Actualités 28 mars 2019

Pour mieux gérer ces pierres qui roulent

L’épierrage des champs, si ardu, bénéficie des progrès de la technologie. L’UtiliTerre a rencontré les fabricants et distributeurs des nouveautés offertes ainsi que des entrepreneurs à forfait du secteur.

L’épierrage est important, car les roches aggravent l’usure des outils agricoles et gênent la germination des cultures ainsi que le développement de leurs racines. Voici huit types d’instruments qui aident à « gérer » ces roches.

La fourche ramasse toujours les pierres

La fourche, l’un des premiers outils d’épierrement, a grossi avec le temps. Attelée devant le tracteur, la pelle mécanique ou la chargeuse compacte, elle est devenue hydraulique. Assez forte, elle déloge les rocs légèrement enfouis. La fourche précède d’ailleurs le passage des autres ramasseuses à roches. C’est l’un des premiers instruments agricoles qu’a conçus Sylvain Houle, soudeur de métier et fils d’agriculteurs de Saint-Germain-de-Grantham. Aujourd’hui, les fourches à roches de Fabrication S. Houle se vendent jusqu’en Australie et en Nouvelle-Zélande. Leur acier très dur les rend infatigables face à l’usure et aux charges verticales ou latérales.

Les fourches hydrauliques Cyr se vendent dans tout le Canada. Crédit photo : Gracieuseté de Fourche Cyr
Les fourches hydrauliques Cyr se vendent dans tout le Canada. Crédit photo : Gracieuseté de Fourche Cyr

Marcel Cyr, de Saint-Elzéar de Beauce, a cultivé durant 25 ans sur 3 000 arpents de « terres à roches » avant de créer avec son épouse Diane Slater la marque Fourche Cyr. « Nos fourches en acier très résistant ramassent autant les grosses roches que celles de 2,5 à 5 cm si on y ajoute des fourchons, mentionne le producteur. Elles manipulent aussi des fourrages, de la litière ou des résidus végétaux, une fois équipées de plaques. Et en hiver, elles grattent et enlèvent à merveille la glace et la neige compactée. » Les fourches hydrauliques Cyr se vendent dans tout le Canada.

Selon le modèle, les fourches Cyr et celles de Fabrication S. Houle ont une largeur de 80 cm à 280 cm et conviennent aux petits et aux gros tracteurs, aux chargeuses compactes et aux pelles mécaniques. Leur largeur va de 79 cm à 257 cm. Leur prix varie entre 2 000 $ et 3 700 $ (hors rabais).

Aligner avant de ramasser

D’abord, parlons des aligneuses-groupeuses, selon l’appellation officielle du Larousse agricole. Il s’agit en fait de râteaux rotatifs sur un châssis traîné par le tracteur. Le rotor en acier des râteaux est hérissé d’une spirale de dents robustes qui peignent les 2,5 à 7,6 premiers centimètres du sol. Mis en diagonale, ces râteaux laissent un andain de pierres le long du trajet.

Fabrication S. Houle propose plusieurs modèles, dont six râteaux simples et un double-vrille à deux râteaux disposés en V. « Pour le transport, le râteau s’aligne dans le prolongement du tracteur grâce à une simple commande manuelle ou hydraulique », souligne Guy Therrien, directeur des ventes pour Fabrication S. Houle.

Chez le fabricant Degelman de Regina, en Saskatchewan, le râteau RR 1500 est le modèle phare, solide et massif, stabilisé sur le terrain par un système à ressorts. La pression de contact se règle par hydraulique. « L’usure des dents varie beaucoup, note Lyman Irwing, président de Ventes AgTopLine, distributeur pour Degelman. Selon la vitesse d’andainage, on aligne des pierres sur 1 à 6 ha l’heure. »

Sur les râteaux à roches de Fabrication S. Houle et Degelman, les dents du rotor sont réversibles et remplaçables. La transmission hydraulique du rotor est optionnelle sur les gros modèles. Les râteaux simples andainent sur une largeur de sol de 1,6 à 4,3 m, et le double-vrille, de 10,7 m. Ils nécessitent une puissance de tracteur de 40 à 125 ch. Les prix (hors rabais) vont de 10 000 $ à 88 000 $.

Les machines qui ramassent les roches

Parlons maintenant des ramasseuses- chargeuses qui recueillent les pierres déjà alignées par les râteaux. Trois fabricants présentent un mécanisme similaire : un grand tambour ou râtelier rotatif à trois peignes dont les dents happent les pierres alignées au sol et les envoient dans une trémie. Deux vérins hydrauliques soulèvent et renversent la trémie vers l’arrière pour la vider.

La ramasseuse Rock King 9600, de la compagnie Degelman située en Saskatchewan. Crédit photo : Gracieuseté de Degelman Industries
La ramasseuse Rock King 9600, de la compagnie Degelman située en Saskatchewan. Crédit photo : Gracieuseté de Degelman Industries

La compagnie Degelman a lancé en 2018 la ramasseuse Rock King 9600. « Avec sa trémie de 3,8 m³ et sa hauteur de déversement de 2,23 m, c’est notre plus grosse ramasseuse Degelman », relate Lyman Irwing, président de Ventes AgTopLine.

Degelman propose deux modèles plus petits, d’une largeur de cueillette de 1,52 m et de 1,83 m et d’une hauteur de déversement de 1 m.

De son côté, Fabrication S. Houle a lancé cette année la Rock Monster RM-8090. De grand calibre, elle offre une hauteur de déchargement de 2,75 m. « Lors de l’enlèvement des cailloux, la Rock Monster peut piquer à 5 cm dans le sol les dents de son tablier de ramassage, dit Guy Therrien. De plus, cette épierreuse peut commencer à déverser les roches quand elle recule, ce qui est unique. »

La ramasseuse NT 78, de Highline Manufacturing, un autre fabricant de la Saskatchewan. Crédit photo : Gracieuseté de Highline Manufacturing
La ramasseuse NT 78, de Highline Manufacturing, un autre fabricant de la Saskatchewan. Crédit photo : Gracieuseté de Highline Manufacturing

Les ramasseuses de la compagnie Highline Manufacturing parcourent également nos champs. Le modèle NT 78 de cet autre équipementier saskatchewanais, avec une largeur de cueillette de 1,98 m, est le plus populaire, bien qu’il existe des modèles de 1,12 m et de 1,52 m. Guidé pendant sa rotation par un rail irrégulièrement circulaire, le râtelier ramasserait ainsi, sur un plan plus horizontal, plus de pierres et moins de terre.

« Les épierreuses Highline sont entièrement contrôlées par hydraulique : cela permet d’arrêter et de démarrer le râtelier ou d’inverser sa rotation en cas d’obstacle à partir de la cabine », explique François Boucher, vice-président des Équipements DFK.

Les ramasseuses qui andainent les roches

Les pierres des champs semblent repousser chaque année. Heureusement, les solutions pour mieux les gérer se modernisent. Crédit photo : Gracieuseté de Fourche Cyr
Les pierres des champs semblent repousser chaque année. Heureusement, les solutions pour mieux les gérer se modernisent. Crédit photo : Gracieuseté de Fourche Cyr

Voici quatre épierreuses qui cumulent l’andainage et le ramassage des pierres. Leurs râteaux rotatifs acheminent les pierres vers le tambour chargeur puis dans la trémie.

La première ramasseuse, la Rock-Eze 3106, de DuraTech Industries (autrefois Haybuster), compte un seul râteau rotatif. Son tambour chargeur est une grande roue verticale en « cage d’écureuil » d’un diamètre de 1,8 m entraînée par contact avec le sol lors de son avancement. Dans la roue, cinq grandes pales recueillent et soulèvent en tournant les pierres qu’amène le râteau, puis les déchargent dans la trémie.

La ramasseuse Rock-Eze 3106 porte une trémie et un râteau plus petits, mais elle est appréciée pour son prix moins élevé. « Elle nivelle bien le terrain, car sa grande roue et son râteau effacent les traces de roues du tracteur », confie Luc Legroux, directeur des ventes d’East-Can Equipment Sales.

Les ramasseuses des autres marques hissent quant à elles deux râteaux latéraux qui entraînent les pierres délogées vers le tambour central.

Parmi celles-ci, notons l’épierreuse Stonebear, de la division Kongskilde de New Holland, dont les modèles SB 4000 et SB 5200 effectuent le dérochage respectivement sur 4 m et 5 m de large. « Un modèle plus gros, la Stonebear 2.60, a été lancé récemment, mais pour le moment, la SB 4000 reste très recherchée », explique Louis Jussaume, directeur des ventes pour la firme Inotrac, concessionnaire de New Holland.

Quant à la Kivi-Pekka, du fabricant finlandais Pel-Tuote, elle épierre de 4 à 7 m de champ. Comme sur la Stonebear de New Holland, ses râteaux sont entraînés par des courroies trapézoïdales. « Ce système absorbe les chocs en douceur et ralentit ou arrête la rotation en cas de roche coincée », décrit John Ducross, directeur des ventes chez Hakmet Forestier.

Le fond de la trémie de la Kivi-Pekka est ajouré pour éliminer plus de terre au transport et au vidage. Un matelas de caoutchouc recouvre celui de la Stonebear, réduisant les chocs et le bruit.

Enfin, Elho, autre équipementier finlandais, propose une machine imposante : la Scorpio 550. Ses râteaux et son tambour de chargement sont entraînés par transmission hydraulique. Cela exige un tracteur plus puissant (de 122 ch à 190 ch), mais adoucit le contrôle des composantes. « Si la machine rencontre un obstacle, elle arrête de tourner et son devant se soulève, hors d’atteinte », indique Serge Moreau, président de Machinerie agricole L.S., à Sainte-Brigitte-des-Saults.

Les ramasseuses qui tamisent la terre

La ramasseuse-tamiseuse est un grand panier cylindrique rotatif attelé sur le devant du tracteur ou de la chargeuse compacte. Animée par hydraulique, elle se manie comme une pelle pour ramasser en même temps les roches et la terre. Puis, en la faisant tourner assez longtemps, on obtient des pierres impeccables et un terreau libre de cailloux.

Le ramasseur tamiseur du fabricant québécois Conception Maximo permet d’obtenir à la fois une roche d’une grande propreté et un terreau bien tamisé. Crédit photo : Gracieuseté : Conception Maximo
Le ramasseur tamiseur du fabricant québécois Conception Maximo permet d’obtenir à la fois une roche d’une grande propreté et un terreau bien tamisé. Crédit photo : Gracieuseté : Conception Maximo

La compagnie Conception Maximo, de Saint-Gabriel-de-Brandon, a remplacé la section du panier par une solide plaque d’acier terminée par un couteau. « On a alors une plus grande surface de contact qui “tranche” mieux la terre sous les roches », décrit Gaston Morin, président de cette compagnie bien connue dans les secteurs agricole, forestier et industriel.

La finesse du tamisage dépend de la grille installée sur le baril-tamiseur de Conception Maximo. Doté d’un système d’attache rapide, il possède une capacité de 408 kg à 1 134 kg. Utilisé avec un tracteur de 40 à 125 ch, selon le modèle, il ramasse des pierres de 5 cm à 102 cm. « Agriculteurs et paysagistes apprécient ce système », souligne M. Morin.

Broyer sur place

On peut aussi broyer les roches sur place et les incorporer à la terre. Les broyeurs actuels font du concassement jusqu’à plus de 40 cm dans le sol. La finesse du broyage réglée par l’écartement entre les marteaux et les contre-marteaux permet d’atteindre un diamètre de 0 à 2 cm.

Un broyeur à roches FAE, conçu dans la région rocailleuse du nord de l’Italie. Crédit photo : Gracieuseté de FAE
Un broyeur à roches FAE, conçu dans la région rocailleuse du nord de l’Italie. Crédit photo : Gracieuseté de FAE

À Sainte-Brigitte-des-Saults, les frères Marc-Olivier et Ludovic Benoît, copropriétaires de GB Équipements, distribuent les broyeurs du fabricant italien FAE. À un jet de pierre de là, le duo gère également une ferme où il teste ces appareils. « Nous faisons du broyage soit en profondeur, après un passage de chisel, soit en surface, après un andainage au râteau rotatif, explique Marc-Olivier Benoît. Ça empêche la compaction que produiraient les allées et venues d’une ramasseuse dans un champ très pierreux. Aussi, il laisse sur place la bonne terre et sa matière organique. »

Broyeur à roches et à résidus, du fabricant français Bugnot. À noter, la propreté du résultat à droite du tracteur tirant l’appareil. Crédit photo : Gracieuseté de Bugnot
Broyeur à roches et à résidus, du fabricant français Bugnot. À noter, la propreté du résultat à droite du tracteur tirant l’appareil. Crédit photo : Gracieuseté de Bugnot

Deux opérations en une

Philippe Goubau est un concessionnaire de la marque française Bugnot. C’est à sa ferme familiale que l’utilité des broyeurs s’est avérée claire comme de l’eau de roche. « Nos terres situées dans la région de Maxville, en Ontario, sont remplies de rocailles et nous faisons aujourd’hui nos cultures sur des lots pierreux que l’on disait condamnés, mentionne M. Goubau. La terre mélangée à la pierre concassée se draine bien et se réchauffe vite au printemps. Et puis, les broyeurs remplacent toujours les opérations de ramassage et de déversement, ce qui diminue le coût à l’hectare. »

Les modèles Bugnot et FAE croquent sans hésiter des roches de 30 cm. Certains pulvérisent autant des pierres que des résidus ligneux. Les modèles requièrent un tracteur d’une puissance de 80 ch à 350 ch. Le prix varie de 30 000 $ à 150 000 $.