Actualités 8 juillet 2020

« Phares de la ruralité » : Les hauts et les bas des silos verticaux

Symboles visibles de la vitalité agricole, les silos ont poussé comme des champignons au Québec au cours des dernières décennies. Béton armé, acier vitrifié et métal galvanisé sont les matériaux de base servant à leur érection. Leurs silhouettes se profilent à l’horizon pour nous signaler la présence d’une installation agricole à proximité. Ces garde-manger géants, simples d’opération en apparence, n’en recèlent pas moins des particularités de fonctionnalités inusitées.

Les silos-tours constituent le mode de stockage d’aliments pour animaux le plus répandu à travers le monde. Ils surplombent le paysage campagnard le plus souvent attenant aux bâtiments agricoles. Habituellement déposées sur des fondations en ciment, ces structures cylindriques de 15 à 30 mètres de hauteur, souvent fermées par un toit en dôme, servent à la fermentation des ­fourrages ou encore à l’entreposage des grains.

Un peu comme du yogourt

L’ensilage est un procédé de conservation des végétaux pour l’alimentation du bétail. Une fois hachés et pressés, on souffle le chargement d’une boîte à fourrage remplie de plantes fraîches vers le haut de l’imposant édifice au moyen d’un tuyau situé sur le côté.

« On fauche le foin et on le “chope” un peu comme de la pelouse, illustre Jean-Marc Lambert, président de Silo J.M. Lambert. Le fourrage est placé dans une remorque et un souffleur projette le matériel en haut du silo pour le remplir. On fait la même chose avec le maïs : on coupe la plante au complet (10 à 12 pi de haut) en petits ­morceaux et on l’envoie dans le silo. »

On doit connaître les particularités de chaque système (longueur des brins, matière sèche requise, etc.). Le taux d’humidité est capital dans cette opération. La taille du silo détermine le pourcentage de matière sèche (MS) : plus le silo est gros, plus le % de MS sera élevé. La densification s’effectue sous le poids de la masse. On permet ainsi de retirer l’air et d’amorcer le processus de fermentation (acidification de la masse). La conservation peut s’échelonner sur une période de trois (3) ou quatre (4) ans.

Le plus courant et le plus impressionnant est certainement le silo à fond plat. Il mesure jusqu’à 34 mètres de hauteur et 10 mètres de largeur et emmagasine quelque 34 000 pi3. Il s’agit sans doute du type de silo le plus ­utilisé au Québec pour l’ensilage du foin ou du maïs.


Photo : Silo Supérieur inc.
Photo : Silo Supérieur inc.

Silos « sans couture »

Les structures en béton monolithique sont construites de murs de 6 po d’épaisseur, sans joints et moulés sur place. « Ces silos permettent d’emmagasiner les récoltes plus tôt dans la saison, alors que le taux d’humidité se situe entre 55 et 65 %, entraînant moins de pertes aux champs, affirme Michel Lagacé, directeur de Silo Supérieur. De plus, leurs murs épais et le pouvoir isolant du béton favorisent un excellent contrôle de l’atmosphère de stockage et entraîne une bonne fermentation. » Ce système en atmosphère contrôlée évite les coûts élevés du séchage tout en permettant de prélever des volumes de denrées en tout temps sans affecter le reste de l’ensilage.


Batterie de silos métalliques pour les grains avec système de remplissage.
Batterie de silos métalliques pour les grains avec système de remplissage.

Les grains en silo

Les silos métalliques sont conçus pour la conservation des matières sèches (avoine, maïs, soya, blé, orge, seigle, etc.). Le métal utilisé pour leur construction est exempt de liquide, car ­l’humidité corrode le fer et corrompt le silo.

Certains modèles viennent avec des panneaux. Les parois latérales en acier galvanisé présentent une résistance supérieure à la traction en raison de l’ondulation du matériau tout en offrant une meilleure opposition à la corrosion. Étant plus larges, les feuilles de flancs permettent de réduire les risques d’accumulation de matériaux sur la paroi interne et possèdent des capacités de charge accrues.

« L’état du grain (chaud, froid ou humide) au remplissage influence le choix du ventilateur, la dimension, le volume d’air et le nombre de prises d’air, souligne Patrice Lussier, président de Agri Industrie. Quand on pousse un certain volume d’air, il faut avoir le nombre de prises d’air en conséquence. »

À fond plat ou conique, les silos en tôle galvanisée constituent de nos jours la meilleure alternative pour le stockage de céréales dû à leur versatilité, leur facilité de montage, l’hygiène de leur manipulation et le coût d’entreposage.

« Nos silos sont achetés par pièce et fabriqués à même notre entrepôt, informe Steven Blanchard, président du Groupe DJB, distributeur des silos Val-Co. Le toit du bâtiment est moulé étanche aux intempéries et possède des nervures de renforcement au niveau des coutures pour une résistance accrue et une facilité ­d’assemblage. »

Un autre fabricant québécois construit des silos monocoques en tôles d’acier soudées sans joints boulonnés. Avec une hauteur allant jusqu’à 27 pi et un diamètre d’environ 6 ou 8 pi, ils peuvent accueillir entre environ 3 et 20 tonnes de produits. Le coût d’un silo varie de 5 000 $ à 10 000 $ en fonction du modèle sélectionné. « Les parois sont lisses pour favoriser le glissement du matériel, explique Patrice Fortier, président de Fort Métal. Tous nos silos viennent avec un boîtier ajustable avec trappe pour tous les types de vis. »

Équipement écoresponsable

Le silo-tour a joué un rôle déterminant depuis sa création en raison notamment de l’adaptation du concept de la gravité au compactage de la masse de végétaux et des grains entiers. En comparaison avec d’autres techniques, les tenants de la conservation verticale considèrent cette avenue comme étant peu exigeante autant en ce qui concerne l’emprise de sol, de préservation de la qualité de la matière, en plus de limiter les pertes. Elle utilise zéro plastique ou pneu et l’énergie électrique s’adapte pour le remplissage et la reprise des aliments. « C’est la seule méthode d’entreposage qui permet l’automatisation à 100 % de l’alimentation du troupeau et la méthode la plus économique sur une période de 20 ans », conclut Michel Lagacé.


Douves préfabriquées

Silo en douves de béton (membrures de béton préformées) posé sur une semelle cimentée et une fondation bétonnée.
Silo en douves de béton (membrures de béton préformées) posé sur une semelle cimentée et une fondation bétonnée.

Les silos en blocs de béton (30 par 75 cm) sont également très populaires. Les tuiles, d’une épaisseur minimale de deux pouces, sont embouvetées à l’intérieur d’un mur cylindrique et maintenues en place par des anneaux de fer à la manière d’un baril de vin en bois. On peut le déconstruire, changer les pièces brisées, le déménager et l’édifier après plusieurs années d’usage.

L’automatisation vient donner une poussée au producteur et facilite son quotidien tout en restreignant les besoins en main-d’œuvre. Elle permet d’archiver une traçabilité essentielle pour mieux connaître le troupeau.

« Avec l’automatisation, poursuit le directeur de Silo Supérieur, on peut donner la ration avec tel groupe d’aliments à une telle vache et savoir ce qu’elle a consommé (maïs, grains, suppléments, minéraux, etc.) depuis telle date jusqu’à telle date. On peut ainsi établir une corrélation avec la production et l’efficacité de la bête. »

Bon an mal an au Québec et en Ontario, Silo Supérieur construit quelque 100 silos en béton coulé sur place ou en douves de ­béton. Leurs coûts varient entre 50 000 $ et 150 000 $ selon les ­dimensions.


Tout de bleu vêtus

Deux silos bleus compagnons avec échelle à crinoline et tuyau de remplissage pour l’alimentation des vaches laitières.
Deux silos bleus compagnons avec échelle à crinoline et tuyau de remplissage pour l’alimentation des vaches laitières.

Une autre catégorie de géants est le silo hermétique Harvestore, un bâtiment rond bleu marine dont l’atmosphère est appauvrie en oxygène pour mieux entreposer les plantes fourragères à 50 % d’humidité.

Bâti à partir de panneaux en verre fondu sur acier sur ses deux surfaces, le mastodonte résiste aux acides résultant de la fermentation des aliments à l’intérieur et aux intempéries à l’extérieur. Le remplissage s’effectue par le haut et le désilage par le bas. De plus, l’amélioration de la compaction augmente la capacité d’entreposage de plus de 15 %.

« Étant donné que les murs intérieurs sont plus lisses, on a plus de compaction et donc moins d’oxygène, note le président de Silo J.M. Lambert. La fermentation se fait beaucoup plus vite. Le temps que ça fermente, les gaz tuent l’oxygène et on a une meilleure conservation. » 

Roger Riendeau, collaboration spéciale