Actualités 6 octobre 2014

Chauffer les poulaillers… avec sa haie brise-vent!

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Faites-vous partie des nombreux producteurs agricoles qui ne jurent que par la doctrine suivante : maître chez soi? Si oui, vous devriez apprécier le contenu du présent article qui met en vedette un concept d’autoproduction pour diminuer la dépendance envers les énergies fossiles.

« Nos trois poulaillers étaient chauffés au mazout. Nous avons décidé de changer ces systèmes vieillissants pour une unité de chauffage central alimentée à la biomasse. L’investissement devrait nous faire économiser de 40 000 à 50 000 $ par an. Sans compter qu’éventuellement, nous pourrions subvenir à nos propres besoins énergétiques », affirme Sébastien Charrois, producteur avicole de Saint-Aubert, aux portes du Bas-Saint-Laurent.

À cet égard, une plantation de un hectare de saule à croissance rapide a été aménagée sur la ferme des Charrois. À leur deuxième année, les tiges affichent déjà une hauteur et une densité impressionnantes. Un spectacle qui plaît manifestement à André Vézina, spécialiste en haies brise-vent et professeur à l’Institut de technologie agroalimentaire (ITA) de La Pocatière. « Le saule à croissance rapide génère une production de biomasse étonnante. Nous le récoltons après trois années de croissance et à ce moment, un hectare suffit à chauffer l’équivalent de trois maisons durant un an. Nous pouvons maintenant mettre ce potentiel énergétique au service des producteurs agricoles. Il ne reste qu’à en améliorer la rentabilité », explique-t-il.

Le professeur travaille sur un concept qui mise sur une double rangée de saules à croissance rapide aménagée sous forme de brise-vent, de bandes riveraines ou de massifs. La biomasse produite serait vendue ou employée par les agriculteurs équipés d’un système de chauffage à la biomasse.

Un peu trop cher, pour l’instant

Le saule à croissance rapide possède plusieurs atouts indéniables, mais l’utiliser comme combustible se révèle encore trop onéreux. Un fait qu’André Vézina ne cache pas. « À l’heure actuelle, il en coûte près de 85 $ pour planter, récolter et emballer une tonne de biomasse à base de saule à croissance rapide. Ce prix est un peu trop élevé pour en faire un combustible rentable. Nous travaillons à améliorer le concept en diminuant les coûts de production et en augmentant le rendement de la culture du saule », affirme-t-il sans détour.

Afin d’accroître la productivité, l’ITA a récemment mis la main sur une planteuse mécanique qui, en un seul passage, pose le paillis de plastique et y plante deux rangées de saules. Des tests sur différents cultivars sont également en cours au Bas-Saint-Laurent.

Sébastien Charrois et son père se procurent actuellement une biomasse (bois de démolition en copeaux) à un prix inférieur à ce qu’il leur en coûte pour produire leur propre biomasse. « Notre système de chauffage brûle environ 200 tonnes de copeaux par an. Nous nous approvisionnons facilement et à faible prix, mais si la matière se fait plus rare dans le futur ou si son prix grimpe, ce sera important pour nous de pouvoir compter sur notre propre production. Voilà ce qui explique nos essais avec le saule à croissance rapide et, du coup, qui nous laisse considérer des haies brise-vent en saules comme un scénario fort intéressant. »

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Les poulets aiment le chauffage à la biomasse!

À la ferme de Sébastien et Denis Charrois, le système de chauffage à la biomasse se révèle supérieur aux dispositifs fonctionnant au propane ou au mazout qu’ils employaient auparavant. « C’est une chaleur plus uniforme. La litière est plus sèche et avec le coût réduit de chauffage, nous nous permettons de ventiler davantage. En bout de ligne, nous avons observé de meilleurs départs (une diminution du taux de mortalité) », soumet Sébastien Charrois, qui détaille à environ 400 000 $ le coût global associé à ce système de chauffage qui dessert trois poulaillers, en plus de sa maison.

Par le biais de vis sans fin, la biomasse est acheminée vers le brûleur, et ce, de façon entièrement automatisée. Le système peut faire face aux plus grands froids et pourrait même suffire à une autre installation. À ce sujet, Sébastien a une petite idée : la piscine! Le paternel y semble moins « chaud », se contentant d’un soupir comme réponse…

Le piña colada et les brise-vent

Les agriculteurs aiment prendre leurs propres décisions, se débrouiller par eux-mêmes et, idéalement, être autosuffisants. Un concept d’autarcie qui cadre avec l’autoproduction de combustible, comme le saule à croissance rapide. Avec les avancés techniques qui permettront de produire une biomasse peu dispendieuse, la haie brise-vent et la bande riveraine pourraient franchir un stade important de leur évolution. À vrai dire, un brise-vent de saules protégerait les champs ou les bâtiments du vent, et la bande riveraine continuerait de solidifier les rives tout en contrant la fuite de fertilisant, mais ces plantations deviendraient aussi une source d’énergie. Un concept très intéressant qu’il ne faudra pas manquer de célébrer, piña colada bien frais à la main, dans une piscine… bien chaude!