Actualités 2 juillet 2021

La ventilation des poulaillers

Chaque jour, un troupeau de 10 000 poules pondeuses en cage produit autant de chaleur qu’une chaudière brûlant 200 litres de mazout. Si cela confère un certain avantage l’hiver, il en est tout autrement lorsque le mercure grimpe l’été! Une ventilation efficace constitue le principal moyen d’évacuer cette chaleur et ainsi développer le plein potentiel des oiseaux.

En période chaude, la ventilation des poulaillers doit être efficace étant donné que les volailles ont des mécanismes d’évacuation de la chaleur limités. Lorsque la température ambiante dépasse 27 °C, la température corporelle de l’oiseau se met à augmenter. Le stress thermique affecte la volaille de plusieurs manières. Puisque l’ingestion de nourriture est son principal moyen de générer de la chaleur métabolique, celle-ci réduira de façon importante sa consommation, ce qui affectera son gain de poids.

Ce phénomène entraîne une baisse de la production d’œufs chez les pondeuses. Une étude de l’Université Pennsylvania State a observé également des œufs 17 % plus petits chez des poules soumises à un stress thermique sur une période prolongée. Il est aussi très fréquent d’observer des coquilles plus minces et plus fragiles. Enfin, on note une utilisation moins efficace des vitamines, ce qui peut se traduire par une mortalité à la hausse, surtout chez les oiseaux plus âgés.

A contrario, une ventilation adéquate assure un meilleur confort à l’oiseau, et donc, une bonne santé et un plein potentiel génétique.

Définir ses besoins

Les besoins en ventilation diffèrent d’une catégorie à l’autre. Si une poulette pondeuse commerciale ou une pondeuse de reproduction ont une croissance plus lente, un poulet de chair a des besoins plus spécifiques comme il se développe très rapidement et que la température varie chaque jour, ce qui nécessite un ajustement plus fréquent des échanges d’air.

« Une ventilation qui n’est pas performante est souvent occasionnée par un CFM [pi3/min] trop faible. Considérant le contexte économique, certains éleveurs auront des réticences à changer le système au complet, mais des ajustements peuvent quand même être faits, fait valoir l’ingénieur agricole Bruno Marquis, de CFM Systèmes. On peut ajouter des ventilateurs et agrandir les prises d’air ou encore installer des ventilateurs de recirculation dans les poulaillers s’il y a des coins morts. »

Par exemple, dans les poulaillers pour pondeuses d’incubation typiques munis de ventilateurs d’un côté et de trappes d’air de l’autre, le nid central ou latéral constitue souvent un obstacle majeur à la bonne circulation de l’air été comme hiver. Cela a pour effet de générer un grand écart de température et une faible vitesse d’air l’été au niveau des oiseaux ainsi qu’une forte concentration d’ammoniaque l’hiver. « Pour une admission d’air frais de chaque côté du nid, on peut prévoir une entrée d’air modulaire au plafonnier dans les bâtiments d’un étage, tandis que sur un bâtiment de deux étages, on aménagera des entrées d’air modulaires de chaque côté du poulailler », suggère Bruno Marquis.

Cela étant dit, la construction d’un nouveau bâtiment est l’occasion idéale pour se doter d’un système de ventilation adapté aux conditions climatiques des prochaines décennies. La popularité croissante des bâtiments à un étage pour l’élevage de poulets à chair, qui couvrent une plus large surface et qui sont parfois dotés d’un plafond cathédrale, ouvre la porte à des alternatives au système de ventilation transversale typique, caractérisé par des entrées d’air et des ventilateurs sur des murs opposés, dans la portion la plus longue du bâtiment.

Ce poulailler de poulets à griller sera équipé d’une ventilation conventionnelle transversale pour l’hiver, l’automne et le printemps et d’une ventilation en tunnel pour l’été. Photo : Gracieuseté de Bruno Marquis
Ce poulailler de poulets à griller sera équipé d’une ventilation conventionnelle transversale pour l’hiver, l’automne et le printemps et d’une ventilation en tunnel pour l’été. Photo : Gracieuseté de Bruno Marquis

La ventilation en tunnel

Les conséquences du stress thermique

  • Augmentation de la consommation d’eau;
  • Diminution de l’ingestion d’aliments;
  • Baisse du gain pondéral;
  • Diminution de la production d’œufs;
  • Coquille des œufs plus mince et plus fragile;
  • Mortalité à la hausse.

Principale méthode de refroidissement à l’air dans les poulaillers de poulets à griller en Ontario, la ventilation longitudinale, ou en tunnel, s’implante aussi dans les ­élevages de pondeuses. Dans ce système, les prises d’air et les ventilateurs d’extraction sont positionnés sur les murs d’extrémité, de façon à créer un flux d’air massif qui va traverser rapidement le bâtiment dans le sens de la longueur, permettant aux oiseaux de se sentir plus au frais.

Dans un système de ventilation transversale, la vitesse de l’air à la hauteur des oiseaux se situe entre 50 et 100 pi/minute. Une ventilation en tunnel est conçue pour atteindre un déplacement au-dessus des animaux de 200 à 500 pi/minute, ce qui semble donner des résultats intéressants.

Une étude menée sur des poulets à griller de sept semaines par le Poultry Research Laboratory du Département de l’agriculture des États-Unis a permis de constater qu’à une vitesse de 200 pi/minute au-dessus de la volaille, le rythme de croissance des poulets était comparable à celui de conditions d’élevage lorsque l’air est immobile ou en léger mouvement et à une température plus froide de 1 °C. Lorsque la vitesse du flux d’air passait à 400 pi/minute, le refroidissement éolien était de 3,7 °C. Au bout de sept semaines, les poulets qui avaient été élevés « au frais » pesaient 0,5 kg de plus que ceux qui se trouvaient dans le poulailler où l’air était immobile.

« La ventilation en tunnel permet de créer plus de vitesse pour un même débit au niveau du sol pendant l’été, ce qui est fort utile. Cependant, lorsque la température ambiante est inférieure à 15 °C ou que les poulets sont jeunes et fragiles, l’effet de refroidissement éolien peut occasionner un stress et n’est donc pas recommandé », nuance Bruno Marquis. Certains éleveurs vont par conséquent équiper leur bâtiment d’une ventilation en tunnel pour l’été et d’une ventilation transversale pour les trois autres saisons.

Refroidissement à l’eau

Au Québec, certains bâtiments d’élevage commencent à se doter de systèmes de refroidissement à l’eau de type cooling pads, notamment pour les pondeuses. Selon ce principe, l’air qui entre est aspiré dans un tapis humide situé à l’extérieur du bâtiment. Le changement de l’eau en vapeur va rafraîchir l’air qui entre de quelques degrés, mais va accroître le taux d’humidité relative, ce qui peut être problématique considérant nos étés chauds et humides. Pour être efficace, ce type d’équipement doit être ajusté en fonction des conditions météorologiques et du système de ventilation.

Au final, l’éleveur choisira sa stratégie de ventilation en fonction d’un ensemble de critères qu’il devra mesurer selon ses besoins et les caractéristiques du bâtiment.

En quête de précision

À l’heure actuelle, il se fait peu de recherche dans le domaine de la ventilation des bâtiments agricoles au Québec. Toutefois, quelques initiatives sont sur les rails. Le chercheur Sébastien Fournel de l’Université Laval travaille présentement avec le fabricant Maximus afin d’inclure la collecte de paramètres tels que le taux d’humidité et la vitesse de l’air pour assurer un meilleur contrôle de la ventilation en situation de stress thermique chez les porcs. « Éventuellement, l’ajout de caméras thermiques permettrait également de mieux ajuster les systèmes de ventilation en fonction du comportement de l’animal », indique-t-il. Toujours dans le secteur porcin, le Centre de développement du porc du Québec collabore avec Monitrol pour améliorer la ventilation, le refroidissement et le chauffage d’une maternité en pression positive en intégrant la prise de mesure de différents types de sondes pour contrôler l’ambiance de la salle. 


Cet article a été publié dans l’édition de mai 2021 du magazine L’UtiliTerre.