracieuseté de Billy Beaudry

« Ce principe me permet de faire face au défi de réchauffer mon sol au printemps tout en réduisant le travail de sol », constate Billy Beaudry, copropriétaire de la Ferme Beau-Porc, à Saint-Valérien-de-Milton, en Montérégie. Pour préserver la structure du sol dans ses grandes cultures, il apprécie aussi le semis direct, mais le strip-till lui permet d’enchaîner deux années de maïs.

« Économiquement, c’est intéressant, puisque le maïs est plus rentable et parce que je ne travaille qu’un tiers du terrain, en comparaison avec le labour », ajoute l’agriculteur.

Ainsi, la structure du sol est davantage préservée qu’en travail conventionnel, l’érosion, plus limitée et les ­résidus peuvent être facilement gérés.

« Avec un sol travaillé en strip-till, les unités du planteur vont avoir moins tendance à sautiller, ce qui garantit une émergence uniforme », complète le spécialiste ­produits chez Case IH, Patrick Landry.

Une attention à porter aux sols

Si l’agronome Odette Ménard encourage davantage l’absence de travail des sols pour améliorer leur santé, elle admet que le travail en bande peut être considéré comme une stratégie transitionnelle vers le semis direct.

« La santé des sols demeure un prérequis [pour le strip-till]; c’est la même chose qu’en semis direct. Il faut comprendre ce dont le sol a besoin, que l’eau circule notamment », souligne la conseillère en conservation des sols et de l’eau au ministère de l’Agriculture (MAPAQ).

Le conseiller en machinisme agricole et en conservation des sols au MAPAQ, Bruno Garon, recommande de prêter attention à l’humidité lors du passage. « Le nerf de la guerre est de ne pas travailler plus creux que la profondeur du semis. Sinon, la semence ne sera pas dans un milieu humide, à moins qu’il pleuve », précise l’ingénieur.

En bref, une bonne connaissance de son terrain et un diagnostic demeurent des prérequis au choix d’une nouvelle technique de culture.

La machinerie de strip-till « n’est pas un appareil miracle, appuie M. Verdonck. Il faut avant tout connaître son sol et le préserver. Nous ne sommes plus dans le thinking conventionnel, où on passe un peu n’importe où avec le tracteur. Nous nous assurons de toujours passer aux mêmes places ». De plus, pour l’agriculteur, une bonne gestion des sols, avec des cultures de couverture par exemple, permet la séquestration du carbone, ce qui permet de diminuer l’émission de gaz à effets de serre.

Agriculture de précision

Pour se lancer dans le strip-till, il importe d’être à l’aise avec les systèmes de guidage RTK (Real Time Kinematic). « On ne fait qu’un seul passage, pour ensuite repasser au même endroit pour semer », indique Francis Roy, spécialiste de produits chez Case IH Adrien Phaneuf.

Il s’agit donc de faire correspondre son équipement de strip-till avec son semoir. La taille de ce dernier déterminera le nombre de bandes à préparer et donc la ­puissance nécessaire.

« On ne compare pas le conventionnel au strip-till, qui est assez unique. Le travail plus creux demande plus de force, mais on ne travaille pas sur la pleine largeur », explique M. Landry, qui juge cependant que 200 chevaux-vapeur est un minimum.

L’agriculture de précision permet également de cibler l’épandage de fertilisants. Un atout, autant d’un point de vue économique qu’environnemental. « L’épandage pleine largeur, près des cours d’eau, ce n’est pas vers cela qu’on veut aller », estime l’agriculteur Mike Verdonck.

L’adaptation à l’hiver québécois

La machinerie ayant essentiellement été développée aux États-Unis, dans la Corn Belt, adapter le strip-till au climat et aux sols québécois nécessite parfois des ajustements. « Lors de nos automnes, qui finissent dans la boue ou avec le sol gelé, le strip-till peut être moins performant, constate M. Landry. Cependant, les agriculteurs arrivent à faire leurs bandes au printemps. »

M. Verdonck confirme avoir de temps en temps travaillé son sol seulement au printemps quand c’était trop boueux à l’automne. Et ça fonctionnait. Lorsque l’hiver est hâtif, « le tasse-résidus pousse la neige tandis que le disque perce le sol gelé », complète-t-il.

Les tasse-résidus du Gladiator 1205 de Kuhn permettent de gérer les résidus, même volumineux, en culture de maïs notamment. Photo : Gracieuseté de Kuhn
Les tasse-résidus du Gladiator 1205 de Kuhn permettent de gérer les résidus, même volumineux, en culture de maïs notamment. Photo : Gracieuseté de Kuhn

La machinerie à l’essai

« En plus de l’achat de l’équipement, qui est cher, un passage au travail en bande implique la gestion de l’engrais, le GPS et le planteur », énumère M. Landry, qui suggère le Nutri-Tiller 955 de chez Case IH en démonstration aux producteurs.

Il recommande un test sur une période de trois ans, dans des moitiés de champs avec différents types de sol, afin de voir à l’automne les rendements directement via les capteurs de la moissonneuse-batteuse. « Une erreur fréquente est de faire des essais seulement dans un champ au rendement peu élevé », prévient-il.

Si l’équipement s’avère coûteux, les économies se réalisent sur l’entretien minime, la moindre consommation de carburant et la main-d’œuvre, pour M. Verdonck. Après quelques années à adapter ses propres machines pour tester le strip-till dans ses sols argileux, il a investi dans le Soil Warrior d’Environmental Tillage Systems (ETS) en 2012. « Il fonctionne dans tous types de sol et de résidus, il ne bourre pas, il est fait pour faire du maïs sur maïs », observe l’agriculteur. Pour éviter le lissage, il utilise un disque en ligne droite, et non une dent, en raison de l’argile, mais il rappelle qu’il faut choisir l’outil adapté à ses conditions.

Chez John Deere, les équipements peuvent être personnalisés selon les besoins, à partir de l’épandeur 2510S et de la défonceuse 2100.

Permettant de dégager des bandes sans travail de sol, le tasse-résidus de la Ferme Lamoureux s’avère aussi populaire chez les amateurs de strip-till.

En France, une coopérative d’autoconstruction, L’Atelier Paysan, a développé son propre outil pour le strip-tilll, dont les plans sont accessibles à tous en ligne, dans un objectif de développer l’autonomie à la ferme.