Actualités 7 décembre 2019

La peste porcine africaine, une épidémie mondiale

En seulement un an, la peste porcine africaine (PPA) a pris une telle ampleur que tous les pays producteurs de porcs sont présentement menacés par sa propagation rapide. En effet, depuis son introduction en Chine en août 2018, la PPA s’est propagée à neuf autres pays asiatiques. En Europe, où la maladie est apparue en Géorgie en 2007, celle-ci s’est dispersée graduellement vers les pays de l’Est pour toucher la Russie, ainsi que vers l’Ouest, pour atteindre la Belgique en 2018. Au total, une quinzaine de pays européens en sont atteints.

Qu’est-ce que la PPA?

La peste porcine africaine est causée par un virus qui affecte les suidés, c’est-à-dire les porcs domestiques et les sangliers. Les porcs sauvages d’Afrique tels que les phacochères et les potamochères en sont des porteurs naturels; la maladie clinique n’est pas observée chez ces animaux. Cependant, chez les porcs domestiques et les sangliers, la maladie peut causer jusqu’à 90 à 100 % de mortalité. Les signes cliniques causés par la maladie sont multiples, mais ils ne sont pas distinctifs. Des analyses en laboratoire sont nécessaires pour confirmer sa présence.

Le virus de la PPA se transmet par contact entre des porcs, par des objets contaminés (vêtements, équipements de ferme, etc.) ou par des déchets alimentaires contenant de la viande de porc contaminée par le virus de la PPA lorsqu’ils sont donnés aux porcs comme nourriture.

Il n’existe aucun traitement pour cette maladie et aucun vaccin efficace n’a encore été développé pour la contrer. La peste porcine africaine ne se transmet cependant pas aux humains et ne présente donc aucun risque pour la santé publique. Ce n’est pas non plus un problème de salubrité alimentaire.

D’où vient la maladie?

Reconnue pour la première fois au Kenya en 1909 selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la PPA s’est ensuite propagée à plusieurs pays d’Afrique où elle est endémique encore aujourd’hui. La PPA a fait une première incursion en Europe par le Portugal dans les années 1950. Elle s’est ensuite dispersée à plusieurs autres pays, qui ont tous réussi son éradication, sauf dans l’île de Sardaigne en Méditerranée. La PPA a aussi atteint quelques pays des Caraïbes et d’Amérique du Sud dans les années 1970, d’où elle a été éradiquée durant la même période. Depuis, tous les pays des Amériques sont demeurés indemnes de la maladie.

Des impacts majeurs

Au cours de la dernière année, la PPA a causé la mort de plusieurs dizaines de millions de porcs, particulièrement en Asie. Le cheptel mondial de porcs est estimé à 770 millions d’individus, et l’Asie en détient près de 70 %. Selon la Rabobank, la Chine à elle seule devrait voir sa production porcine baisser de 200 millions d’individus d’ici la fin de 2019, alors qu’elle en produisait environ 688 millions en 2017. Les impacts dans les autres pays asiatiques seront tout aussi importants (voir tableau), ce qui causera graduellement de plus en plus de perturbations dans le commerce mondial des produits du porc.

Quels sont les risques pour le Canada et le Québec?

Les risques de propagation pour le secteur porcin du Canada et du Québec, qui exporte environ 70 % de sa production, sont réels. La mobilisation de tous les intervenants concernés est sans précédent. Une incursion de la maladie aurait pour effet de bloquer toute exportation pendant une période indéterminée. Le principal facteur de risque est l’importation illégale de produits du porc contaminés qui pourraient se retrouver dans l’alimentation des porcs (basse-cour ou autre) au pays. Plusieurs pays asiatiques et l’Australie ont rapporté avoir saisi, dans des aéroports et des ports, des produits du porc contaminés (c.-à-d. saucisses précuites, saucissons, etc.) de voyageurs en provenance de pays avec des cas de PPA. Ce virus peut survivre plusieurs mois dans des produits porc transformés. 

La peste porcine africaine est causée par un virus qui affecte les suidés, c’est-à-dire les porcs domestiques et les sangliers. Photo : Archives\TCN
La peste porcine africaine est causée par un virus qui affecte les suidés, c’est-à-dire les porcs domestiques et les sangliers. Photo : Archives\TCN

Les autorités canadiennes sont sur un pied d’alerte, et le moyen le plus efficace de gérer ce risque est l’utilisation de chiens dépisteurs aux points d’entrée au pays et la délivrance d’amendes aux contrevenants. Agriculture et Agroalimentaire Canada s’est d’ailleurs engagé au printemps dernier à faire passer le nombre d’équipes de chiens dépisteurs de 15 à 39 sur une période de cinq ans. Un budget additionnel de 31 M$ a été octroyé pour répondre à cet engagement. D’autres facteurs de risque d’introduction de la maladie sont dans la mire, tels que les ingrédients en alimentation animale, les visiteurs et les équipements provenant de pays infectés. Des mesures de biosécurité sont prescrites pour contrôler ces risques.

Au Québec, les partenaires du secteur porcin se mobilisent autour de l’EQSP dans le cadre du développement d’un plan de mesures d’urgence. Cette initiative vise à se doter d’une stratégie d’intervention en appui aux autorités en santé animale, telle que l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), et à accompagner les éleveurs affectés, de même que les partenaires, qui devront faire face à des impacts importants sur leurs activités régulières.

La prévention reste le fer de lance de la mobilisation, car, comme le dit l’adage :

Mieux vaut prévenir que guérir!

Martin Pelletier, agr., MBA / Directeur général et coordonnateur des maladies émergentes, Équipe québécoise de santé porcine (EQSP)